La ville polonaise de Cracovie, située à quelques heures seulement de la frontière ukrainienne, est rapidement devenue une importante plaque tournante pour les réfugiés ukrainiens après l’invasion de la Russie. Or, ces jours-ci, un nombre croissant de réfugiés retournent en Ukraine malgré le conflit en cours.
Selon le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, on a dénombré plus de 10 millions de passages de frontière entre l’Ukraine et l’Union européenne (UE) entre la fin février et la mi-août. Pendant la même période, on a enregistré plus de 4 millions de passages dans l’autre sens, de l’UE vers l’Ukraine, la majorité étant des réfugiés rentrant chez eux.
« La plupart des réfugiés sont des femmes âgées d’environ 60 à 65 ans qui ne trouvent pas de travail ici », explique Viktoriya, une médecin ukrainienne de 25 ans qui exerce bénévolement dans une clinique temporaire située dans un ancien hall ferroviaire de la gare centrale de Cracovie. « Ils décident de rentrer en Ukraine même si leurs villes sont bombardées. Beaucoup d’entre eux ont quitté leur maison ou leur ferme. Ils avaient quelque chose là-bas, mais ici ils n’ont rien. Ils sont presque tous vraiment stressés. »
La clinique offre un soutien médical gratuit aux réfugiés ukrainiens dans le besoin, principalement des femmes, des enfants et un certain nombre de personnes handicapées. Si beaucoup demandent de l’aide pour soigner des affections mineures telles que des maux de tête et des douleurs générales, la clinique reçoit également des patients souffrant de pathologies plus complexes, telles que des problèmes psychologiques, des handicaps physiques et des maladies chroniques. Ces patients sont alors orientés vers des services plus spécialisés. Cependant, en raison d’une diminution du nombre de consultations à la clinique ces derniers mois, celle-ci va bientôt mettre fin à ses services.
Prévision des besoins pour l’automne et l’hiver
Viktoriya pense qu’il est difficile de prévoir comment la situation va évoluer à l’approche de l’automne et de l’hiver. Or, en cas de nouvelles vagues de réfugiés, Viktoriya craint que l’accueil soit moins enthousiaste qu’au début, et déplore que les habitants des pays d’accueil se désintéressent du conflit. « Les gens sont fatigués et essaient de vivre leur vie comme avant, et je peux le comprendre. Mais parfois, on me demande s’il y a encore la guerre en Ukraine. Je suis les informations et je sais combien de personnes meurent chaque jour, alors je suis choquée qu’on me pose cette question », ajoute-t-elle.
À côté de la clinique se trouve un abri de 100 lits, mis en place pour offrir un refuge temporaire aux déplacés ukrainiens. Anna, 82 ans, originaire du centre de l’Ukraine, non loin de Kiev, se blottit dans l’un de ces lits. Elle a été admise ici après s’être effondrée sur le sol en marbre dur de la gare centrale. Désorientée et confuse, avec un gros pansement sur le visage, elle attend maintenant qu’un transport médicalisé la ramène en Ukraine, où elle sera prise en charge par des membres de sa famille.
« Je ne sais pas comment elle est arrivée à Cracovie, car elle a du mal à marcher. Elle ne peut même pas dire dans quelle ville elle se trouve. Elle n’a personne ici pour s’occuper d’elle. Je m’inquiète vraiment pour elle si elle reste ici. C’est seulement un endroit temporaire. Il n’y a pas d’intimité ni rien », explique Viktoriya, visiblement émue.
« Retourner dans un pays en guerre est bien sûr une décision très difficile à prendre pour la majorité d’entre eux », explique Heather Papowitz, gestionnaire d’incident pour l’intervention de l’OMS en Ukraine. « Mais beaucoup ont fui leur maison à la hâte, laissant derrière eux des biens personnels et des êtres chers. Un grand nombre de raisons peuvent expliquer leur besoin de rentrer chez eux, au moins temporairement. Mais à l’approche des mois d’hiver et face à un conflit qui n’est pas près de s’achever, nous devons nous préparer à de nouvelles vagues de réfugiés en Europe. Les systèmes de santé doivent maintenir leur capacité à faire face aux nouvelles arrivées de réfugiés, et s’assurer que ceux qui se trouvent déjà dans les pays d’accueil continuent à recevoir les soins dont ils ont besoin. Nous ne pouvons nous permettre de relâcher notre vigilance maintenant. »