Déclaration : Lutte, élimination, éradication : les trois actions que nous devons mener ces prochains mois pour répondre à trois urgences de santé publique différentes dans la Région européenne

Déclaration du docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe

30 août 2022
Déclaration
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Bonjour à vous tous. Merci de vous joindre à nous.

Lutte, élimination, éradication. Trois actions sous-tendent mes observations d’aujourd’hui, des actions sur trois urgences de santé publique de portée internationale différentes, nécessitant la réalisation de leur propre stratégie et de leurs propres objectifs distincts.

Tout d’abord, la lutte, et en particulier dans le contexte de la COVID-19. 

Dans quelques semaines, la Région européenne devrait atteindre les 250 millions de cas confirmés de COVID-19 depuis que la pandémie a débuté il y a deux ans et demi. Nous avons certes accompli de grands progrès dans la lutte contre la pandémie. Mais le virus continue de circuler largement, d’envoyer des gens à l’hôpital et de provoquer un trop grand nombre de décès évitables – quelque 3 000 au cours de la seule semaine dernière, soit environ un tiers du nombre total de décès enregistré au niveau mondial. Le virus continue également d’évoluer pour échapper aux moyens de lutte que nous avons mis en place. À l’approche de l’automne et de l’hiver, nous prévoyons une recrudescence des cas – avec ou sans résurgence de la grippe saisonnière en Europe. 

Nous venons de lancer pour l’automne et l’hiver une stratégie complète de lutte contre la COVID-19. Celle-ci précise les mesures que les pays doivent prendre pour combattre le SARS-CoV-2 et les autres virus respiratoires. 

La stratégie explique comment nous pouvons combiner les mesures dont l’efficacité est avérée avec une meilleure utilisation de nouveaux outils et de nouvelles tactiques en vue de réduire l’impact des maladies. En mettant l’accent sur la surveillance, la détection des cas et les soins au niveau communautaire, la stratégie met en avant la nécessité d’une détection précoce et d’un accès aux antiviraux oraux pour les patients vulnérables dans le cadre des soins primaires. Cela signifie qu’il faut continuer à stabiliser la transmission, sans avoir à prendre des mesures de portée générale. La stratégie s’attaque également à des problèmes persistants tels que la santé mentale et l’épuisement professionnel des prestataires de soins, le tout dans un cadre d’intervention unique. 

La stratégie se concentre également sur les mesures avérées qui ont permis de sauver d’innombrables vies et qui peuvent en sauver d’autres.

Le déploiement de la vaccination continue de progresser dans la plupart des pays, y compris dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Pourtant, des millions de personnes ne sont toujours pas vaccinées dans bon nombre de contrées de notre Région ; nous devons trouver de meilleurs moyens de les atteindre. Ce faisant, nous devons accorder la priorité à l’administration d’une deuxième dose de rappel aux personnes les plus vulnérables, notamment les seniors, les personnes immunodéprimées et celles souffrant de pathologies préexistantes. 

Nous exhortons également les pays à administrer le vaccin contre la grippe en même temps que le vaccin contre la COVID-19, chaque fois que cela est possible. 

Il faut cependant continuer à comprendre la situation dans laquelle on se trouve, et à prendre des mesures de bon sens pour se protéger également – comme porter un masque à l’intérieur dans les endroits très fréquentés et dans les transports publics, bien aérer les locaux et se laver régulièrement les mains. S’il ne s’agit pas de nouveaux messages, ils restent essentiels à la sécurité personnelle. Les exigences ayant été levées, le choix de recourir à ces mesures simples mais efficaces appartient à chacun d’entre nous. 

La deuxième action sur laquelle je souhaite insister aujourd’hui est l’élimination, dans le contexte de la flambée de variole du singe. En effet, la Région européenne a enregistré plus de 22 000 cas confirmés dans 43 pays et territoires, soit plus d’un tiers du nombre total de cas signalés au niveau mondial. 

Certains signes précurseurs encourageants, comme ceux observés en Allemagne, en Espagne, en France, au Portugal, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, semblent indiquer un ralentissement de cette flambée. Pour parvenir à l’élimination dans notre Région, nous devons de toute urgence intensifier nos efforts. 

Or, nous sommes convaincus que nous pouvons éliminer la transmission interhumaine durable de la variole du singe dans la Région si nous nous engageons à le faire, et si nous consacrons les ressources nécessaires à cette fin. 

C’est pourquoi nous avons lancé cette semaine deux notes d’information détaillées, l’une décrivant les objectifs et les mesures nécessaires à la maîtrise et, à terme, à l’élimination de la variole du singe, l’autre portant spécifiquement sur l’utilisation des vaccins contre cette maladie.

Ces notes fournissent une feuille de route claire aux autorités et aux responsables politiques en vue de mettre en place une riposte efficace face à la flambée. Elles délivrent également un message clair sur ce que nous pensons être notre objectif ultime : d’abord lutter, puis finalement parvenir à l’élimination de l’infection par la variole du singe dans la Région européenne, et maintenir cette élimination.

Tous les pays – qu’ils signalent actuellement des cas ou non – doivent mettre en œuvre un ensemble d’interventions combinées à cette fin. 

On ne le répétera pas assez, mais la variole du singe peut causer des douleurs atroces aux personnes infectées, notamment celles qui ont des plaies dans la bouche ou dans les zones génitales et anales. La maladie peut également entraîner des complications potentiellement mortelles et, dans de rares cas, laisser des cicatrices. L’angoisse vécue par de nombreux patients ne doit pas être sous-estimée – ça peut être vraiment une épreuve horrible. Nous soulignons que le soutien à la santé physique et mentale des patients reste d’une importance capitale pendant toute la durée de la maladie, et au-delà.

Plus important encore, avec la variole du singe, nous devons vraiment cibler nos interventions. La flambée actuelle est apparue chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, souvent dans le cadre de rapports sexuels avec des partenaires anonymes ou multiples. C’est là que se concentre la flambée. Et c’est là que nous devons concentrer nos efforts de prévention et d’intervention – avec la collaboration et la participation actives de la communauté elle-même, en favorisant un environnement exempt de stigmatisation et de discrimination à l’égard de cette population longtemps marginalisée. Ici, à l’OMS/Europe, nous nous sommes engagés activement auprès des militants et des organisations LGBTQI+, notamment les organisateurs des manifestations de la fierté, en veillant à ce qu’ils reçoivent les meilleures informations et les meilleurs conseils possibles à diffuser à la communauté, y compris lors des rassemblements de masse qui peuvent servir de toile de fond à l’activité sexuelle. 

Des efforts similaires de partenariat et de sensibilisation au niveau de la communauté de la part de certains gouvernements, par exemple au Portugal, ont également permis de conscientiser les populations à la variole du singe, les incitant à prendre des précautions et à modifier leur comportement, ce qui permet d’améliorer les résultats sanitaires et de contribuer à endiguer la flambée.

La troisième action que je mentionnerai aujourd’hui est l’éradication, et ceci dans le contexte de la poliomyélite, une maladie à l’origine de paralysies chez de nombreux enfants de notre Région dans le passé. Alors que nous nous réjouissons de célébrer le 20e anniversaire du statut d’absence de poliomyélite dans la Région européenne, nous devons nous rappeler que les progrès considérables accomplis en vue de parvenir à l’éradication mondiale sont très fragiles.

Ces dernières années, des poliovirus dérivés d’une souche vaccinale ont été détectés en Israël, au Royaume-Uni, au Tadjikistan et en Ukraine. Dans notre monde interconnecté, le poliovirus détecté récemment à New York, aux États-Unis, est génétiquement lié aux virus détectés en Israël et au Royaume-Uni. Malgré une couverture vaccinale globalement élevée, le poliovirus a réussi à infecter des personnes sensibles dans des communautés sous-vaccinées. 

C’est un signal d’alarme pour nous tous. Il est de notre responsabilité commune d’éradiquer la poliomyélite dans le monde. Toute personne non vaccinée, ou dont les enfants n’ont pas reçu les vaccins prévus, doit se faire vacciner dès que possible. Les vaccins contre la poliomyélite s’avèrent particulièrement sûrs et efficaces. 

La poliomyélite, la variole du singe, la COVID-19 – toutes ces maladies ont démontré à maintes reprises que quand une maladie constitue une menace quelque part, elle peut rapidement constituer une menace partout. Il s’agit là d’une leçon qu’il serait en effet aberrant d’ignorer, encore plus dans le monde d’aujourd’hui. 

Sur ce, je vous remercie de votre attention, et nous nous réjouissons de répondre à vos questions.