Selon une récente évaluation de l’OMS sur la continuité des services de santé essentiels pendant la guerre en Ukraine, si près de la moitié des établissements de soins de santé primaires (SSP) ukrainiens ont été confrontés à des absences de personnel en raison du conflit, la majorité d’entre eux ont continué à fournir des services de santé essentiels avec les travailleurs disponibles.
Dans 2/3 des établissements, le volume de services a fluctué en raison d’une diminution du nombre de patients dans certaines régions, parallèlement à une augmentation dans d’autres régions. L’augmentation du volume de services est principalement liée à la prise en charge de patients non inscrits ou à l’évolution des besoins des patients en raison des hostilités.
Le système de SSP de l’Ukraine était déjà fortement sollicité depuis la pandémie de COVID-19 et a dû faire face à des difficultés supplémentaires provoquées par la guerre totale enclenchée le 24 février 2022. La guerre a encore entravé davantage l’accès aux soins de santé et a considérablement modifié les besoins de la population en matière de santé et le continuum des soins.
La nouvelle évaluation de l’OMS, « Continuity of essential health services during the war in Ukraine » [Continuité des services de santé essentiels pendant la guerre en Ukraine], réalisée dans le cadre de 2 cycles d’enquêtes en 2021 et d’un troisième cycle au début de 2023, met en évidence l’impact de la pandémie de COVID-19 et de la guerre sur le système de SSP de l’Ukraine et sur la continuité des services de santé essentiels.
« Le système de soins de santé primaires ukrainien a fait preuve d’une résistance exceptionnelle pendant la pandémie de COVID-19 et la guerre. Notre dernière évaluation fournit de précieuses indications sur l’impact de ces situations d’urgence sur le système de soins de santé primaires et ses personnels, sur la gestion financière et sur la prestation de services », déclare le docteur Jarno Habicht, représentant de l’OMS en Ukraine. « Adapter le soutien aux différents types d’établissements et continuer à mettre l’accent sur la formation et la préparation sont des stratégies clés pour renforcer le système de soins de santé face aux défis actuels. »
Une évolution dans la prestation de services
La guerre en Ukraine a provoqué d’importants mouvements de population, ainsi qu’une évolution des besoins, à laquelle les établissements de SSP ont dû s’adapter rapidement tout en augmentant ou en diminuant le volume des services. L’évaluation souligne que les établissements publics de SSP sont restés ouverts, fournissant des services de santé essentiels, et que la moitié d’entre eux ont adapté leurs horaires de travail et recouru à des solutions numériques, en particulier dans les territoires reconquis. Plus d’un tiers des établissements de SSP ont fourni des services gratuits aux patients non inscrits.
Toutefois, dans les zones reconquises, 1/5 des centres de SSP ont limité leurs services depuis le début des hostilités. Si la palette de services s’est légèrement restreinte, le volume global des services est resté relativement stable. Les établissements situés dans les zones urbaines ont signalé davantage de coupes dans les services que les établissements ruraux, tandis que ces derniers ont élaboré et mis en œuvre plus activement des plans visant à fournir des services aux patients vivant avec la tuberculose et le VIH, ainsi qu’aux femmes enceintes.
L’impact de la guerre sur les effectifs des services de SSP
La nouvelle évaluation de l’OMS révèle que la moitié des centres de SSP d’Ukraine ont été confrontés à des absences de personnel en raison de la guerre. Toutefois, le nombre total de membres du personnel qui sont restés et ont continué à fournir des services est élevé.
Dans les zones reconquises, le personnel a besoin de services de santé mentale, comme l’indiquent plus d’un tiers des établissements. Selon les résultats de l’évaluation, les principaux changements dans la gestion des personnels de santé pendant les hostilités ont consisté en une réorientation des compétences en faveur des services de santé mentale ou de réadaptation et une réaffectation du personnel à d’autres unités ou responsabilités. Toutefois, l’impact des hostilités sur la gestion des personnels de santé semble avoir été moins lourd que celui de la pandémie de COVID-19.
Les 3/4 des établissements ont dispensé une formation supplémentaire à leurs personnels pour répondre à l’évolution des besoins de la population, en mettant l’accent sur des domaines tels que l’exposition aux agents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires et la santé mentale. Toutefois, la pertinence des formations pourrait être améliorée, en particulier dans les établissements de SSP privés et de petite taille, et pour la gestion d’un afflux massif de blessés et la réadaptation.
Gestion financière
Les résultats de l’évaluation montrent que la dépendance à l’égard d’un financement par les patients n’a pas changé de manière significative depuis le début de la guerre. Si 1/4 des établissements de santé facturent des frais aux utilisateurs, entraînant dans la moitié des cas une augmentation des prix, certains services et groupes de population – tels que les anciens combattants – en sont exemptés. Depuis le début de la guerre, 1/3 des prestataires publics reçoivent des fonds supplémentaires de la part de propriétaires d’établissements et de donateurs, tandis que presque aucun financement public supplémentaire n’est dirigé vers les établissements privés.
En outre, la majorité des établissements de SSP ont maintenu des salaires normaux pour leurs travailleurs de la santé et ont également payé les heures supplémentaires, le cas échéant, apportant ainsi une certaine stabilité à ces travailleurs pendant la guerre.
S’adapter aux défis de la guerre
Les résultats de l’évaluation montrent que la majorité des établissements de SSP font preuve de résilience face à la guerre, en s’adaptant rapidement grâce à des sources d’énergie alternatives, des abris et des réserves de médicaments et de vaccins. Un travail d’équipe efficace et des relations étroites avec les autorités locales ont été identifiés comme des facteurs clés contribuant à la résilience des établissements de SSP en ces temps difficiles.
Les conclusions de cette évaluation visent à informer le gouvernement ukrainien et les autres acteurs concernés à l’heure où le pays adapte et renforce son système de SSP dans le difficile contexte actuel, tout en progressant vers la concrétisation de la couverture sanitaire universelle dans le cadre des réformes sanitaires en cours et de la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans le pays.
Cette évaluation a été réalisée avec le soutien financier du gouvernement canadien et dans le cadre du Partenariat pour la couverture sanitaire universelle.