Nombre de ceux qui consultent un professionnel des soins de santé primaires sont préoccupés par leur santé, mais ne savent pas quels facteurs augmentent leur risque de contracter le cancer, le diabète, des maladies cardiovasculaires et/ou d’autres maladies non transmissibles (MNT), qui sont à l’origine de 90 % des décès dans la Région européenne de l’OMS.
Un nouveau manuel de l’OMS, intitulé « Integrated brief interventions for noncommunicable disease risk factors in primary care » [Brèves interventions intégrées contre les facteurs de risque des maladies non transmissibles dans le domaine des soins primaires], présenté conjointement par 2 bureaux de l’OMS dans le cadre de l’actuel projet BRIEF, vise à changer cette situation.
Les patients ne sont pas informés des risques de cancer ou de maladies cardiaques
Selon certaines études, 95 % des patients ne reçoivent aucun conseil sur les risques de MNT lorsqu’ils se rendent dans une clinique ou un autre établissement de soins primaires.
Pour changer cet état de fait, le manuel BRIEF propose de faire évoluer les systèmes de prestation de services de santé de manière à ce que des conversations sur de meilleurs choix pour la santé et un plus grand bien-être fassent partie du quotidien dans les cliniques et autres établissements de soins primaires, sans que cela ne représente une lourde charge pour les professionnels des soins primaires.
Le manuel BRIEF, qui a été produit par le Bureau européen de l’OMS pour la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles, a été présenté par ce dernier en novembre 2022, avec le Centre européen pour les soins de santé primaires de l’OMS.
L’efficacité des brèves interventions est prouvée
« En mettant en œuvre les brèves interventions recommandées par l’OMS, nous pouvons sensiblement alléger le fardeau lié aux MNT. Mais les professionnels des soins de santé ne peuvent utiliser cet outil isolément. Si nous parvenions à créer le système qui faciliterait et rendrait naturelle la discussion avec les patients au sujet des risques de MNT, cela pourrait changer complètement la donne », dit le professeur Shlomo Vinker, président de la branche régionale européenne de l’Organisation mondiale des médecins de famille (WONCA Europe).
Une étude récente a démontré que si l’on recommande de consommer des aliments plus sains dans les établissements de soins primaires, la consommation de fruits, de légumes et de fibres augmente et la consommation de graisses diminue. De brèves interventions concernant d’autres facteurs de risque de MNT peuvent également avoir un effet positif sur la santé et le bien-être des patients.
Des questions qui sauvent des vies
L’un des outils BRIEF proposés est un questionnaire qui aide le professionnel de santé à déterminer les risques de maladies non transmissibles encourus par le patient et à déterminer avec lui un plan visant à limiter l’exposition aux facteurs de risque. Ce questionnaire comprend les questions suivantes :
- Combien de temps après votre réveil fumez-vous votre première cigarette ?
- Combien de fois par semaine consommez-vous des boissons/aliments sucrés ?
- À quelle fréquence consommez-vous des boissons alcoolisées ?
- Au cours d’une journée ordinaire, combien de temps passez-vous habituellement assis ou allongé ?
Ces simples questions ont sauvé la vie de Shayakhmet Kussainov, un écrivain kazakh de 73 ans. En 2019, inquiet de son hypertension artérielle, il s’est rendu chez son médecin de famille.
« Le médecin m’a posé une série de questions sur mon mode de vie et mes habitudes. À cette époque de ma vie, j’étais l’écrivain typique : je fumais beaucoup, buvais de l’alcool assez souvent et ne faisais pas d’exercice. Le médecin m’a envoyé passer des examens, qui ont confirmé un état prédiabétique et une hépatose graisseuse. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans le programme de prise en charge des maladies dirigé par le docteur Venera Duisebayeva, une généraliste qui assure la coordination au sein du personnel infirmier », raconte Shayakhmet.
Un changement d’habitudes progressif
Dans le cadre de ce programme, les agents de santé des hôpitaux kazakhs apprennent aux patients à gérer leur état de santé. Cela a changé la vie de Shayakhmet.
« Tout d’abord, j’ai dû confirmer que je suivrais le plan convenu. Puis, j’ai commencé à changer mes habitudes petit à petit : j’ai arrêté de fumer, de boire et de manger du pain blanc, et j’ai commencé à faire au moins 10 000 pas par jour. Ils ont même appris à ma femme à cuisiner des plats sains, avec des légumes. »
Après un certain temps, la femme de Shayakhmet a commencé, elle aussi, à adopter des habitudes alimentaires plus saines.
En 2022, après avoir subi avec succès les tests de contrôle nécessaires et s’être classé en tête des patients de sa cohorte, Shayakhmet a été nommé patient de l’année par les membres du personnel infirmier qui avaient suivi ses progrès au Centre d’excellence pour les soins de santé primaires d’Enbekshikazakh.
« Ma glycémie est normale, je n’ai aucun problème de tension artérielle et mon foie se porte bien aussi », annonce-t-il fièrement.
Il est temps d’amorcer une conversation sur les choix plus sains
Le nouveau manuel BRIEF de l’OMS présente des moyens efficaces de soutenir le travail des médecins de famille, du personnel infirmier et de tous les autres prestataires de soins primaires, en garantissant une démarche centrée sur le patient afin d’introduire et de généraliser progressivement les brèves interventions dans la pratique quotidienne.
« Les principaux obstacles auxquels les prestataires de soins de santé sont confrontés aujourd’hui sont l’augmentation de la charge de travail, qui limite le temps pouvant être consacré à des conseils préventifs, et l’absence d’un environnement favorable qui leur permette d’entamer ces conversations avec les patients », explique le docteur Thomas Frese, chef de service à l’Institut de médecine générale de la Faculté de médecine de l’université Martin Luther de Halle-Wittenberg, en Allemagne.
« Mais si l’idée des brèves interventions efficaces est adoptée par les décideurs, les autorités de santé et la société dans son ensemble, nous pourrons créer un meilleur système qui améliorera la santé des communautés dans toute notre Région », ajoute le docteur Frese.
Le manuel BRIEF donne à n’importe quel système de santé la possibilité de devenir une source importante de mesures et de conseils de santé qui amélioreront la santé et le bien-être dans tous les pays de la Région européenne de l’OMS, dans le droit-fil du Programme de travail européen 2020-2025 de l’OMS.