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Quand une infirmière scolaire devient une porte-parole courageuse : le combat mené par Arofat contre le cancer du col de l’utérus

5 février 2025
Quand on voit le sourire rassurant et les yeux chaleureux d’Arofat Marakhimova, « peur » n’est pas le premier mot qui vient immédiatement à l’esprit. Cette infirmière scolaire a, pendant près de 30 ans, pansé des genoux écorchés, réconforté ses patients et réprimandé gentiment des enfants aux yeux écarquillés parce qu’ils ne se lavaient pas les mains. Or, il n’y a pas si longtemps, elle s’est quand même retrouvée face à la peur.

Dépistage précoce

Tout a commencé par un appel téléphonique de la clinique. Arofat se souvient encore des battements de son cœur lorsqu’on lui a dit : « entrez, les résultats de vos tests ne sont pas bons ». Comme elle est le genre de personne qui passe directement à l’action, elle s’est précipitée pour entrer, mais selon ses propres mots, ses pensées « ont filé dans tous les sens ». Elle a ressenti une peur qu’elle avait rarement connue : le diagnostic de papillomavirus humain positif n’était pas ce qu’elle s’attendait à entendre. Ça l’a beaucoup affecté au début. « J’ai sombré dans une profonde dépression », explique-t-elle. « Je ne pouvais même pas en parler à mes enfants. »

Le diagnostic d’Arofat s’inscrit dans le cadre d’un programme pilote de dépistage du cancer du col de l’utérus en Ouzbékistan, lancé en 2020 par le Fonds des Nations Unies pour la population, l’ambassade de France, le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe ainsi que le Centre international de recherche sur le cancer. Son objectif était d’introduire le dépistage du papillomavirus humain comme principale méthode de détection précoce. « Ils m’ont dit que comme j’étais plus âgée, je devais passer ce test », se souvient Arofat. « J’étais effrayée, mais je suis reconnaissante que cela se soit passé comme ça, car le test de dépistage du papillomavirus humain a permis de détecter ma maladie à un stade précoce. » Comme des milliers d’autres femmes inscrites dans la région de Tachkent et au Karakalpakstan, Arofat a appris que des outils avancés de détection précoce pouvaient aider à dépister les lésions précancéreuses du col de l’utérus avant qu’elles ne mettent la vie en danger.

Dans le cadre de ce projet pilote, plus de 56 000 femmes ont bénéficié d’un dépistage, et nombre d’entre elles, comme Arofat, ont reçu des informations susceptibles de leur sauver la vie. Cette initiative ouvre la voie à un programme national de dépistage du papillomavirus humain dès 2025 afin que l’Ouzbékistan puisse se rapprocher de l’objectif mondial d’élimination du cancer du col de l’utérus. 

« Ne vous négligez pas »

« Le fait que j’aie une formation médicale m’a aidée », explique Arofat. Elle savait qu’il était important d’agir rapidement. « J’ai pris congé de mon travail et j’ai fait l’effort d’y aller. » Cela n’a pas été facile – elle avait peur, mais ses médecins l’ont rassurée. « Ne vous inquiétez pas », ont-ils dit. « Cela se soigne. » Et c’est exactement ce qui s’est passé. Des tests, des consultations, encore des tests. Puis, soulagement total : un deuxième test s’est révélé négatif. « J’étais tellement émue que j’en avais les larmes aux yeux », dit-elle en se souvenant de la gynécologue qui lui a annoncé la bonne nouvelle.

Aujourd’hui, Arofat « va bien et n’a plus peur », et quand on l’interroge sur son expérience, elle dévie rapidement la conversation pour évoquer les autres femmes. « Ne vous négligez pas », dira-t-elle, « faites-vous examiner même si vous vous sentez en bonne santé. Vous le devez à vous-même. » Elle le dit avec une telle chaleur qu’on ne peut s’empêcher de la croire.

Vaccination, dépistage et traitement

Arofat n’a jamais cessé de plaider en faveur du bien-être des femmes. Lorsqu’elle a pris connaissance du cancer du col de l’utérus, une maladie principalement due à des types de papillomavirus humain à haut risque, elle a su qu’elle devait partager ce savoir. « Le cancer du col de l’utérus est différent de la plupart des cancers, car on peut le prévenir par la vaccination », explique-t-elle.

Dans son rôle d’infirmière scolaire, elle a aidé à vacciner des fillettes de 9 ans contre le papillomavirus humain. « Au début, les parents étaient effrayés », admet-elle. « Mais après que je leur ai expliqué comment ça protégeait leurs enfants, ils ont accepté. Aujourd’hui, j’encourage tout le monde à avoir confiance dans le vaccin contre le papillomavirus humain. J’ai même fait vacciner mes petites-filles. » Arofat a 3 enfants et 5 petits-enfants.

La communauté mondiale, sous l’impulsion de l’Initiative de l’OMS pour l’élimination du cancer du col de l’utérus, vise à réduire le nombre de nouveaux cas à moins de 4 pour 100 000 femmes par an d’ici la fin du siècle.

Il s’agit d’un objectif ambitieux qui repose sur 3 piliers essentiels :
  • la vaccination de 90 % des filles à l’âge de 15 ans ;
  • le dépistage de 70 % des femmes à l’aide d’un test de haute performance à l’âge de 35 ans et à nouveau à l’âge de 45 ans ;
  • le traitement de 90 % des femmes présentant des lésions précancéreuses et un cancer invasif.
La recherche montre qu’une seule dose de vaccin contre le papillomavirus humain offre une protection efficace qui persiste même 15 ans après son administration. Le dépistage du papillomavirus humain reste essentiel : lorsqu’il est effectué tous les 10 ans, il permet de détecter les signes précoces, avant que ne se développe une maladie grave. Et malgré la dimension clinique de ces solutions, celles-ci se résument simplement, pour des femmes comme Arofat, en un avenir sans cancer du col de l’utérus.

L’histoire d’Arofat témoigne de l’importance du dépistage et de la vaccination contre le papillomavirus humain qui permettent à une maladie autrefois très répandue de pouvoir être prise en charge et évitée. « Il est temps que le cancer du col de l’utérus arrête de faire autant de victimes », déclare Arofat. Dans les couloirs où résonnent les rires des enfants, elle sait qu’elle a une tâche encore plus importante à accomplir que celle de panser les égratignures : partager des connaissances vitales sur la prévention du cancer du col de l’utérus.