À 11 ans, Jay, originaire du Royaume-Uni, était comme beaucoup de garçons de son âge. Il aimait jouer au football avec ses amis, se passionnait pour la boxe et passait des heures à essayer d’atteindre le niveau supérieur du dernier jeu informatique. En bref, c’était un garçon normal sur le point de devenir un adolescent, en bonne santé et en pleine forme, qui réussissait bien à l’école. L’idée qu’il puisse tomber gravement malade était la dernière chose à laquelle ses parents et lui-même pensaient.
Sa mère, Neera, médecin généraliste, explique que sa grave maladie, consécutive à la COVID-19, a été un choc pour eux tous. « Au plus fort de la pandémie, nous avons déménagé pour héberger ma mère âgée, qui éprouvait des difficultés à rester seule à un moment aussi difficile. Nous avions délibérément choisi une maison facile d’accès au cas où elle aurait besoin d’un déambulateur ou d’un fauteuil roulant – sans réaliser, bien sûr, que ce serait Jay qui aurait besoin d’utiliser ce genre de matériel. »
Une infection initiale et ses séquelles
Le 11 janvier 2022, alors qu’il avait depuis un moment des maux de gorge, un écoulement nasal et un peu de fièvre, Jay a été testé positif pour la COVID-19. « Au début, quand j’ai attrapé la COVID, ce n’était pas si pénible », nous dit Jay. « Je me sentais un peu malade et je dormais plus que d’habitude, mais après, c’est devenu bien pire. »
En février 2022, il avait commencé à ressentir de fortes douleurs à l’estomac, sans que sa mère, en tant que médecin, ne comprenne pourquoi. Les parents de Jay l’ont emmené au service des accidents et des urgences de l’hôpital local, dans la localité de Croydon (sud de Londres), mais malgré de nombreux tests sanguins et examens, les médecins n’ont pas trouvé de cause. En raison de ses douleurs récurrentes, Jay a dû plusieurs fois quitter l’école et rentrer chez lui.
Peu de temps après, il a commencé à présenter une série d’autres symptômes débilitants, sans raison apparente : des vertiges, des douleurs thoraciques, des sueurs nocturnes, une éruption cutanée sur le visage, des doigts qui pèlent, de la fatigue, des diarrhées...
Un diagnostic de COVID longue
En avril 2022, cherchant désespérément à trouver des réponses et des traitements pour les symptômes graves observés chez Jay, sa famille a payé une consultation chez un pédiatre privé. Sans pouvoir trouver d’explication normale aux maux de Jay, et comme ce dernier présentait des symptômes longtemps après son infection initiale, le médecin a posé un diagnostic d’affection post-COVID-19, communément appelée « COVID longue ».
« Ce fut un soulagement de se voir enfin confirmer que l’état de Jay était dû à son infection initiale par la COVID-19, une fois que tout le reste avait été écarté », dit Neera. « Nous espérions ainsi être pris plus au sérieux et ne pas être ignorés comme nous l’avions été par certains professionnels qui ne comprenaient pas ou ne croyaient pas à la gravité des symptômes de Jay. Cela nous a également permis d’avoir une idée plus précise de ce à quoi nous avions affaire, afin que nous puissions faire des recherches et essayer les traitements suggérés.
La recherche de traitements
Pour tenter de soigner les maux d’estomac récurrents de Jay, le médecin l’a soumis à un régime alimentaire élémentaire (c’est-à-dire un régime alimentaire liquide qui présente un profil nutritionnel complet) en pensant qu’il souffrait d’un intestin irritable. Les seuls aliments solides que Jay pouvait manger dans le cadre de ce régime strict de 4 semaines étaient du poulet et du riz. Avec ce régime, les douleurs d’estomac de Jay ont semblé s’atténuer pendant un certain temps.
Cependant, au moment de son rendez-vous de suivi, en juin, Jay ressentait des douleurs thoraciques plus intenses que jamais : il se réveillait la nuit dans d’atroces souffrances, et lorsque l’on a tenté de supprimer son régime élémentaire, ses problèmes d’estomac sont réapparus. Quoique l’on ait prescrit de nouveaux médicaments à Jay, ses douloureux symptômes ne voulaient pas disparaître.
Un bref moment de répit
Au cours des mois d’été 2022, les choses ont commencé à s’améliorer. En adoptant un rythme modéré dans ses activités, Jay s’est senti moins fatigué, ses sueurs nocturnes ont cessé et ses douleurs abdominales se sont dissipées.
« Pendant les mois d’été », explique Jay, « j’ai pu me contenter de rester assis, de dormir et de m’épargner, parce que je n’avais pas à travailler pour l’école. À la fin des vacances, j’étais suffisamment en forme pour retourner à l’école et j’avais même l’énergie nécessaire pour faire de la boxe et jouer au football. C’était incroyable : je pouvais de nouveau faire tout ce que je voulais ! »
Un an après sa COVID-19 : la rechute
Mais cela n’allait pas durer. Exactement un an après son diagnostic initial de COVID-19, Jay a recommencé à être malade, avec une température élevée, des ganglions lymphatiques enflés et une gorge douloureuse. À la suite d’une consultation téléphonique avec son médecin généraliste, on a estimé qu’il pouvait s’agir d’une infection à streptocoques du groupe A, car il y avait une forte flambée épidémique à cette époque. Des médicaments ont été prescrits en fonction de ce diagnostic.
Mais comme son père avait été testé positif pour une COVID-19 le mois précédent, sa famille soupçonnait qu’il s’agissait en fait d’une réinfection par la COVID-19. Étant donné qu’il n’y avait plus de tests à grande échelle, il n’y avait aucun moyen d’en être sûrs.
Une perte de mobilité
Quelle qu’en ait été la cause, les symptômes de Jay ont recommencé à s’aggraver. La fatigue et les douleurs d’estomac sont réapparues, il a perdu l’appétit et, pire encore, des douleurs intenses sont apparues dans ses jambes, limitant considérablement sa mobilité. « Mes jambes me faisaient tellement mal », explique Jay, « que je ne pouvais plus marcher et que je devais ramper sur le sol. J’éprouvais de grandes difficultés à monter les escaliers et je devais me hausser sur le chambranle de la porte afin de pouvoir me tenir debout suffisamment longtemps pour aller aux toilettes et, même alors, mes jambes tremblaient comme de la gélatine. »
Depuis la fin du mois de janvier 2023, Jay reçoit la visite à domicile d’un kinésithérapeute pédiatrique privé qui lui fait faire des exercices musculaires doux. Il a essayé d’utiliser un déambulateur, mais il ne peut pas faire plus de 10 pas à la fois. Un scooter de mobilité l’aide également, en lui permettant de se déplacer au rez-de-chaussée et de prendre l’air dans le jardin, mais il ne sait toujours pas quand il pourra éventuellement remarcher correctement.
Sans surprise, tout cela laisse Jay quelque peu déprimé et frustré. « Je me sens agacé et vraiment triste parce que je ne peux plus faire tout ce que j’étais capable de faire avant », nous dit-il. « Et les médecins n’ont pas pu m’aider beaucoup, parce qu’ils ne comprennent tout simplement pas ce que j’ai. »
La situation actuelle de Jay
Jay décrit sa vie après 14 mois de maladie : « D’ordinaire, je me réveille, généralement après un sommeil entrecoupé, et je m’assieds sur le lit pendant un moment avant de trouver l’énergie nécessaire pour me lever. S’habiller demande beaucoup d’efforts, et ma mère et mon père doivent m’aider. Et je n’ai pas d’appétit. Maman doit me faire manger, donc je mange un petit quelque chose, du pain grillé, par exemple. »
« Pendant la journée », poursuit-il, « il se peut que je travaille pour l’école ou que je fasse de la kiné, mais je n’arrive pas à faire les deux le même jour. Toutes mes activités doivent s’effectuer par tranches de 15 minutes ; sinon, je m’écroule d’épuisement. Maman m’aide à faire mes devoirs et doit vraiment bien m’expliquer les choses, car j’ai du mal à assimiler les informations. Je reste très souvent couché sur le canapé maintenant, parce que je n’ai tout simplement pas l’énergie de me déplacer plus loin dans la maison. »
Quoique Jay soit à présent confiné chez lui, les nombreux animaux domestiques de la famille lui procurent un peu de réconfort. Neera est d’avis que ces animaux sont bénéfiques pour sa santé mentale. « Avoir des animaux domestiques a beaucoup aidé Jay. Lorsqu’il est allongé sur le canapé, les carlins se blottissent contre lui et lorsqu’il essaie de marcher en utilisant son déambulateur, ils lui emboîtent le pas. Il adore s’allonger à côté d’eux et les caresser. Il aime aussi sortir le lézard et le hamster de leur cage pour jouer sur ses genoux. »
Neera est surprise et très fière de la façon dont Jay a su faire face à un changement aussi radical et pénible dans sa vie. Elle souligne la résilience dont il a fait preuve après une si longue période de maladie.
Des conséquences pour toute la famille
Comme Jay est de facto handicapé, des restrictions ont été imposées à l’ensemble de la famille. « Nous étions une famille très active, nous allions au théâtre, nous sortions ensemble pour manger du rôti le dimanche, nous promenions les chiens... mais nous avons dû annuler tellement de choses à la dernière minute parce que Jay n’a tout simplement pas l’énergie nécessaire pour sortir », explique Neera.
« Notre vie, maintenant, se limite à aller travailler et être à la maison pour s’occuper de Jay et prendre des rendez-vous chez le kiné et l’ostéopathe. Nous subissons tous des conséquences. Mais le soutien que nous avons reçu du groupe de patients Long COVID Kids a été d’une valeur inestimable. Ça a été un soulagement de rencontrer d’autres parents dont les enfants vivent quelque chose de similaire et de trouver plus d’informations sur cette maladie. »
La pandémie de l’ombre
Parmi les personnes infectées par le SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19, 1 sur 10 attrape une COVID longue, définie comme la persistance de symptômes ou l’apparition de nouveaux symptômes jusqu’à 3 mois après l’infection initiale, et la prolongation de cette situation pendant au moins 2 mois, sans autre explication.
La COVID longue peut se déclarer chez des personnes de tout âge, quelle que soit la gravité des symptômes initiaux. On sait également que le risque de contracter cette affection augmente en fonction du nombre de fois qu’une personne est réinfectée par le virus du SARS-CoV-2.
Le Bureau national des statistiques du Royaume-Uni estime qu’1,9 million de personnes (ce qui équivaut à 2,9 % de la population nationale) présentaient, d’après leurs dires, des symptômes de COVID longue au 5 mars 2023.
Nous avons encore tant de choses à apprendre sur la COVID longue, et en particulier comment elle se présente chez les enfants. C’est pourquoi l’OMS/Europe, en partenariat avec Long COVID Europe, appelle les États membres à mieux appliquer les « 3 R » : mieux Reconnaître l’affection post-COVID-19 (COVID longue), mener plus de Recherches à ce sujet et favoriser davantage la Réadaptation.
La dernière section de cet article a été modifiée afin de fournir des détails supplémentaires sur la manière dont la COVID longue peut évoluer et d’inclure les chiffres les plus récents sur les personnes affectées au Royaume-Uni, tels qu’ils ont été publiés par l’Office national des statistiques de ce pays.