À l’extérieur du Centre pour les maladies infectieuses de Riga (Lettonie), la neige jonche le sol et les températures sont largement négatives. En revanche, à l’intérieur, un accueil chaleureux attend les visiteurs. Dans le hall d’entrée bien éclairé, le bénévole Alex Ivanayev, qui affiche un large sourire même derrière son masque, salue les personnes qui viennent se faire vacciner contre la variole du singe.
Alex a contracté la variole du singe en été, une expérience qu’il décrit comme l’une des pires de sa vie. Il avait particulièrement mal à la gorge, et ses glandes lymphatiques étaient si enflammées qu’il n’a pas pu manger pendant 3 jours. Cependant, il n’a pas cherché à obtenir une aide médicale car il craignait d’être stigmatisé en raison de stéréotypes erronés sur les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.
Aujourd’hui, Alex se porte volontaire pour aider les personnes intéressées à suivre un nouveau parcours de vaccination en leur permettant d’être orientées non pas par leur médecin de famille, mais par Mozaīka, un organisation de la société civile de défense des droits de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) dont il est d’ailleurs membre du conseil d’administration.
Ce parcours de vaccination à la fois facile et dénué de jugement s’inscrit dans le cadre d’une collaboration fructueuse avec le ministère letton de la Santé pour améliorer l’accès aux vaccins et aux informations sur le virus. L’initiative met en avant l’importance vitale de la communication sur les risques et de la mobilisation communautaire comme composantes de la riposte menée face aux situations d’urgence sanitaire.
Un partenariat pour la santé
Lorsque les premiers cas de variole du singe ont été signalés en Europe en mai 2022, le personnel de Mozaīka a commencé à s’entretenir avec des membres de la communauté sur les moyens d’éviter l’infection. Au cours de ces discussions, Kaspars Zalitis, directeur de Mozaīka, s’est rendu compte que certains d’entre eux craignaient de subir une stigmatisation en signalant les symptômes de la variole du singe à leur médecin de famille, ou en demandant une vaccination préexposition.
Considérant ces préoccupations comme un obstacle aux soins de santé et à la vaccination, Kaspars Zalitis a pris contact avec le ministère de la Santé avec lequel son organisation coopère d’ailleurs depuis longtemps en matière de prévention et de traitement du VIH.
« Nous avons organisé notre première réunion assez rapidement, pas seulement avec le ministère de la Santé mais littéralement avec tous les acteurs possibles, à savoir le Centre de prévention et de contrôle des maladies, le Service national de santé, le Centre pour les maladies infectieuses, le laboratoire de référence. Nous venions de connaître une flambée épidémique, la COVID-19. Nous n’avions pas besoin d’une autre. Donc, c’était mieux de collaborer. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion ? »
C’est exactement l’approche que l’OMS/Europe recommande. La coordination étroite entre les décideurs, les prestataires de services et les organisations communautaires s’occupant des personnes les plus à risque d’être exposées à la variole du singe s’avère en effet essentielle pour adapter les politiques, les interventions et la communication.
Des organisations telles que Mozaīka bénéficient de la confiance des personnes qui s’identifient comme homosexuelles ou bisexuelles et d’autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, et sont bien placées pour collecter et diffuser les informations détaillées nécessaires afin de comprendre ce qui empêche ou motive l’adoption de mesures préventives.
« Notre communauté n’est pas homogène. Nous sommes tous très différents, mais nous voulons tous vivre en bonne santé et être capables de prévenir les maladies, » explique Inga Liepina, experte principale à la Division de la santé environnementale du ministère letton de la Santé. « Les vaccins contre la variole du singe sont disponibles, et nous devons les utiliser. C’est d’ailleurs la principale mission des vaccins : être utilisés, et non rester au réfrigérateur ! »
Les orientations provisoires de l’OMS sur la vaccination contre la variole du singe recensent les groupes prioritaires pour la primovaccination préventive : les personnes à haut risque d’exposition, y compris les personnes qui s’identifient comme homosexuelles ou bisexuelles et les autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.
Des soins médicaux dénués de jugement
« Les demandes de vaccination contre la variole du singe émanent très majoritairement de Mozaīka, » explique Inga Ažiņa, cheffe du Service de soins ambulatoires du Centre letton pour les maladies infectieuses. « Je suis vraiment satisfaite. C’est un excellent processus. »
Irēna Anna Damberga, médecin vaccinateur au Centre pour les maladies infectieuses, est également impressionnée par le nouveau système d’orientation-recours : « Mozaīka est très organisée, très disciplinée. Ce sont des gens bien. C’est un très gros avantage, » explique-t-elle.
Irēna Anna salue tout le monde, quel que soit le vaccin qu’on vient se faire inoculer, et d’une manière amicale et joviale qui la rend populaire auprès de ses patients. Les rires emplissent la salle de consultation, et les personnes qui arrivent l’air nerveux finissent par repartir souriantes et détendues. « Nous traitons tout le monde de la même manière, » souligne-t-elle. « Nous ne pouvons pas faire de différence entre les gens. Aucune personne ayant effectué des études de médecine ne devrait faire cela. »
Une solution créative
Les réglementations écrites du ministère letton de la Santé ont été mises à jour afin d’inscrire la collaboration avec Mozaīka dans le processus d’orientation-recours pour la vaccination, légitimant sa participation au parcours vaccinal, et s’imposant ainsi comme un modèle précis susceptible de faire des émules.
« Cette collaboration entre le ministère de la Santé et une organisation communautaire a permis d’améliorer l’accès des personnes les plus à risque à la vaccination, » explique Uldis Mitenbergs, chef du Bureau de pays de l’OMS en Lettonie. « Il importe absolument d’éviter la discrimination, de lutter contre la stigmatisation, de servir les plus vulnérables et de mobiliser les communautés pour lutter contre cette flambée épidémique. Il s’agit là d’un excellent exemple de la manière dont la collaboration peut nous permettre de parvenir à un résultat qui profite à tous. »
Soutien de l’OMS/Europe aux efforts de lutte menés par le pays contre la variole du singe
Le Bureau de pays de l’OMS en Lettonie facilite le dialogue entre Mozaīka et le ministère de la Santé. Il continue de collaborer étroitement avec les pouvoirs publics et d’établir de solides relations professionnelles avec les organisations communautaires.
Depuis le début de la flambée, le Bureau de pays a également délivré aux parties prenantes des conseils techniques et des bonnes pratiques pour lutter contre la variole du singe. Il convient notamment de mentionner une série de notes d’orientation de l’OMS/Europe qui résume les recommandations politiques, les connaissances et les orientations techniques provisoires relatives à la variole du singe dans la Région européenne de l’OMS.
La dernière note publiée dans ce domaine explique comment collecter et intégrer les connaissances comportementales et culturelles dans les interventions ainsi que dans les stratégies plus larges d’élimination et de maîtrise de la variole du singe dans les pays. Comme l’a montré la Lettonie, une telle approche nécessite des politiques, des interventions et une communication soigneusement adaptées, fondées sur une compréhension des comportements, des perceptions et des contextes des populations à risque, ce que des organisations communautaires comme Mozaīka peuvent d’ailleurs fournir.
Maîtrise et élimination de la variole du singe dans la Région
Le nombre de cas de variole du singe ayant diminué en Europe au cours des derniers mois, il est à espérer que cette flambée épidémique pourra être maîtrisée avec, au final, l’interruption de la transmission interhumaine. Pour ce faire, il importera d’instaurer de solides systèmes de surveillance, de procéder à une détection précoce des cas, à la recherche des contacts et à une communication adaptée sur les risques, et de mobiliser les communautés.
Kaspars Zalitis estime que la vaccination des groupes à risque contre la variole du singe constitue également une stratégie clé à long terme : « ce n’est pas parce que les chiffres sont en baisse en Europe que la variole du singe va disparaître, » explique-t-il.
La popularité du nouveau parcours d’orientation-recours utilisé en Lettonie est la preuve que la coopération et la communication avec les groupes à risque en cas de flambées épidémiques peuvent déboucher sur des partenariats solides pour la santé. Bien que les 53 pays de la Région aient adopté des politiques et des pratiques différentes à cet égard, Kaspars Zalitis nous prodigue le conseil suivant : « selon moi, s’il y a une chose que les autres pays peuvent apprendre de la Lettonie, c’est simplement d’écouter et d’encore écouter ce que dit la communauté car, parfois, leur avis peut s’avérer crucial pour mettre fin à une situation d’urgence. »