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Un an après la variole du singe : où en sommes-nous ? – un entretien avec Martin Joseph et Harun Tulunay

15 mai 2023
Communiqué de presse
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Au cours de l’été 2022, au plus fort de la flambée de variole du singe en Europe, Harun Tulunay et Martin Joseph, tous deux originaires de Londres (Royaume-Uni), ont ressenti les symptômes douloureux et effrayants de la variole du singe à une époque où il était difficile d’obtenir des informations et des conseils sanitaires à ce sujet. Un an après, nous leur avons demandé de faire le point et de nous faire part de leurs réflexions. 

Une période d’incertitude

Harun et Martin ont tous deux éprouvé des difficultés à obtenir des réponses lorsqu’ils ont contracté la variole du singe, et la confusion qui en a résulté les a rendus anxieux. 

« Lorsque j’ai attrapé la variole du singe, j’ai eu honte. Avant même de m’inquiéter pour ma santé, je me demandais comment j’allais l’annoncer aux personnes de mon entourage », raconte Martin.

Plutôt que de se cacher, tous deux ont décidé, de manière différente, de livrer leur témoignage pour le bien des autres. 

Les images de Harun Tulunay montrant les lésions de la variole du singe sur son visage et sa main ont été parmi les premières à être publiées dans les médias et sur les réseaux sociaux. Elles ont contribué à alerter les communautés touchées en Europe, principalement les gays, les bisexuels et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, sur les symptômes à surveiller, et son témoignage honnête a été à l’origine d’un débat sur la santé sexuelle qu’il poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui. Depuis qu’il a contracté la variole du singe, Harun est devenu un militant et un défenseur très actif de la santé sexuelle qui met au point et dispense des formations pour encourager les personnes concernées à faire part de leurs expériences et lutter contre la stigmatisation. Aider les populations à accéder à des sources d’information fiables sur la variole du singe et d’autres infections sexuellement transmissibles est important pour Harun, car il a été témoin des effets dévastateurs de la désinformation.

« La stigmatisation est le plus grand problème auquel nous sommes confrontés, et elle ne disparaîtra que lorsque nous commencerons à en discuter autour de nous. Grâce à mon expérience [avec la variole du singe], je n’ai plus peur de parler de mon vécu, et d’indiquer aux autres les bonnes ressources ainsi que la manière de les utiliser. »

Martin Joseph a réagi à son expérience traumatisante de la variole du singe en réalisant 10 épisodes d’une série de podcasts intitulée « What the pox? [La variole du singe, c’est quoi ce bxxdel ?] » afin de mieux comprendre les aspects sociaux, politiques et médicaux de cette maladie. L’épisode 10 présente des entretiens avec plusieurs experts, dont le docteur Richard Pebody, qui dirige la réponse à la variole du singe pour l’OMS/Europe. Cette communication innovante constitue la base d’une des 12 études de cas contenues dans un nouveau recueil produit par l’OMS/Europe qui explique comment les communautés touchées ont été, et restent, au cœur de la riposte à la variole du singe.

Un an après, qu’est-ce qui a changé ?

L’un des principaux changements signalés par les 2 hommes depuis la flambée de variole du singe est l’ouverture de la communauté des gays, des bisexuels et des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes du Royaume-Uni au débat sur la santé sexuelle. En effet, ils attribuent la forte baisse du nombre de cas dans la Région européenne au sens large en partie aux discussions délicates engagées par la communauté au sujet de la variole du singe, y compris les échanges individuels sur la sexualité.

« Les gens ont modifié leur comportement, se sont fait vacciner, et ont commencé à parler de leur santé sexuelle. Les personnes atteintes de la variole du singe se sont isolées », explique Martin. « Les gens ont été très, très prudents, ont suivi les conseils et se sont soutenus les uns les autres. Ils se sont exprimés sur les médias sociaux, et ont expliqué où l’on pouvait se faire vacciner. Tout le monde a travaillé ensemble pour que la variole du singe ne devienne pas un phénomène terrifiant. »

Lui aussi communique désormais plus librement : « pour moi, ce qui a surtout changé, ce sont les conversations vraiment ouvertes que j’ai tout le temps avec les autres, même avec de simples amis, sur le sexe et la santé sexuelle. J’ai aussi créé un espace où beaucoup d’amis m’appellent pour me poser une question. »

L’été, et après

Malgré ces signes encourageants, Martin met en garde contre le risque de réapparition de la variole du singe au cours d’un été riche en événements, en fêtes et en soirées.

« Je crains que la maladie ne revienne, vous savez, qu’il y ait une suite à la variole du singe, mais j’espère que nous avons beaucoup appris, et que nous avons montré que nous pouvons nous unir en tant que communauté et vraiment nous protéger. La meilleure chose qu’on puisse faire est de se confronter au monde et de s’assurer que lorsque l’on va à ces festivals ou que l’on a des partenaires sexuels, on est aussi responsable que possible, et que l’on peut ainsi veiller à prendre soins de tous ceux avec qui l’on entre en contact. » 

Cette responsabilité implique un bilan médical régulier et l’évocation si possible des symptômes à ses partenaires sexuels. Les personnes se remettant de la variole du singe doivent quant à elles s’abstenir de toute activité sexuelle jusqu’à la disparition de la dernière croûte sur la peau. La vaccination contre cette maladie, si elle est disponible, offre une protection supplémentaire, mais il est important de se protéger, même après la vaccination. Toute personne pensant présenter les symptômes de la variole du singe doit s’isoler le plus possible et prendre contact avec un prestataire de services de santé sexuelle de confiance ou une clinique de santé sexuelle de sa région. 

« Il importe de rester vigilants, mais sans une action mondiale coordonnée de la part des pouvoirs publics et des autorités sanitaires, la variole du singe continuera de poser problème », ajoute Martin.

L’expérience de Harun avec la variole du singe, associée à son vécu du VIH, a fait de lui un défenseur encore plus convaincu de l’équité en santé et de l’élimination des inégalités mondiales en matière de disponibilité des vaccins. Il est aujourd’hui en bonne santé et heureux, et se réjouit à l’idée de participer à une saison estivale riche en événements, qu’il prévoit également d’apprécier de manière responsable.

« Tant que l’on se protège et que l’on est le meilleur défenseur de sa propre santé, on peut profiter de la vie. Rien ne peut vous arrêter. Mon message à la communauté gay, bisexuelle et des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes est le suivant : continuez à faire ce que nous avons fait : nous protéger les uns les autres, partager les bonnes informations, nous aider à nous faire vacciner et penser les uns aux autres. »

Recommandations et informations de l’OMS/Europe sur la variole du singe

Afin d’aider les autorités sanitaires et les membres des communautés à lutter contre la variole du singe et, à terme, à l’éliminer, l’OMS/Europe lance 4 nouveaux produits et initiatives :
  • un nouveau recueil d’études de cas intitulé « Eliminating mpox in the European Region – a response with communities at its heart » [Élimination de la variole du singe dans la Région européenne – intervenir au cœur des communautés] ; 
  • une note d’orientation sur la variole du singe intitulée « Considerations for the control and elimination of mpox in the WHO European Region: the need for integrated national operational plans » [Considérations sur la maîtrise et l’élimination de la variole du singe dans la Région européenne de l’OMS : la nécessité de plans opérationnels nationaux intégrés] ; 
  • une campagne intitulée « Éliminer la variole du singe. Placer les populations affectées au cœur de notre intervention », qui accompagne la note d’orientation ; 
  • une boîte à outils relative à la communication sur les risques, la participation communautaire et la gestion de l’infodémie pour l’élimination de la variole du singe.