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Une boîte à outils opérationnelle pour contrer les récits narratifs dangereux sur la santé lors des situations d’urgence

25 janvier 2024
Communiqué de presse
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On entend par infodémie la disponibilité excessive d’informations, y compris des informations fausses ou trompeuses, dans les environnements numériques et physiques et susceptible de représenter un risque sanitaire important, souvent exacerbé dans les situations d’urgence. À l’occasion de la publication d’une nouvelle boîte à outils, Cristiana Salvi, conseillère régionale de l’OMS/Europe pour la communication sur les risques, la mobilisation des communauté et la gestion de l’infodémie, explique l’importance de s’attaquer aux récits narratifs dangereux sur la santé.

Qu’est-ce que la gestion de l’infodémie ?

Tout au long de l’histoire, les urgences sanitaires ont été accompagnées d’une infodémie, c’est-à-dire d’un excès d’informations, vraies ou fausses, qui empêchent les populations de trouver des recommandations fiables et de prendre les mesures appropriées pour protéger leur santé. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, la pandémie de COVID-19 a créé des conditions proches d’un parfait concours de circonstances dans lesquelles l’infodémie peut facilement se propager.

Pour lutter contre ce phénomène, l’OMS a défini le concept de gestion de l’infodémie, à savoir un moyen systématique de se préparer aux dangers représentés par les fausses informations, ainsi que par la surabondance ou le vide d’informations, d’y faire face et de les mitiger dans les situations d’urgence sanitaire. La gestion de l’infodémie consiste à s’assurer que chacun peut trouver et utiliser des informations précises et fiables en temps voulu pour protéger sa santé et celle de son entourage.

Pourquoi est-il si important de s’attaquer aux fausses informations lors des situations d’urgence ?

Les populations sont confrontées à beaucoup d’incertitude et de crainte lorsqu’une situation d’urgence, quelle qu’elle soit, survient, qu’il s’agisse d’une maladie infectieuse, d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit militaire. C’est à ce moment-là que l’on a besoin d’informations et de conseils précis et cohérents en temps voulu pour comprendre la situation et prendre des décisions éclairées sur les risques pour sa santé et les mesures à prendre. La confusion, le manque de clarté et l’absence de sources d’information fiables renforcent la peur et l’incertitude, ouvrant la voie à la diffusion de fausses informations.

Un récent rapport du Forum économique mondial explique que la manipulation et la falsification des informations constituent le risque à court terme le plus urgent pour notre monde. Les fausses informations peuvent entraîner la mort, la méfiance et la division dans notre société. La pandémie de COVID-19 l’a clairement démontré.

En outre, il est de plus en plus facile de générer et de diffuser de fausses informations grâce aux nouvelles avancées en matière d’intelligence artificielle (IA).

Si les fausses informations existeront toujours dans une société libre, nous pouvons néanmoins en limiter les dégâts. Nous devons nous efforcer de fournir des informations précises et fiables au bon moment et de la bonne manière, de détecter rapidement les fausses informations et de les démystifier si nécessaire, et de donner aux populations à risque les moyens d’évaluer la véracité ou la fausseté d’une information.

L’OMS/Europe a publié une nouvelle boîte à outils opérationnelle pour contrer la diffusion de fausses informations lors d’une urgence sanitaire. Quelles sont les principales étapes évoquées ?

La boîte à outils présente 5 étapes clés proposant une approche structurée de la gestion des fausses informations dans des circonstances complexes et intenses telles que les situations d’urgence.

La première étape est la détection des signaux qui consiste à comprendre les récits narratifs de nature sanitaire, les questions, les préoccupations et les lacunes en matière d’information des publics à risque. On peut recourir à des méthodes en ligne et hors ligne, comme la surveillance des médias sociaux, les groupes de discussion et la mobilisation des communautés.

La deuxième étape est la vérification des signaux qui consiste à vérifier les faits, à analyser la crédibilité de la source et à comparer les informations avec d’autres sources pour s’assurer de leur exactitude et de leur cohérence.

La troisième étape est l’évaluation des risques qui consiste à estimer le préjudice potentiel des fausses informations sur la base de facteurs tels que la crédibilité de la source, la diffusion et l’impact sur la santé publique.

La quatrième étape est la conception de la réponse qui consiste à élaborer un plan de communication pour contrer les fausses informations et faire face aux risques.

La dernière étape est celle de la sensibilisation qui consiste à transmettre les messages clés aux publics ciblés afin de les persuader d’adopter les comportements souhaités en matière de santé.

Quelles bonnes pratiques peut-on partager avec les praticiens souhaitant utiliser la boîte à outils ?

La boîte à outils offre aux utilisateurs un large éventail de tactiques et d’approches systémiques susceptibles de les aider à faire face aux fausses informations, toutes basées sur les bonnes pratiques appliquées en Europe et ailleurs. Une pratique particulièrement vitale consiste à utiliser plusieurs sources de données pour comprendre les faux récits narratifs qui circulent, la surveillance des médias sociaux ne pouvant à elle seule générer des informations précises.

Une autre bonne pratique consiste à collaborer : nous avons appris à nos dépens, lors de récentes situations d’urgence, que les fausses informations ne peuvent être traitées par une seule entité. Les universitaires, les journalistes, les fact-checkeurs et les organisations communautaires doivent unir leurs forces pour gérer ce problème complexe et croissant. L’instauration de plateformes de collaboration aux niveaux régional, national et local est essentielle pour tirer parti des ressources et des activités de sensibilisation de chacun.

Quelles sont les 3 mesures que l’on peut recommander aux autorités sanitaires confrontées aujourd’hui à de fausses informations ?

Cela se résume en fait à 3 actions essentielles : écouter, comprendre et collaborer.

En ce qui concerne l’écoute, il importe de connaître les risques et le contexte avant d’intervenir. Cela signifie qu’il faut utiliser des sources de données en ligne et hors ligne qui sont fiables et actuelles. C’est la base des interventions relatives à la communication sur les risques, à la mobilisation des communautés ou à la gestion de l’infodémie en situation d’urgence.

Comprendre signifie qu’il faut vérifier les signaux et évaluer les risques. Ce n’est pas quelque chose que les ordinateurs ou l’IA peuvent faire à votre place. On doit suivre les conversations et les récits et faire preuve de discernement pour déterminer s’il y a lieu d’intervenir et de quelle manière.

Il est essentiel de collaborer avec les communautés pour démystifier les fausses informations au moyen de messages adaptés, appropriés et respectueux de leur culture afin qu’elles acceptent et adoptent plus facilement les mesures de protection.

Toutes ces activités nécessitent des ressources substantielles, et les responsables politiques doivent considérer la gestion de l’infodémie comme un investissement utile non seulement pendant les situations d’urgence, mais aussi en d’autres circonstances, car les fausses informations dans le domaine de la santé sont un problème qui ne disparaîtra pas.

Comment l’OMS peut-elle aider les pouvoirs publics et les parties prenantes de la Région européenne ?

La pandémie a fait de la gestion de l’infodémie une priorité pour les pouvoirs publics, et les demandes de soutien et de renforcement des capacités se sont multipliées ces 2 dernières années. Pour répondre à ce besoin, nous avons mis en place une fonction de gestion de l’infodémie au sein de notre Programme des gestions des situations d’urgence sanitaire à l’OMS/Europe. Cette fonction est entièrement intégrée à la communication sur les risques et à la mobilisation des communautés afin d’instaurer la confiance et de donner aux individus et aux communautés les moyens de prendre des décisions éclairées pour protéger leur santé.

Diverses formes de soutien sont à la disposition des parties prenantes dans la Région européenne. Il s’agit notamment de recommandations, d’outils et de ressources, comme cette boîte à outils, pour gérer les fausses informations ; d’une assistance technique pour instaurer des systèmes d’écoute sociale ; d’un renforcement des capacités pour améliorer les compétences des responsables gouvernementaux, des partenaires et des acteurs communautaires ; d’activités de recherche pour améliorer la compréhension et l’utilisation de l’IA ; de plateformes pour faciliter la collaboration opérationnelle sur la gestion de l’infodémie ; et enfin, de la production de données probantes et de bonnes pratiques pour étayer les politiques et les pratiques.


Cet article a été mis à jour le 9 septembre 2024 pour supprimer les références à une étude initialement publiée dans la revue évaluée par des pairs Biomedicine & Pharmacotherapy, qui a depuis été retirée.

Lien vers l'annonce du retrait de l'article en question