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École professionnelle Absalon / Photographe : Emil Ryge
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Quand la compassion se transforme en vocation : l’itinéraire inspirant d’élèves infirmiers de la Région européenne

7 mai 2024
Souvent qualifiés d’épine dorsale des systèmes de santé, les infirmiers et infirmières jouent un rôle clé pour la fiabilité des services de santé. Ils constituent la majorité des professionnels de santé de la Région européenne, mais malgré cela, cette dernière est confrontée à une grave pénurie de personnel infirmier qualifié, une situation qui reflète une crise toujours plus profonde à l’échelle internationale. Il est donc indispensable d’attirer de nouveaux élèves infirmiers vers cette profession.

Pour la Journée internationale de l’infirmière 2024, nous nous sommes entretenus avec plusieurs infirmiers en formation afin d’examiner les raisons de leur choix de carrière, l’importance d’avoir le tempérament adéquat, et les principales difficultés qu’ils ont rencontrées.

Lucas Otterstrøm Hyttel (Danemark)

Lucas (26 ans) est élève infirmier à l’University College Absalon de Roskilde (Danemark), mais la carrière d’infirmier n’était pas son premier choix.

« À l’été 2017, j’ai terminé mes études au lycée ; je ne savais pas très bien ce que j’allais faire. J’ai décidé de travailler pendant au moins 1 an avant de voyager un peu. J’ai donc obtenu un emploi au bas de la hiérarchie dans une chaîne de restauration bien connue, vendant des hamburgers. »

Lucas a rapidement gravi les échelons, d’abord comme formateur, puis comme manager.

« J’ai appris que j’aimais travailler en équipe. Après 2,5 ans, j’avais acquis de la maturité, mais je sentais que l’heure était venue de poursuivre mes études et j’ai envisagé d’entamer des cours d’administration des affaires, soit en gestion du personnel, soit dans la finance. »

Mais toujours indécis, il s’est tourné vers quelques-uns de ses collègues les plus proches pour leur demander conseil, afin de savoir où, à leur avis, se situaient ses points forts, qui pourraient lui donner plus d’indications sur une formation et une carrière qui lui correspondraient mieux.

« L’un de mes collègues m’a dit que je faisais toujours attention aux autres et que je me souciais beaucoup de leur bien-être. Mon autre collègue a dit plus ou moins la même chose : que j’avais d’excellentes aptitudes relationnelles et que j’étais doué pour résoudre les problèmes. Tous deux ont dit que je ferais un excellent infirmier ! »

« Au début, j’ai ri et je leur ai dit que ça n’arriverait jamais, parce que j’avais une mauvaise impression de ce milieu de travail et que je pensais que les salaires étaient médiocres. »

Mais tout a changé en mars 2020, avec le début de la pandémie de COVID-19 en Europe. La pandémie a non seulement déjoué les projets de voyage de Lucas, mais l’a également poussé à réévaluer ce qui comptait vraiment dans la vie et à suivre l’avis de ses collègues.

Il a été admis dans une école d’infirmiers et a commencé ses études en février 2021. Mais même à ce moment-là, il avait des doutes.

« Au départ, j’ai trouvé que tout ça était très ennuyeux. Nous avons étudié l’histoire des soins infirmiers au Danemark ; comment l’uniforme a changé, d’abord une robe, puis une blouse et une jupe, puis plus tard un pantalon et une chemise... Franchement, je m’en fichais complètement ! Mais une fois que nous en sommes arrivés aux leçons d’anatomie et de communication et que j’ai pu participer à un stage de 3 semaines en hôpital, j’ai été tout à fait convaincu. C’était la carrière qu’il me fallait ! »

Inga Stefánsdóttir (Islande)

Inga (46 ans), de Mosfellsbær (Islande), a décidé de changer de carrière et de commencer une formation d’infirmière après la mort de sa mère.

« J’ai travaillé comme enseignante pendant 20 ans et cela m’a vraiment plu, mais quand ma merveilleuse mère a perdu sa bataille contre le cancer, j’ai perdu ma joie de vivre. J’ai ressenti la nécessité de faire quelque chose de complètement différent, juste pour mon propre bien-être. Après y avoir sérieusement réfléchi, j’ai décidé de réaliser un vieux rêve et d’aller dans une école d’infirmiers. »

Comme Lucas, Inga pense qu’elle a le tempérament nécessaire pour être infirmière, avec l’avantage supplémentaire que sa formation d’enseignante l’a aidée à se remettre aux études.

« J’ai toujours eu un besoin irrépressible d’aider les gens dans le besoin et de rendre quelque chose à la société. Je me soucie des gens, et cela me réconforte d’aider à soulager leurs souffrances, même si c’est juste pour un court moment. »

« Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai eu une soif de savoir incontrôlable. Presque tout m’intéresse ; ce n’est donc pas étonnant que j’aie vraiment pris du plaisir avec les matières complexes qui faisaient partie de mon cursus d’infirmière. Cette expérience m’a aussi donné plus de forces que je ne l’escomptais, et en même temps elle m’a permis de voir la vie sous un jour complètement différent. »

Mais Inga s’empresse d’insister sur le fait qu’elle n’aurait pu envisager un changement de carrière aussi radical en milieu de vie sans le soutien des autres.

« J’ai bien réussi mes études, grâce à ma famille et à mes amis qui m’ont soutenue de toutes les manières possibles. Ils m’encouragent dans les moments difficiles et sans cela, je ne me serais même jamais inscrite au programme de formation en soins infirmiers ».

Quant à savoir quelle spécialisation elle voudrait choisir après la fin de ses études, Inga n’a pas encore pris une décision finale, mais elle a quelques pistes en tête.

« J’aime tout ce qui est complexe, donc l’encadrement infirmier et l’anesthésie en unité de soins intensifs me conviendraient parfaitement, mais enseigner moi-même à des étudiants en infirmerie m’intéresserait aussi, donc il faudra voir. »

Francisco Ferraz (Portugal)

Francisco (21 ans) vient de Coimbra, au Portugal. Comme Lucas et Inga, il n’a pas eu immédiatement l’idée de se diriger vers les soins infirmiers, mais il a toujours su qu’il voulait faire quelque chose qui aiderait les gens à se remettre d’une maladie ou d’une blessure et qui améliorerait leur qualité de vie.

« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été intéressé par le sport ; j’ai commencé par la natation puis je suis passé au football. Grâce à ça, je me suis rendu compte que je voulais faire quelque chose en rapport avec la santé et le bien-être. Donc je pensais, au départ, à un cours de kinésithérapie à l’université. »

Mais de toutes les formations en rapport avec la santé, ce sont finalement les soins infirmiers qui ont attiré le plus son attention, comme l’explique Francisco.

« Les soins infirmiers vous donnent la chance d’interagir avec un large éventail de personnes, depuis les autres professionnels de santé jusqu’aux patients que vous soignez. J’étais particulièrement séduit par l’idée d’établir des relations de confiance avec les patients, d’apprendre des techniques de communication pour le faire et d’être capable de prodiguer des soins personnalisés. J’ai aussi eu l’impression que c’étaient les soins infirmiers qui ouvraient le plus d’opportunités de carrière. »

Après avoir quitté l’école, Francisco a été admis à l’Escola Superior de Enfermagem de Coimbra (école d’infirmiers de Coimbra), ce qu’il décrit comme un tournant dans sa vie.

« J’ai tellement évolué depuis que j’ai commencé ma formation ! Je suis sans cesse mis au défi par de nouvelles situations et de nouveaux cas. Cela peut être assez intense parfois, mais je suis vraiment devenu plus fort et maintenant, je considère chaque difficulté comme une occasion d’apprendre et de découvrir de nouvelles manières de surmonter les problèmes que je rencontre. »

Pourtant, étudier n’a pas toujours été facile, et cela a eu un impact sur tous les aspects de sa vie.

« Lorsqu’on effectue un stage pratique, on n’a aucune vie sociale tant que le stage n’est pas terminé, car la charge de travail est tout simplement trop importante. Par exemple, j’avais l’habitude d’aller dîner avec mes parents 2 à 3 fois par semaine, mais pour l’instant ce n’est plus possible. »

« Et c’est parfois difficile de faire la distinction entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. On veut faire preuve de compassion, mais on ne peut pas tout le temps laisser parler son cœur, autrement ça vous détruit. Ça peut être difficile de déconnecter à la fin d’une longue garde, de digérer tout ce qu’on a fait et vu... Surtout si des patients sont morts. »

Francisco a encore 18 mois avant de terminer ses études d’infirmier, et espère enchaîner sur une maîtrise et un doctorat. Ce n’est donc peut-être pas étonnant que Francisco espère, à terme, travailler dans la recherche, mais il pense également à une carrière en soins palliatifs (de fin de vie).

« J’ai eu des contacts avec l’unité de recherche de mon université, ce qui m’a permis d’entrer en relation avec des chercheurs vraiment excellents et de profiter de leurs enseignements. Je participe également à 2 projets de recherche internationaux concernant la prévention et la lutte contre les infections dans des pays à faible ou moyen niveau de revenus, en Afrique et en Asie. »

« En même temps, je suis intéressé par les soins palliatifs en pédiatrie ou les soins palliatifs pour adultes. C’est un domaine qui m’intrigue, à cause de la complexité des soins nécessaires et du respect, de la dignité, de la compassion et de l’amour requis aux derniers stades de la vie de quelqu’un. »

Œuvrer au renforcement des compétences dans le domaine des soins infirmiers et obstétricaux

Pour mettre en application les Global Strategic Directions for Nursing and Midwifery [Orientations stratégiques mondiales pour les soins infirmiers et obstétricaux], l’OMS/Europe travaille en étroite collaboration avec les États membres, les responsables des soins infirmiers au niveau gouvernemental, les centres collaborateurs de l’OMS et d’autres partenaires tels que l’Association européenne des étudiants en infirmerie et le Forum européen des associations nationales d’infirmières et de sages-femmes. Il s’agit notamment :
  • de renforcer la capacité des établissements d’enseignement à assurer une expérience d’apprentissage positive à la prochaine génération d’infirmiers et de sages-femmes ;
  • d’élever le niveau de formation en soins infirmiers et obstétricaux dans la Région européenne pour contribuer à la sécurité des patients et à l’amélioration des résultats obtenus pour l’individu, le patient, les groupes de population et les systèmes de santé ;
  • de générer des connaissances fondées sur des données probantes en matière de soins infirmiers et obstétricaux ; d’influencer les politiques nationales qui permettront de dispenser des services de santé de qualité, accessibles, équitables, efficients et attentifs.