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« Les diabétiques gardent souvent leurs sentiments pour eux : on se sent seul, obligé de faire ses preuves et très conscient de la stigmatisation », explique Konstantina Boumaki.
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« Mon conseil à tous les médecins, en tant que future médecin et en tant que patiente, est de considérer leur patient comme un être humain et non comme un numéro »

10 octobre 2024
Konstantina Boumaki est étudiante en médecine en Grèce. Elle siège au Conseil d’administration du Forum européen des patients et de la Fédération hellénique du diabète, et elle est aussi un membre actif de la Fédération internationale du diabète.

Konstantina se souvient clairement de son diagnostic. « J’avais 9 ans. Je me sentais mal depuis un certain temps. Mon médecin généraliste a détecté cette odeur dans mon haleine, cette odeur fruitée qui indique un niveau dangereux de cétones dans le sang : c’est l’acidocétose. Il m’a envoyée directement à l’hôpital. C’était effrayant. Comme il était calme et positif, j’étais aussi positive. Je me souviens que j’avais hâte de manger ma friandise hebdomadaire que j’avais choisie avec ma mère au supermarché. Ma première question a donc été de savoir si je pourrais encore la manger. Et il m’a dit oui ! »

Le spécialiste pédiatrique du diabète de Konstantina l’a également aidée à accepter sa maladie. « Il nous a non seulement aidés, mes parents et moi, à comprendre le diabète, mais il nous a aussi donné l’espoir que cela deviendrait en fait plus facile, et ce le fut finalement, grâce à de nouvelles technologies que nous ne pouvions pas imaginer à l’époque. »

Konstantina ajoute : « lorsqu’on a un peu d’espoir que la réalité sera meilleure et plus facile dans quelques années, on s’accroche et on tient le coup lors des jours difficiles. Ça, il le savait. Il était aussi conscient que le soutien psychologique au cours des premiers jours du diagnostic était très important. Il nous a donc souvent demandé, à ma mère et à moi, de rencontrer les membres d’une autre famille et leur enfant nouvellement diagnostiqué. Ils pouvaient alors exprimer toutes les pensées et toutes les craintes qu’ils tairaient, et il le savait, à mon médecin. Je me souviens que les mères pleuraient toujours pour extérioriser leurs sentiments. »

Comme le souligne Konstantina : « c’est grâce à ce médecin que j’ai commencé à militer et que j’ai entamé des études de médecine ».

Créer un lien

« Mon conseil à tous les médecins, en tant que future médecin et en tant que patiente, est de considérer leur patient comme un être humain et non comme un numéro », explique Konstantina. 

« Tant que mes taux d’HbA1c [hémoglobine glyquée] et de glycémie étaient bons, mon médecin ne pensait pas aux chiffres – il s’intéressait à mon état et à ma vie à l’école avec mes amis, à la manière dont j’acceptais le diabète et si je renonçais à d’autres choses pour le contrôler. Ces questions n’étaient pas le fruit du hasard ; il a en effet créé un espace sûr, un lien important entre nous. Tous les 3 mois, je me rendais à l’hôpital d’Héraklion pour un contrôle avec lui et son infirmière, elle-même diabétique. J’étais entouré d’une équipe formidable. »

Konstantina a également connu une approche inverse. « Au début, j’avais une diététicienne qui ne me considérait pas comme une personne, mais comme une patiente à qui elle disait ce qu’elle devait faire. Je m’injectais de l’insuline mixte avec une seringue, et je suivais un régime alimentaire strict avec des mesures et des horaires précis. Sa froideur à mon égard a fait que je n’ai plus voulu retourner la voir, ni aucune autre diététicienne. »

Se remémorant cette expérience, Konstantina explique : « on doit être à l’écoute de ses patients et de leurs besoins pour qu’ils sachent qu’on les aidera à contrôler leur glycémie. Il s’agit là d’un domaine sensible : de nombreuses recherches montrent que les personnes atteintes de diabète, en particulier de type 1, développent souvent des troubles de l’alimentation. J’ai moi-même souffert d’un trouble de l’alimentation contre lequel je me bats toujours, mais qui n’est plus aussi grave qu’avant. L’approche de cette diététicienne n’a pas aidé. »

Les solutions technologiques

Les diabétiques sont souvent dépendants des technologies. Lorsque Konstantina est arrivée à Athènes comme étudiante, elle était déterminée à essayer la pompe appelée « pancréas artificiel ». Or, les instructions qu’elle a reçues étaient si médiocres que ses efforts pour l’utiliser se sont transformés en 3 mois de cauchemar. 

« Les nouvelles technologies sont formidables et nous en avons besoin, mais si nous ne disposons pas d’un système efficace pour nous apprendre à les utiliser, c’est pire que de ne pas en avoir ! Être diabétique, c’est déjà un travail à plein temps. »

Le soutien psychosocial

Selon Konstantina, l’ajout d’un psychologue à une équipe soignante du diabète constitue une excellente solution. « Les diabétiques gardent souvent leurs sentiments pour eux : on se sent seul, obligé de faire ses preuves et très conscient de la stigmatisation. Quand on connaît un mauvais jour, on pense toujours que c’est de sa faute, qu’on ne fait pas du bon travail. J’avais l’habitude de cacher mes sentiments, mais c’est tellement important d’être ouvert, sinon, les amitiés ne sont pas aussi profondes qu’elles devraient l’être, on érige un mur. Certains jours sont difficiles, mais on les accepte et on fait avec. Maintenant, je suis plus ouverte et plus calme, mais je suis aussi têtue ! »

Konstantina s’inquiète de l’approvisionnement irrégulier en insuline et de la difficulté d’accès à cette dernière pour de nombreux jeunes des pays pauvres. De bons amis sont morts à cause de cela. « Dans certains endroits, des diabétiques vivent dans l’ombre, victimes de stigmatisation et de discrimination, n’ayant pas accès à l’insuline et ne recevant que peu d’informations comme patients. Il faut que cela change. Moi, j’ai eu de la chance. »

La prestation de soins centrés sur la personne, que Konstantina valorise tant, est l’approche adoptée dans la récente publication de l’OMS/Europe intitulée « Éducation thérapeutique du patient : guide introductif ». Celle-ci a pour but d’aider les responsables politiques et les professionnels de santé à garantir une éducation thérapeutique efficace à toutes les personnes atteintes de maladies chroniques. L’objectif n’est pas d’améliorer la prise de décisions en matière de soins cliniques en suscitant la participation du patient à travers l’éducation, l’empouvoirement et le soutien, mais aussi de l’aider à mener une vie davantage porteuse de sens.

Contexte du diabète : à quoi s’engagent les États membres de l’OMS ?

En 2022, les États membres de l’OMS ont soutenu pour la première fois la définition de cibles mondiales pour le diabète, dans le cadre de recommandations visant à renforcer et à surveiller les mesures de lutte contre le diabète au titre des programmes nationaux de lutte contre les maladies non transmissibles.

L’OMS/Europe et la branche européenne de la Fédération internationale du diabète ont convenu d’accélérer les progrès afin d’atteindre ou de dépasser ces cibles mondiales en matière de diabète pour 2030 :
  • 80 % des personnes atteintes de diabète doivent être correctement diagnostiquées ;
  • 80 % d’entre elles doivent avoir un bon contrôle glycémique et un bon contrôle de leur tension artérielle ;
  • 60 % des diabétiques âgés de 40 ans ou plus doivent recevoir des statines ;
  • 100 % des personnes atteintes de diabète de type 1 doivent avoir accès à l’insuline et aux dispositifs d’autocontrôle de la glycémie à un prix abordable.