Assel Jabassova a rejoint l’OMS en 2017 et travaille comme consultante en communication au Centre européen de l’OMS pour les soins de santé primaires à Almaty (Kazakhstan) Dotée d’un esprit vif et créatif axé sur le détail, la langue et les arts, elle dirige également sa propre agence de création de contenu, baptisée « Text and the City ». Quand elle a besoin d’une pause après avoir fait mille choses à la fois, elle s’assied dans son fauteuil favori avec un de ses livres, ou regarde Indiana Jones.
Quel a été votre parcours ?
J’ai étudié le journalisme international, le français et les arts et la culture. J’ai travaillé dans un centre d'art contemporain rayonnant d'énergie créative, entourée de personnes extraordinaires du monde des arts, un milieu qui, au début de ce siècle, était en pleine effervescence au Kazakhstan. Nombre de ces personnes sont devenus des icônes et des célébrités de l’art national au Kazakstan et au-delà des frontières. C’est aussi là que j’ai rencontré mes amis les plus proches, et notre amitié a plus de 20 ans aujourd’hui. Ce fut une période très heureuse de ma vie. À un moment donné, j’ai commencé à travailler dans le monde des magazines sur papier glacé. J’ai été rédactrice pour la rubrique culturelle de Harper’s Bazaar, puis je suis passée par Esquire et ensuite par Cosmopolitan et d’autres magazines féminins. J’ai voyagé dans le monde entier et j’ai rencontré beaucoup de gens fascinants.
Qu’est-ce qui vous a amenée à l’OMS ?
Après avoir quitté le monde des magazines féminins et avoir eu mon deuxième enfant, j'ai décidé d'ouvrir ma propre agence de création de contenu ; j'ai commencé avec une petite équipe. Travailler comme indépendante me convenait très bien : le travail était dur, mais cela voulait aussi dire que je pouvais être ma propre patronne. Un jour, un de mes amis a rencontré un membre du personnel de l’OMS qui était à la recherche d’une équipe locale pour produire une vidéo sur les soins de santé primaires, et mon ami lui a dit : « Vous devriez rencontrer Assel ! ». On connaît la suite.
Qu’est-ce que cela vous a fait de passer du monde de la mode à celui de la santé ?
En fait, cela n’a pas été une transition si radicale que ça. Dans les magazines féminins, nous abordions beaucoup de sujets en rapport avec la santé : l’éducation sexuelle, la prévention des maladies, le cancer du sein ou l’obésité, pour n’en citer que quelques-uns. Partout dans le monde, on a accordé peu de valeur à la santé de la femme et on l’a négligée... J’ai beaucoup insisté pour que nous couvrions bon nombre de ces thèmes. Nous voulions rédiger des articles utiles pour nos lectrices, et je crois que nous y sommes parvenus. Aujourd’hui, je sens que je peux exploiter mon côté créatif en travaillant pour le Centre européen de l’OMS pour les soins de santé primaires, avec tous mes formidables collègues. Notre équipe est très novatrice. En 2020, par exemple, nous avons organisé un talk-show sur les soins de santé primaires. Il existe bien des manières de diffuser un message sur l’importance des soins de santé primaires.
Un talk-show ?
Oui ! C’était passionnant. Une fois que l’idée a germé, nous avons eu beaucoup de discussions quant au format de ce talk-show. Finalement, nous avons décidé que nous ne voulions pas de discours ou de téléprompteurs : nous voulions faire connaître le vécu et les témoignages des praticiens et des personnes qui s’occupent de la santé des autres. En décembre 2020, nous avons diffusé pour la première fois « Let's Talk Primary Health Care » [Les soins de santé primaires, parlons-en]. Le public cible se compose de décideurs, d’influenceurs et de professionnels de la santé de toute la Région européenne de l’OMS, et tous les épisodes sont disponibles en ligne. Et les réactions ont été extraordinaires !
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les récits personnels. Une fois, nous avons fait un reportage photo sur une sage-femme qui travaille avec des mères et leurs nouveau-nés dans des zones reculées. Il faisait - 20 degrés Celsius, et c’était au milieu de l’hiver. Un bus médicalisé nous a emmenés, avec la sage-femme, pour rendre visite à une famille qui venait d’accueillir son troisième enfant. Je me souviendrai toujours de l’air vivifiant de ce matin-là, avec de la neige partout. La maison de cette famille était très modeste, mais si chaude et accueillante à l’intérieur ! Il y avait une différence de température incroyable. Être là, voir le travail fantastique de cette travailleuse de la santé et ressentir la joie de la famille... Ce sont ces petits moments que l’on n’oublie pas.
C’est aussi une source d’inspiration de travailler avec des personnes créatives, intelligentes, en particulier avec des femmes brillantes. Elles sont très efficaces dans leur travail, inclusives, et souvent, elles n’ont pas peur d’essayer quelque chose de nouveau. Ce talk-show est un excellent exemple de ce que l’on peut faire en sortant des sentiers battus. Et, plus important encore, notre équipe est la preuve que l’empathie et un bon esprit de corps, associés à une intelligence émotionnelle, peuvent déplacer des montagnes.
Quel est le livre qui occupe la première place dans votre bibliothèque ?
C’est un magnifique ouvrage intitulé « Femmes invisibles », de Caroline Criado Perez, qui regorge d’informations sur la manière dont les femmes ont été rendues invisibles tout au long de l’Histoire. Je suis à la moitié du livre, et c’est à la fois révoltant et excellent.
Une dernière question. Votre film favori ?
Mon père est géologue. En ce moment, il a fort à faire pour sauver la mer d’Aral. Il crée des bassins d'eau pour les antilopes Saiga, en voie d’extinction. Quand j’étais enfant, nous faisions souvent des excursions passionnantes avec lui. C’est peut-être pour cela que j’aime Indiana Jones [elle rit]. Quand je suis triste ou malade, et que je ne peux pas quitter le canapé, je regarde toujours les films d’Indiana Jones. Mon mari ne le comprend pas du tout, et mes enfants encore moins, mais c’est mon truc.
Centre européen de l’OMS pour les soins de santé primaires, Almaty (Kazakhstan)
- Nombre d’employés : 12
- Ce centre fait partie de la division des Politiques et systèmes de santé des pays de l’OMS/Europe, et est un centre d’excellence pour les politiques en matière de soins de santé primaires. Il aide les États membres à renforcer les services de soins primaires centrés sur la personne, accessibles à tous. Ses travaux portent notamment sur des thèmes transformateurs, abordés pour la première fois durant la période pandémique et post-pandémique, comme l’adoption d’une démarche multidisciplinaire, la formation de réseaux pour les soins primaires et l’amélioration de la prise en charge de la population sur le plan sanitaire.
- Ce centre comprend une équipe de spécialistes de la santé publique, d’économistes de la santé, de spécialistes des sciences sociales, de spécialistes des données, d’universitaires et d’anciens cliniciens qui ont une même passion pour les soins de santé primaires et pour la personne.
- Fondé en 2016, ce centre se situe à Almaty, où a été signée, en 1978, la déclaration d’Alma-Ata, qui est considérée comme un important jalon du XXe siècle dans le domaine de la santé publique et proclame que les soins de santé primaires sont la clé qui permettra d’atteindre l’objectif de la Santé pour tous.
- Les soins de santé primaires sont des soins de santé dispensés au sein de la communauté, habituellement par des médecins de famille, des infirmiers de proximité, des spécialistes de la santé mentale, des assistants sociaux et d’autres professionnels de la santé dans des centres de santé.. Ils doivent être universellement accessibles à tous par des moyens acceptables pour eux, et à un coût que la communauté et le pays peuvent assumer.