Comment les professionnels de santé réagissent-ils lorsque la ville où ils habitent est frappé par un important séisme ? Quelle est leur réaction immédiate et comment interviennent-ils ensuite ? Quel est le rôle de l’Organisation mondiale de la santé quand sévit une catastrophe naturelle de grande ampleur comme celle qui a frappé la Türkiye et la Syrie il y a environ 1 an ?
Les séismes de février 2023 ont rapidement présenté un défi sans précédent pour l’équipe de l’OMS à Gaziantep, une ville située à la frontière entre les 2 pays où l’OMS mène ses opérations transfrontalières dans le nord-ouest de la Syrie.
Dès le début de l’intervention, il est apparu clairement que le personnel de l’OMS devait faire preuve de créativité et adopter des solutions non conventionnelles pour relever les nombreux défis posés par les séismes et faire face à l’ampleur de leur impact des 2 côtés de la frontière.
Les premiers jours après les séismes
« Immédiatement après le séisme, il est devenu évident que nous devions distribuer toutes nos fournitures prépositionnées afin que les kits de traumatologie et autres médicaments essentiels puissent parvenir au plus grand nombre de personnes possible », explique le docteur Abdul Baki Mahmoud, conseiller technique de l’OMS, et l’un des coordinateurs de l’intervention mise en œuvre après le séisme pour les personnes déplacées à Gaziantep.
« Au cours des 2-3 premiers jours, nous avons livré des fournitures tout en essayant de veiller à ce que nos familles et beaucoup de nos collègues, également victimes de la catastrophe, soient en sécurité », se souvient le docteur Mahmoud.
Il a fallu ensuite assurer la prestation de services de santé mentale pour les survivants et les intervenants, une autre priorité qui s’est imposée dès les premières heures après le séisme dévastateur.
Quand les maladies chroniques mettent les vies en danger
Lorsque des situations d’urgence perturbent les systèmes de santé, les intervenants sur le terrain doivent trouver des moyens innovants pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables parmi les populations impactées, à savoir les personnes souffrant de diabète, d’hypertension, de cancer et d’autres maladies non transmissibles.
C’est ce qui s’est passé après les séismes en Türkiye et en Syrie.
« Une semaine environ après la catastrophe, nous avons tenu une réunion des groupes de travail techniques de l’OMS de manière plus systématique à Gaziantep pour réorganiser nos lignes d’approvisionnement, activer nos équipes mobiles et définir d’autres besoins urgents. À ce moment-là, la prévention et le traitement des maladies non transmissibles sont devenus l’un de nos principaux domaines d’intervention », explique le docteur Mahmoud.
Les maladies non transmissibles, comme les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète et les maladies respiratoires chroniques, concourent à 90 % des décès dans la Région européenne. Nombre de ces maladies sont gérables et peuvent être maîtrisées lorsque les infrastructures sont intactes et que les systèmes de santé sont opérationnels.
Or, lorsque des situations d’urgence surviennent et que l’accès aux médicaments essentiels est perturbé, les maladies non transmissibles peuvent rapidement mettre les vies en danger.
« L’approche innovante de l’OMS s’est étendue au-delà de l’intervention menée immédiatement après les séismes. Sur la base des enseignements tirés du contexte humanitaire plus large, nous avons mis à profit un système de coordination s’appuyant sur des groupes de travail techniques en vue de faciliter l’harmonisation et l’organisation des interventions sanitaires », indique Rosa Crestani, cheffe du bureau de pays de l’OMS à Gaziantep.
À la recherche de solutions innovantes
L’innovation s’est avérée particulièrement cruciale pour le succès et la portée de l’intervention, les années d’expérience de soutien transfrontalier du sud de la Türkiye vers la Syrie constituant une importante source d’inspiration à cet égard.
« La souplesse des mesures prises face aux conséquences de la catastrophe à Gaziantep constitue une étude de cas utile pour l’OMS », explique Mme Crestani, pour la bonne raison que la catastrophe a forcé les équipes de l’OMS à rechercher des solutions innovantes, à dépasser le cadre des pratiques conventionnelles et à s’adapter rapidement à une situation en constante évolution.
Au cours de la phase initiale critique de la crise, l’OMS est passée du modèle traditionnel de distribution prédéterminée et centralisée d’ensembles de fournitures standardisées à un système dit d’expression d’intérêt, permettant aux organisations partenaires sur le terrain de demander les médicaments et les fournitures dont elles avaient spécifiquement besoin de toute urgence. Cette approche a permis d’accorder la priorité aux articles et produits les plus essentiels pour un usage immédiat.
S’attaquer à ce qui est souvent négligé
Face à l’augmentation des besoins en dialyse après les séismes, l’intervention du groupe de travail sur la dialyse constitue un autre exemple de l’approche souple adoptée par l’OMS en temps de crise. En partenariat avec des experts externes, notamment de l’Université Johns Hopkins, et sous la responsabilité directe de l’OMS, le groupe de travail a mis en œuvre un projet d’amélioration de la qualité pour les centres de dialyse, les membres du groupe de travail coordonnant et réexaminant constamment chaque étape.
Ce projet assure la continuité des soins pour les patients sous dialyse, un groupe vulnérable souvent négligé dans les situations d’urgence. En même temps, il a permis de rétablir rapidement les services et de répondre à la demande accrue de soins pour les patients atteints du syndrome d’écrasement, une manifestation systémique grave de traumatisme et d’ischémie due à un écrasement prolongé des tissus. L’objectif était d’améliorer constamment les services, conclut Mme Crestani.