Bien qu’ayant fui la guerre qui a éclaté dans son pays le 24 février 2022, la psychologue ukrainienne Viktoriia Gorbunova continue de soutenir la santé mentale de ses compatriotes restés en Ukraine.
Viktoriia est psychologue et psychothérapeute. Elle vivait à Jytomyr, une ville du centre de l’Ukraine, jusqu’à environ 2 mois après le début des combats.
« Comme notre maison se trouve près d’un aéroport militaire, nous pouvions voir et entendre les explosions lorsque les Russes attaquaient. C’était terrifiant, et nous avons compris que nous devions partir, » explique-t-elle.
« Nous pensions que la guerre ne durerait peut-être que quelques semaines. Nous avions prévu d’aider les réfugiés à rejoindre la frontière en voiture depuis les Carpates, où nous avions fui. Mais la minuscule chambre d’hôtel que nous louions était beaucoup trop chère, alors nous avons dû partir. »
Après un mois à Hambourg (Allemagne), elle s’est retrouvée au Luxembourg, à près de 2000 km de sa ville natale, où Viktoriia travaille désormais en ligne pour apporter une aide essentielle à ses concitoyens ukrainiens.
« Nous sommes maintenant bien installés au Luxembourg, mais les premiers mois en dehors d’Ukraine ont été difficiles, » dit-elle.
Elle participe toujours à plusieurs projets en Ukraine. Elle a contribué à l’élaboration d’un programme universel de santé mentale destiné aux professionnels de santé de première ligne dans son pays d’origine.
Ce programme, qui est actuellement déployé dans tout le pays, vise à mieux préparer les agents de santé de première ligne à s’occuper des personnes souffrant de troubles mentaux, notamment en les sensibilisant à la manière de soutenir les patients en fonction de leurs besoins. Le cours porte sur 18 troubles de la santé mentale (dont le syndrome de stress post-traumatique et la dépression) et les crises de santé mentale les plus courantes, comme le suicide ou les comportements autoagressifs.
Viktoriia est également cheffe d’équipe d’un projet intitulé « Concept de la sensibilité à la santé mentale en milieu scolaire » qui élabore un cadre pour les écoles afin de les aider à prendre soin de la santé mentale des élèves et du personnel.
« Nous avons planifié le projet avant la guerre, mais nous avons procédé à de nombreux ajustements en raison du conflit. Notre objectif est de rendre les écoles ukrainiennes plus sensibles aux questions de santé mentale et de fournir aux psychologues et au personnel scolaires du matériel de formation fondé sur des données probantes. »
L’Ukraine a continué à développer son système de santé mentale malgré l’invasion en s’appuyant sur un ensemble de réformes entreprises à partir de 2015, avec le soutien de l’OMS et d’autres agences humanitaires. Dans le cadre de ces réformes, plus de 650 prestataires de soins de santé primaires ont été formés depuis 2019 dans le cadre du Programme d’action de l’OMS « Combler les lacunes en santé mentale », ce qui a contribué à les préparer à prendre en charge des troubles de santé mentale courants comme la dépression. Actuellement, plus de 10 millions de personnes en Ukraine nécessitent une aide en matière de santé mentale, et ce nombre pourrait encore augmenter alors que la guerre se poursuit.
Pour Viktoriia, pouvoir utiliser sa formation et son expérience afin d’aider les Ukrainiens qui ont choisi – ou sont forcés – de rester au pays revêt une signification importante.
Sa famille et ses amis en Ukraine lui manquent désespérément, explique Viktoriia, mais elle a la chance de pouvoir continuer à exercer sa profession pour son pays et ses concitoyens, lesquels comptent énormément pour elle.
« J’ai la chance d’être en sécurité et d’avoir un travail, mais je ne peux pas imaginer ce que je ferais sans les médias sociaux qui me permettent de rester en contact avec mes proches. »
À la fin de l’année dernière, le ministère ukrainien de la Santé a élaboré, avec le soutien du Bureau de pays de l’OMS en Ukraine, de l’OMS/Europe et d’autres partenaires, une feuille de route des mesures à prendre pour que les services de santé mentale puissent répondre aux besoins des Ukrainiens, aujourd’hui et à l’avenir, dans la perspective d’une fin de conflit.
Il s’agit notamment de préparer les communautés et les familles à soutenir les personnes souffrant de troubles mentaux et d’autres groupes vulnérables pendant la reconstruction du pays.