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« Je savais que je réussirais » : le récit de la réadaptation mentale et du rétablissement de Gulnar

3 décembre 2024
Gulnar Sagiyeva a connu un parcours difficile : à la suite d’une crise psychique, elle a été privée de sa capacité juridique et a passé 10 ans dans un établissement spécialisé dans les soins psychiatriques de longue durée. Ce récit est basé sur ses souvenirs. 

« Je suis née et j’ai grandi dans une famille nombreuse ordinaire, au Kazakhstan. J’ai terminé avec succès mes études secondaires, ai obtenu un diplôme à la faculté de médecine et suivi une formation d’infirmière. Pendant 10 ans, j’ai travaillé au centre de recherche, dans une unité de soins intensifs pour nouveau-nés. J’y étais l’une des plus grandes spécialistes. Ma contribution au développement du système de santé national m’a valu une certaine reconnaissance et j’ai été pressentie pour recevoir la médaille Florence Nightingale pour les résultats obtenus dans le cadre de mon travail. Malheureusement, je n’ai pas pu savourer ces louanges. »

Il y a une vingtaine d’années, la famille de Gulnar a contacté un service de psychiatrie pour l’aider à gérer les symptômes d’un problème de santé mentale, qui s’aggravaient. Cette année-là, elle a été hospitalisée plusieurs fois. À terme, on ne l’a plus considérée comme capable de prendre ses propres décisions sur le plan juridique. 

« Lorsque j’ai réalisé ce qui s’était passé, je me suis sentie désespérée, impuissante. J’ai connu tellement de déchirements, rencontré tellement d’incompréhension, mais malgré la situation, j’ai toujours essayé d’être active, d’aider les gens en utilisant les connaissances et l’expérience que j’avais acquises dans le domaine médical. Parfois, j’ai trouvé le courage de donner des conseils aux infirmières ; je les ai encouragées à faire preuve de psychologie lorsqu’un patient fait une rechute, à essayer de comprendre plutôt que d’ignorer sa façon de voir les choses. D’être de son côté et de tenter de l’apaiser. »

Le cheminement vers la guérison

Durant son hospitalisation, Gulnar est restée active. Experte en tricot, elle a commencé à enseigner ces compétences manuelles à d’autres patients. Elle a également joué un rôle actif dans l’organisation de concerts et de spectacles de danse. Son travail a incité la direction de l’établissement de soins de longue durée à créer d’autres clubs de loisirs, ainsi qu’à ouvrir des salles d’ergothérapie, en faisant appel à des thérapeutes et à des animateurs culturels pour qu’ils dispensent leurs services aux utilisateurs.

« Mais tout cela se passait en vase clos, comme dans un autre monde », se souvient-elle. « Nous avions le sentiment d’être différents. Je ne sais pas si c’est vrai, mais à ce moment-là, je ne voyais pas l’intérêt de faire quoi que ce soit. Je comprenais seulement qu’il était inutile d’essayer de prendre contact. Je me sentais seule. » 

Puis, en 2015, Gulnar a participé à un projet social appelé « Café formation », qui employait des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Outre Gulnar, d’autres bénéficiaires de services sociaux ont trouvé un emploi permanent dans ce café en tant que cuisiniers, serveurs ou barmans. Depuis, ce projet a connu un grand retentissement auprès de la population kazakhe. 

« Six mois plus tard, on m’a demandé de diriger l’unité de production des pelmeni. En 2017, nous avons reçu un bâtiment pour ouvrir un nouveau café portant le même nom. La même année, le projet « Centre pour la vie autonome des personnes souffrant de troubles mentaux » a été lancé. L’objectif de ce centre était de permettre aux patients de vivre dans un appartement ordinaire, sous la supervision de travailleurs sociaux, tout en obtenant un emploi. Ils auraient ainsi de meilleures possibilités de socialisation. Tous ces projets ont été lancés grâce à la docteure Anna Kudiyarova, une psychanalyste kazakhe, avec le soutien des autorités publiques nationales. Ce projet m’a donné l’occasion de sentir que je faisais partie de la société, ce qui a – bien sûr – eu un impact positif sur mon rétablissement. »

Grâce au travail de militants locaux des droits de l’homme, qui se sont également joints à ce processus, Gulnar a retrouvé sa capacité juridique. Elle travaille aujourd’hui au Centre de l’Association psychanalytique, en tant qu’assistante de direction. 

« Je suis heureuse de pouvoir à nouveau gagner de l’argent et travailler à la réalisation de mes objectifs personnels, mais à l’avenir, j’aimerais m’essayer à d’autres choses, comme le marketing ou un travail dans une clinique, par exemple un centre de santé dentaire. Je pense que je ferais une bonne réceptionniste, pour communiquer avec les clients ou les patients. »

« En définitive », poursuit-elle, « tout ce dont j’ai besoin, c’est de faire partie de la société pour communiquer et atteindre mes objectifs ». 

Transformer les services de santé mentale

L’histoire de Gulnar montre que la stigmatisation et les attitudes et directives discriminatoires peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale et entraver un rétablissement. En investissant dans la santé mentale, on peut alléger considérablement la souffrance des personnes souffrant de troubles mentaux et améliorer leur qualité de vie, leur fonctionnement au sein de la société et leur espérance de vie. Le 10 octobre 2024, l’OMS/Europe a publié la boîte à outils Mosaic pour mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination dans le domaine de la santé mentale. Cette boîte à outils est destinée à tous ceux qui souhaitent s’investir dans la lutte contre la stigmatisation, et vise à décrypter le processus permettant de limiter cette dernière et de contrer les discriminations. 

L’OMS aide les pays à transformer les services de santé mentale, afin d’adopter une approche axée sur la personne, la communauté et les droits. Soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de politiques inclusives qui donnent la priorité aux soins de santé mentale de proximité permet de s’assurer que la personne bénéficie d’un encadrement complet, accessible et bienveillant au sein de sa communauté locale.

L’un des outils de l’OMS pour promouvoir une transformation des services est l’initiative mondiale QualityRights, conçue pour améliorer la qualité des soins dans les services de santé mentale et unités connexes, et pour promouvoir les droits des personnes souffrant de handicaps psychosociaux, intellectuels et/ou cognitifs. QualityRights est un travail de terrain, visant à y changer les attitudes et les pratiques ; ses responsables agissent également par le biais de politiques pour créer un changement durable. Cette initiative a permis de concevoir et de déployer une gamme variée d’instruments pédagogiques, de boîtes à outils, d’aides techniques et de recommandations concrètes pour soutenir une approche de la santé mentale axée sur les droits humains et le rétablissement de la personne, en phase avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et avec d’autres normes internationales en matière de droits humains.