Arresødal, situé dans le nord du Seeland (Danemark), tire son nom du lac voisin, Arresø (« sø » signifiant lac en danois). Le lieu est habité depuis 5300 ans av. J.-C. Les archéologues ont notamment découvert une urne datant de 2800 av. J.-C. Entre les rives occidentales du lac et le château, de vieux chênes ont résisté au passage du temps dans un paysage que les Danois qualifieraient probablement de vallonné, puisque la majeure partie du pays est considérée comme plate. Le centre de soins palliatifs d’Arresødal et son aire de jeux ont été recouverts de neige lors des premiers jours de l’année 2024, reflétant la faible lumière de la fin d’après-midi.
« Tous les patients admis en soins palliatifs sont des adultes, mais nous avons souvent des enfants qui rendent visite aux patients et qui aiment faire une pause et se rendre sur le terrain de jeu, » explique Rikke Maaløe, anesthésiste et directrice par intérim. Assise dans l’un des nombreux salons du centre, Rikke explique sa décision de quitter son emploi dans un hôpital pour exercer dans un centre de soins palliatifs.
« Lorsque j’ai quitté mon poste à l’hôpital, mes collègues ont été déconcertés par mon choix de travailler dans un centre de soins palliatifs. Ils imaginaient un endroit triste que les patients ne quittent que dans un cercueil, et des membres de la famille en pleurs partout. Mais pour être honnête, c’est l’endroit où j’ai le plus ri et pleuré au cours de ma longue carrière de médecin, avec mes collègues, mes patients et leurs proches. »
Soutenir les patients jusqu’à leur dernier souffle
Après le coucher du soleil, les vieux arbres et le centre sont enveloppés dans l’obscurité glaciale de l’hiver scandinave. La seule lumière qui brille vient de l’intérieur du centre, où l’infirmière Inge Sadowsky, avec ses collègues, se prépare pour la tournée de médicaments du soir. Les médicaments de chaque patient sont administrés dans une salle sécurisée accessible à l’ensemble du personnel infirmier 24 heures sur 24 afin que les patients puissent toujours bénéficier d’une assistance.
« Nous essayons de prendre les choses au jour le jour. On pourrait même dire une heure à la fois. Mais nous essayons d’en tirer le meilleur parti. Pour moi, c’est un immense privilège de pouvoir faire ce travail. Aider les patients chaque jour donne un sens à ma vie, » explique Inge.
Lorsqu’un patient est transféré dans un centre de soins palliatifs, la responsabilité du traitement incombe à ce dernier. Le soulagement de la douleur constitue un aspect important des soins palliatifs qui nécessite souvent l’utilisation d’opioïdes, et tous les médecins du centre ont habilités à prescrire des opioïdes à leurs patients.
« La qualité de vie est intrinsèquement liée à une vie sans douleur et à un soulagement à tous les niveaux, » indique Inge. « Franchement, sans ces opioïdes, il serait très difficile de soulager la douleur en fin de vie. Il arrive parfois que les gens souffrent d’une douleur que nous ne pouvons pas soulager. Ayant connu cette situation, je n’ai aucun doute sur l’importance cruciale des opioïdes pour gérer la douleur et d’autres symptômes, et pour aider à assurer une mort digne. »
Soins et compassion
L’État danois définit les centres de soins palliatifs comme des établissements offrant des soins palliatifs, de la compassion et une qualité de vie aux personnes en phase terminale. Ils sont gratuits et financés par les impôts. Outre le centre d’Arresødal, situé sur la plus grande île du Danemark, 18 autres centres de soins palliatifs sont disséminés dans tout le pays, au service de ses 5,9 millions d’habitants.
Lorsqu’un nouveau patient ou une nouvelle patiente arrive à Arresødal, il ou elle remplit, avec un membre du personnel, un questionnaire portant sur la qualité de vie. Ce dernier permet aux professionnels de santé d’évaluer les expériences et les besoins des patients en matière de soins palliatifs. Dans la mesure du possible, les patients sont invités à remplir le questionnaire toutes les 2 semaines pendant leur séjour à Arresødal afin d’améliorer les soins et les services.
Rikke et ses collègues remplissent des formulaires et tiennent un registre de l’utilisation des opioïdes pour chaque patient, en notant si les opioïdes sont efficaces pour traiter leurs symptômes.
« Nous n’accordons pas trop d’importance à la quantité d’analgésiques que nous prescrivons. Ce qui nous importe, c’est de savoir si le traitement est efficace et si le patient se porte bien. C’est ce qui détermine les opioïdes que nous prescrivons et leur quantité. Nous devrions nous concentrer sur la question de savoir si nos patients reçoivent ce dont ils ont besoin. Certains ont besoin de 2 pilules, d’autres de 20 pilules. Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix. Ce qui est mal, c’est que la personne qui a besoin de 20 pilules n’en reçoive que 2.
« La vie est un cadeau »
Les soins ne se limitent pas à la prescription et à l’administration de médicaments. Inge explique l’importance et la signification de la compassion et des soins.
« L’une des plus grandes différences entre notre travail et celui d’un hôpital est que nous ne nous efforçons pas d’aider les gens à survivre. Nous savons qu’ils sont en fin de vie, et nous pouvons nous concentrer sur la qualité de vie, » explique-t-elle avant de poursuivre : « souvent, lorsque j’accueille de nouveaux patients et que je suis parfaitement au courant de leur traitement médicamenteux, je leur offre un verre de vin rouge. Il s’agit d’améliorer la qualité de vie et d’aider les patients à profiter de ce qu’il leur reste à vivre. »
Outre les spécialistes, les médecins, les personnels infirmiers, les kinésithérapeutes et les travailleurs sociaux, Arresødal bénéficie de la contribution de 40 bénévoles. Ils organisent des concerts pour les patients et s’assurent qu’ils ont quelqu’un à qui parler en cas de besoin. Ils aident même à préparer le dîner et partagent parfois la table avec un ou plusieurs patients. Lorsqu’un patient rend son dernier souffle, une bougie est allumée à l’entrée principale du centre.
« Ce n’est pas seulement pour symboliser qu’un patient est décédé ; c’est aussi une façon d’honorer cette personne et de se souvenir de ceux qui sont encore en vie ; cela souligne que la vie est un cadeau, » explique Inge, avant de souffler la bougie et de retourner à son travail en apportant réconfort et soulagement.