La réduction de la consommation de sel est l’une des mesures les plus efficaces pour lutter contre l’hypertension artérielle et prévenir les maladies cardiovasculaires qui font 10 000 victimes par jour dans la Région européenne de l’OMS. Or, dans la plupart des pays de la Région, la consommation de sel dépasse largement la quantité recommandée de 5 g par jour. Au cours de la Semaine de sensibilisation au sel 2025, l’OMS/Europe soulignera l’urgence d’adopter des stratégies susceptibles de soutenir la mise en œuvre de politiques efficaces de réduction de la consommation de sel.
La consommation excessive de sel contribue aux crises cardiaques, aux accidents vasculaires cérébraux et à d’autres maladies non transmissibles potentiellement mortelles. Les données disponibles montrent qu’une réduction de 25 % de la consommation de sel par la mise en place de politiques de santé publique strictes à cet égard permettrait d’éviter jusqu’à 900 000 décès dus aux maladies cardiovasculaires dans la Région d’ici à 2030. S’attaquer à ce problème doit constituer une priorité absolue, car les maladies cardiovasculaires restent la principale cause de décès dans la Région, avec 4 millions de décès par an, et touchent particulièrement les hommes et les populations de la partie orientale de la Région.
Consommation de sel : identifier la source principale
Au niveau individuel, il est très difficile de contrôler la consommation de sel car plus de 70 % du sel que nous consommons provient d’aliments transformés.
« Les pays ont besoin d’outils leur permettant d’identifier et de contrôler les principales sources d’apport en sel. C’est pourquoi le principal conseil que l’on peut donner aux responsables politiques est de se concentrer sur la collecte de données et de déterminer les priorités d’action », explique le docteur Maria João Gregório qui codirige le Programme de travail sur la réglementation et la fiscalité dans le cadre du projet JA PreventNCD, dont l’objectif est d’améliorer les politiques de lutte contre les maladies non transmissibles dans l’Union européenne (UE).
L’expérience du Portugal : réglementation et soutien du public
En tant que directrice du Programme national portugais pour la promotion d’une alimentation saine, Maria João coordonne les politiques de réduction de la consommation de sel dans le pays depuis plus de 5 ans et nous fait part de son expérience.
Le Portugal a été l’un des premiers pays de la Région à se fixer en 2009 un objectif obligatoire concernant la teneur en sel du pain. Le pain étant un aliment de base de l’alimentation portugaise, l’objectif initial de 1,4 g de sel pour 100 g de pain constituait une première étape stratégique. Aujourd’hui, grâce à un accord volontaire avec le secteur de la boulangerie, le Portugal est allé encore plus loin en réduisant la limite à 1 g pour 100 g.
Un accord volontaire similaire a été conclu pour d’autres catégories d’aliments à forte teneur en sel, comme les populaires soupes de légumes portugaises prêtes à consommer.
Surmonter les obstacles potentiels
« Certaines politiques de réduction de la consommation de sel, comme la taxation et la reformulation obligatoire des aliments, ne sont pas faciles à mettre en œuvre », reconnaît Maria João. Les entreprises du secteur alimentaire ne sont pas très enclines à soutenir des mesures réglementaires telles que la reformulation ou l’étiquetage obligatoires.
Certains progrès n’ont été réalisés qu’à la suite de pressions politiques. En 2016, un projet de taxe sur le sel au Portugal n’a pas été adopté par le parlement, qui a plutôt recommandé de conclure un accord volontaire avec l’industrie. Cette dynamique politique a conduit à des négociations fructueuses et montre comment un contexte politique plus large peut influencer la stratégie adoptée.
Trois leçons en matière de politique
Selon Maria João, 3 stratégies essentielles peuvent aider les pays à élaborer des politiques efficaces de réduction de la consommation de sel.
1. Collecter de meilleures données
« On ne peut gérer ce qu’on ne mesure pas », explique-t-elle. Maria João plaide en faveur de 2 grands types de collecte de données : la surveillance régulière des données relatives à la santé et à la consommation alimentaire afin de comprendre les tendances actuelles au niveau national, et l’accès à des données actualisées sur la composition nutritionnelle. Souvent, les autorités n’ont pas accès aux informations sur les ingrédients des aliments transformés, ce qui réduit l’efficacité des politiques et leur évaluation.
2. Coopérer et échanger les bonnes pratiques
« Avec la mondialisation de l’environnement alimentaire et la similitude des défis et des obstacles dans de nombreux pays, nos réponses politiques doivent être coordonnées », explique Maria João.
L’apprentissage mutuel et la collaboration régionale sont essentiels pour surmonter les obstacles communs, comme le manque de volonté politique et le peu de soutien de l’industrie alimentaire à l’égard des mesures réglementaires.
3. Utiliser les achats publics de denrées alimentaires comme levier
Les institutions publiques (écoles, hôpitaux et prisons) achètent de grandes quantités de denrées alimentaires. Les autorités peuvent fixer des normes concernant, par exemple, la teneur en sel des aliments achetés dans le cadre des marchés publics et veiller à ce qu’elles soient régulièrement contrôlées et évaluées afin de s’assurer de leur conformité. Il s’agit là d’un outil particulièrement efficace pour façonner le système et l’environnement alimentaires.
La clé du succès : une bonne conception des politiques et une bonne communication
En tant que coresponsable du Programme de travail 5 du projet JA PreventNCD, Maria João aide désormais les pays de l’UE à mettre en œuvre des politiques efficaces pour améliorer l’environnement alimentaire et lutter contre les maladies non transmissibles. Le projet se concentre sur les outils réglementaires et fiscaux, y compris les politiques qualifiées de « choix rapides » et recommandées par l’OMS qui peuvent produire des effets mesurables sur la santé en 1 à 5 ans, c’est-à-dire au cours d’un cycle politique :
- étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages : l’équipe élabore un cadre harmonisé pour évaluer l’impact de l’étiquetage sur le devant des emballages sur le comportement des consommateurs, les choix alimentaires et la reformulation des produits ;
- reformulation des aliments : les données nutritionnelles sont collectées et stockées dans une base de données au niveau de l’UE. Cela permettra d’effectuer des comparaisons ainsi qu’un suivi dans le temps.
L’expérience du Portugal montre que lorsque les actions politiques sont bien conçues et bien communiquées, le public y adhère dans sa grande majorité. Par exemple, la taxe nationale sur les boissons sucrées est soutenue par 80 % de la population. Maria João souligne que l’un des principaux facteurs de réussite a été le lien évident établi entre la politique et les résultats sanitaires, ainsi que le réinvestissement des recettes fiscales dans le système de santé national.
Les pays de la Région européenne de l’OMS peuvent instaurer un environnement alimentaire favorable à la santé en s’appuyant sur le fort soutien du public et une base de données solide. « Utilisez vos données. Connaissez votre contexte alimentaire. Concentrez-vous sur les principales sources de sel dans l’alimentation. Commencez par les achats publics de denrées alimentaires. Et lorsque la science est de votre côté, n’hésitez pas à faire preuve de fermeté face aux difficultés », conseille Maria João.