Dobri vechir.
Je vous souhaite le bonsoir depuis Kiev.
Cet hiver sera meurtrier pour des millions de personnes en Ukraine.
Avec la crise énergétique dévastatrice, une situation d’urgence qui ne cesse de s’aggraver, un accès entravé à l’aide humanitaire et le risque d’infections virales, cet hiver mettra à rude épreuve le système de santé ukrainien et la population ukrainienne, mais aussi le monde et son engagement en faveur de l’Ukraine.
Ce pays est confronté à une crise énergétique qui s’ajoute à un état de crise durable provoqué par la guerre et la pandémie.
La moitié de l’infrastructure énergétique de l’Ukraine est soit endommagée, soit détruite. Cela se répercute déjà sur le système de santé et la santé de la population.
Pour dire les choses simplement, cet hiver sera une question de survie.
Jusqu’ici, l’OMS a confirmé 703 attaques contre des infrastructures sanitaires depuis le début de la guerre, voici 9 mois. Il s’agit d’une violation du droit humanitaire international et du droit de la guerre.
Des attaques ininterrompues contre des infrastructures sanitaires et énergétiques signifient que des centaines d’hôpitaux et d’établissements de soins ne sont plus parfaitement opérationnels – par manque de combustibles, d’eau et d’électricité pour satisfaire des besoins essentiels.
Il faut des couveuses dans les salles d’accouchement, des réfrigérateurs dans les banques du sang, des respirateurs dans les unités de soins intensifs, et pour tout cela, il faut de l’énergie.
C’est pour concentrer l’attention du monde sur cette situation que je suis ici pour la quatrième fois de l’année, quelques jours à peine après la plus importante frappe de missiles dans le pays. Pour rencontrer des responsables, des travailleurs de la santé et des patients, et pour proposer le soutien sans faille de l’OMS au ministère de la Santé, aux autorités publiques et au peuple ukrainien.
Et pour exprimer ma gratitude et mon respect aux médecins, au personnel infirmier et aux autres travailleurs de la santé ukrainiens, qui continuent à faire preuve d’héroïsme.
Ce que nous savons, c’est que dans tout le pays, des centaines de milliers de bâtiments, dont des habitations privées, des écoles et des hôpitaux, ne sont pas approvisionnés en gaz, ce qui est indispensable non seulement pour préparer les repas, mais aussi pour se chauffer.
Aujourd’hui, 10 millions de personnes – un quart de la population – sont sans courant.
Le temps froid peut tuer.
On prévoit que les températures vont chuter jusqu’à -20° C dans certaines régions du pays.
Comme des familles désespérées essayent de rester au chaud, beaucoup d’entre elles seront obligées de s’orienter vers d’autres modes de chauffage, comme la combustion de charbon ou de bois, ou d’utiliser des générateurs alimentés par du diesel, ou des appareils de chauffage électriques. Ces modes de chauffage entraînent des risques pour la santé, notamment une exposition à des substances toxiques, nocives pour les enfants, les personnes âgées et celles qui souffrent de maladies respiratoires ou cardiovasculaires, ainsi que des brûlures ou des blessures accidentelles.
Nous nous attendons à ce que 2 à 3 millions de personnes supplémentaires quittent leur foyer en quête de chaleur et de sécurité. Elles seront confrontées à des défis exceptionnels sur le plan sanitaire, dont des infections respiratoires telles que la COVID-19, la pneumonie ou la grippe, et un sérieux risque de diphtérie et de rougeole au sein des populations sous-vaccinées.
Tout ceci provoque des séquelles pour la santé mentale des Ukrainiens. Cette semaine, la guerre entre dans son 9e mois et déjà, quelque 10 millions de personnes courent un risque de troubles mentaux tels qu’un stress aigu, de l’anxiété, de la dépression, une consommation de substances psychotropes et des troubles du stress post-traumatique ou TSPT.
En formant des professionnels de santé à la manière d’assurer des services de santé mentale, l’OMS, à ce jour, a tendu la main à 1 400 personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale, et ce dans toute l’Ukraine.
Des dizaines de milliers de consultations de soutien psychosocial et de santé mentale ont été organisées à l’intention des personnels de santé et de la population, notamment par des équipes mobiles proposant des soins dans un contexte de proximité. Cela ne serait pas possible sans le soutien indéfectible de la Première Dame, Son Excellence Mme Olena Zelenska, que je remercie pour notre rencontre de ce matin.
J’ai également rencontré le Premier ministre, Son Excellence M. Denys Shmyhal, et le ministre de la Santé, M. Viktor Liashko, avec lesquels j’ai discuté de l’approvisionnement en énergie, des préparatifs pour l’hiver et, ce qui est peut-être le plus important, de la satisfaction des besoins essentiels en rapport avec la santé, à la fois dans les zones qui viennent d’être reconquises et celles qui sont occupées.
Et ceci m’amène à mon thème suivant : l’accès humanitaire.
La guerre a eu des répercussions sur l’accès aux soins de santé et sur les lignes d’approvisionnement pour l’aide humanitaire. L’Ukraine a besoin de ressources durables pour permettre au système de santé de traverser l’hiver et la période ultérieure. Ces points figureront en bonne place à l’ordre du jour de la conférence sur l’Ukraine qui se tiendra le mois prochain à Paris, sous la conduite des Présidents Macron et Zelensky.
Je suis très inquiet pour les 17 000 patients séropositifs de Donetsk, qui pourraient bientôt manquer des médicaments antirétroviraux essentiels qui les aident à rester en vie. Je demande instamment de créer de toute urgence un couloir humanitaire pour la santé, qui permettrait d’atteindre toutes les zones nouvellement reconquises ou occupées. L’OMS et ses partenaires se tiennent prêts à être mobilisés à tout moment.
Je réitère mon appel aux 2 parties pour qu’elles autorisent de toute urgence un accès humanitaire afin de répondre aux besoins sanitaires de la population.
L’accès aux soins de santé ne peut être pris en otage.
Enfin, n’oublions pas que l’on est plus susceptible de contracter des infections respiratoires virales en hiver qu’en d’autres saisons. Comme dans le reste de l’Europe, les nombreux sous-variants d’Omicron circulent aussi en Ukraine. Cependant, étant donné les faibles taux de vaccination de base – même sans parler des doses de rappel – des millions d’Ukrainiens ont une immunité faible ou nulle contre la COVID-19. Si l’on ajoute à cela une recrudescence attendue de la grippe saisonnière et des difficultés d’accès aux services de santé, cela pourrait être désastreux pour les personnes vulnérables.
Nous sommes en train d’aider le système de santé ukrainien à se préparer pour l’hiver, notamment par des réparations d’urgence des infrastructures de santé et de chauffage, ainsi que par la maintenance du système d’approvisionnement en énergie.
Par ailleurs, nous fournissons des structures préfabriquées dans les zones récemment reconquises, des dispositifs de chauffage portables avec du combustible, des couvertures de survie, des groupes électrogènes diesel et des ambulances.
Le système de santé ukrainien connaît ses jours les plus sombres depuis le début de la guerre. Après avoir subi plus de 700 attaques, il est désormais également victime de la crise énergétique. Il est pressé de toutes parts et la victime, au bout du compte, c’est le patient.
À court terme, nous devons trouver des solutions concrètes qui permettent aux services de santé de traverser l’hiver du mieux qu’ils peuvent. Mais ce scénario n’est pas tenable à long terme. Cette guerre doit prendre fin, avant que le système de santé et la santé de la nation ukrainienne ne soient davantage mis en péril.
Dyakuyu.
Merci.