Mme Paulette Lenert, ministre de la Santé du Luxembourg, Mme Sandra Gallina, directrice générale de la santé et de la sécurité alimentaire, Mme Kathleen Van Brempt, représentante de la Commission spéciale
du Parlement européen, Mme Andrea Ammon, du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et M. Emer Cooke, directeur de l’Agence européenne des médicaments, chers collègues et amis,
Merci, chère Sandra, pour l’occasion qui m’est donnée de vous parler aujourd’hui ; c’est encore un exemple de notre fructueuse collaboration.
Je suis désolé d’être dans l’impossibilité d’être avec vous en personne. Je m’adresse à vous depuis l’Ukraine, où j’en suis à ma quatrième mission de l’année,
actuellement en chemin vers Dnipro. Ici, la température avoisine en ce moment les 0 °C, mais ces prochains mois, elle pourrait chuter à -20 °C.
Pour la population ukrainienne, il s’agira cet hiver d’organiser la survie sur de nombreux fronts, car elle est exposée à une crise énergétique dévastatrice, à une situation d’urgence sanitaire
qui s’aggrave, à un manque d’accès aux services et aux fournitures de santé et au risque d’infections virales.
Ceci braque les projecteurs sur notre ordre du jour et le fait que nous, la région paneuropéenne et le monde entier, devons prendre des mesures efficaces pour gérer cet état de crise permanent, dû aux pandémies,
aux guerres, aux nouvelles maladies et à la situation d’urgence climatique.
Renforcer notre architecture collective de sécurité sanitaire est une tâche urgente pour nous tous. Ainsi, dans le peu de temps dont je dispose avec vous aujourd’hui, je voudrais aborder 3 domaines :
- faire le point et vous communiquer quelques réflexions au sujet du traité mondial sur les pandémies et des révisions du Règlement sanitaire international (RSI) ;
- expliquer les mesures que nous prenons dans la région paneuropéenne afin de renforcer la sécurité sanitaire ;
- examiner comment ces évolutions complètent l’action que vous menez au niveau de l’Union européenne (UE) dans le cadre de la sécurité sanitaire.
La COVID-19 a jeté une lumière crue sur les failles bien connues de la sécurité sanitaire mondiale et en a révélé de nouvelles, dont les lacunes du RSI existant, actualisé pour la dernière
fois en 2005. Les notifications tardives, le manque de responsabilisation et des mécanismes peu efficaces pour la collaboration entre pays et l’accès à des contre-mesures ont entravé la lutte contre la pandémie
et coûté des vies.
Afin de remédier à cette situation, le directeur général de l’OMS a, en mai 2022, présenté 10 propositions pour renforcer l’architecture mondiale de préparation, de lutte et de résilience
face aux situations d’urgence sanitaire, sur la base de plus de 300 recommandations formulées lors de diverses analyses indépendantes.
En outre, 2 processus clés ont été lancés à l’initiative d’États membres :
- le groupe de travail sur les amendements au RSI ;
- l’Organe intergouvernemental de négociation pour rédiger et négocier une convention, un accord ou un autre instrument international de l’OMS pour la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.
Le groupe de travail sur les amendements au RSI s’est rencontré pour la première fois la semaine dernière et devrait présenter ses conclusions lors de l’Assemblée mondiale de la santé, en 2023, en
vue de l’adoption de ses recommandations par consensus en 2024.
Une proposition qui a suscité beaucoup d’intérêt est l’introduction d’un nouvel objectif mondial appelé « 7-1-7 », ce qui signifie que toute épidémie probable doit être identifiée
dans les 7 jours suivant son apparition, signalée aux autorités de santé publique avec lancement des mesures d’investigation et d’intervention dans un délai d’un jour, et faire l’objet d’une
riposte efficace – telle que définie par des critères objectifs – dans les 7 jours.
Ses partisans font valoir que cet objectif renforcerait la responsabilisation mondiale, permettrait aux pays d’évaluer facilement leurs performances et de voir où ils doivent s’améliorer, et orienterait l’action
et le soutien des donateurs là où les besoins se font sentir.
Le deuxième processus a été entamé il y a près d’un an, lorsque les États membres de l’OMS ont convenu de créer l’Organe intergouvernemental de négociation pour rédiger et
négocier une convention, un accord ou un autre instrument international de l’OMS pour la prévention, la préparation et l’action en cas de pandémie – à savoir le « traité sur les pandémies
».
La raison d’être de ce traité est de couvrir les domaines en dehors du champ d’application du RSI. Parmi les sujets proposés – qui feront l’objet de négociations – figurent la chaîne d’approvisionnement
mondiale et la logistique, l’accès à la technologie, l’intensification de la recherche et du développement, les personnels de santé, la mobilisation des communautés, « Une seule santé »
et la littératie en santé publique.
Durant l’année écoulée, l’Organe intergouvernemental de négociation a fait des progrès impressionnants, notamment en convenant que le nouvel instrument devrait être juridiquement contraignant, avec
des éléments qui ne le seront pas. Inspiré des consultations approfondies qui ont eu lieu jusqu’à présent, un projet conceptuel zéro a été diffusé la semaine dernière, et
ce projet conceptuel devrait pouvoir être transformé en un véritable projet zéro d’ici la fin février de l’année prochaine. Dans ce cas-ci encore, une proposition sera soumise à l’Assemblée
mondiale de la santé en 2024.
Ces processus mondiaux emmenés par les États membres nécessitent, à juste titre, une consultation approfondie et la recherche d’un consensus. Cela prend du temps et requiert des efforts supplémentaires pour s’assurer
que tous les pays jouent un rôle actif.
Ce qui m’amène à parler de ce que nous faisons dans les 53 pays de la Région européenne de l’OMS – qui couvre l’Europe et l’Asie centrale – pour renforcer la sécurité sanitaire.
Notre stratégie consiste à jouer un rôle de premier plan dans la réalisation du programme mondial en faveur de la sécurité sanitaire tout en mettant en œuvre nos propres projets paneuropéens. Pour
aider nos États membres à s’engager dans les processus mondiaux, nous avons mis en place un secrétariat régional. Cela permet également d’éviter la répétition des tâches et
d’accélérer les progrès.
J’ai parlé à de nombreuses reprises de la Commission paneuropéenne de la santé et du développement durable, dirigée par le professeur Mario Monti, que j’avais convoquée pour repenser les priorités
politiques à la lumière de la pandémie. À la demande de nos États membres, nous commençons maintenant à appliquer plusieurs de ses recommandations précises.
L’une d’entre elles est de créer un réseau paneuropéen pour la lutte contre les maladies. Ce réseau permettra la mise en commun des capacités et des connaissances essentielles dans toute la Région
grâce à des projets de recherche opérationnelle menés en collaboration, à des échanges entre professionnels et à des programmes de jumelage qui aboutiront à une conférence régulière.
Nous espérons lancer ce réseau dans la deuxième moitié de 2023. Je remercie les États membres qui ont contacté l’OMS pour soutenir cette initiative – nous compterons sur votre soutien, ainsi que sur
celui des institutions de l’UE en charge de la santé.
Dans le cadre des efforts que nous consentons pour mettre en œuvre le Programme de travail européen, nous déclenchons également un processus visant à concevoir une nouvelle stratégie et un nouveau plan d’action
pour renforcer la préparation, l’action et la résilience aux situations d’urgence sanitaire de 2024 à 2029. Nous appelons ce processus Préparation 2.0.
Sur la base des nombreux enseignements acquis lors des récentes situations d’urgence sanitaire et d’une consultation approfondie, l’objectif de Préparation 2.0 est de créer une Région européenne dotée
des capacités nécessaires et de réseaux paneuropéens pour détecter, vérifier et s’informer rapidement les uns les autres des menaces sanitaires, nouvelles ou en évolution, et pour réagir
efficacement aux situations d’urgence causées par tout type de danger.
Fondée sur une démarche multisectorielle envisageant tous les risques et placée sous le signe d’« Une seule santé », cette stratégie s’articulera autour des lacunes détectées et
des priorités des États membres, notamment
- éloigner la menace de la résistance aux antimicrobiens ;
- mettre en place des effectifs régionaux pour gérer les situations d’urgence sanitaire ;
- remédier à l’infodémie et renforcer la confiance des communautés ;
- faire progresser les travaux du Réseau paneuropéen pour la lutte contre les maladies.
Tous ces éléments illustrent le fait que la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne et l’OMS/Europe ont une vision commune pour fournir une
architecture de sécurité sanitaire plus robuste pour nos concitoyens, reposant sur les principes de solidarité, de transparence et de responsabilisation.
Nous saluons votre volonté de renforcer la sécurité sanitaire de l’UE en proposant des changements dans les 4 éléments du cadre de sécurité sanitaire, à savoir de nouveaux règlements,
des mandats actualisés pour l’Agence européenne des médicaments et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, et la création de l’Autorité européenne de préparation
et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA).
Nous apprécions le fait que le nouveau cadre souligne la valeur du RSI et le rôle de l’OMS, et nous avons hâte d’examiner comment le réseau paneuropéen pourrait susciter les mêmes réformes au-delà
des frontières de l’UE.
Nous nous tenons prêts et déterminés à intensifier notre collaboration avec vous et à soutenir vos initiatives. Nos outils, nos méthodologies et nos compétences techniques pourraient s’avérer
inestimables pour travailler au niveau national avec les États membres de l’Union européenne et de la région paneuropéenne au sens large, afin de s’assurer que leurs plans et capacités de préparation
nationaux sont adaptés aux besoins.
Chers collègues et amis, dans le monde complexe d’aujourd’hui, nous ne pouvons pas savoir quelles menaces sanitaires nous attendent, ni quand et d’où elles viendront. Mais ce qui est absolument certain, c’est que
pour remédier efficacement à notre état de crise permanent, nous devons agir dans la même direction, rechercher l’unité paneuropéenne et ne jamais laisser aucun pays ni aucune personne de côté.