Selon un nouveau rapport de l’OMS, si la France est plus à même que la plupart des autres pays de l’Union européenne (UE) de protéger ses populations contre les difficultés financières causées par le paiement direct des soins de santé, les limites observées dans la couverture santé restent un problème pour les ménages à faible revenu.
Selon le rapport intitulé « Les soins et services de santé sont-ils financièrement accessibles ? De nouvelles bases factuelles sur la protection financière en France », le pays affiche l’un des niveaux de dépenses de santé catastrophiques les plus bas de l’UE, touchant 2 % des ménages (environ 800 000 personnes) en 2017, dernière année pour laquelle des données sont disponibles. Les personnes exposées à des dépenses de santé catastrophiques peuvent ne pas être en mesure de satisfaire d’autres besoins fondamentaux tels que l’alimentation, le logement et le chauffage.
Réduire les difficultés des ménages à faible revenu
Cependant, le rapport montre que les dépenses de santé catastrophiques sont beaucoup plus élevées que la moyenne nationale chez les ménages à faible revenu. En 2017, 10 % des ménages appartenant au quintile le plus pauvre ont connu des dépenses de santé catastrophiques. Les principaux facteurs sont les paiements à charge du patient pour les médicaments ambulatoires et les produits médicaux tels que les appareils auditifs, les lunettes et les prothèses dentaires. Les niveaux de besoins non satisfaits en matière de soins dentaires sont supérieurs à la moyenne de l’UE et particulièrement élevés pour les personnes à faible revenu.
« Si la France a accompli des progrès significatifs dans le renforcement de la protection financière, il est possible de faire davantage pour protéger les personnes à faible revenu et atteintes de maladies chroniques contre les paiements directs », a expliqué le docteur Natasha Azzopardi-Muscat, directrice de la division Politiques et systèmes de santé des pays à l’OMS/Europe. « Le rapport recense les mesures susceptibles de réduire les difficultés financières, en particulier pour les personnes à faible revenu, notamment en les exonérant de toute participation financière, en limitant les dépassements d’honoraires (surfacturation) et en supprimant progressivement les remboursements rétrospectifs. »
Le rapport met en lumière 3 aspects de la politique de couverture sanitaire en France qui contribuent à rendre les soins de santé financièrement accessibles pour de nombreuses personnes et offrent des exemples de bonnes pratiques pour d’autres pays :
- le droit aux soins de santé financés par le dispositif d’assurance maladie ne dépend pas du paiement des contributions ; par conséquent, tous les résidents sont automatiquement couverts à vie, y compris les travailleurs précaires ;
- les personnes atteintes de l’une des 32 affections de longue durée, qui touchent environ 18 % de la population, sont exonérées des frais à la charge du patient (reste à charge ou ticket modérateur) pour le traitement de ces affections ;
- les migrants sans titre de séjour à faible revenu qui sont en France depuis au moins 90 jours ont accès à des prestations très proches de celles dont bénéficient les résidents, et ce sans reste à charge, grâce au dispositif de l’aide médicale de l’État (AME).
Si la couverture maladie complémentaire (ou complémentaire santé) améliore la protection financière d’environ 95 % de la population, en partie parce que les ménages à très faible revenu en bénéficient gratuitement ou moyennant une subvention, elle ne résout pas entièrement les problèmes liés au reste à charge et s’accompagne de nombreux défis :
- elle constitue une source de financement du système de santé particulièrement régressive qui impose une lourde charge financière à la moitié la plus pauvre de la population ; en 2017, les cotisations pour la complémentaire santé représentaient 6 % de l’ensemble des dépenses des ménages à faible revenu, contre 2,5 % pour les ménages les plus riches ;
- les obstacles financiers et administratifs à l’accès à une complémentaire santé de qualité restent un problème pour de nombreux ménages à faible revenu ;
- le fait que la protection financière dépende autant de la complémentaire santé implique également d’importants coûts de transaction et coûts financiers pour le budget de l’État et les employeurs.
Depuis l’an 2000, le gouvernement français tente de renforcer la protection financière en améliorant l’accès à l’assurance maladie obligatoire et complémentaire et, plus récemment, en réduisant les dépassements d’honoraires pour les produits médicaux (notamment les soins dentaires, les soins optiques et les aides auditives) à l’aide de la réforme du 100 % Santé déployée progressivement entre 2019 et 2021.
Sur cette base, les pouvoirs publics peuvent améliorer l’accessibilité financière des soins de santé de la manière suivante :
- réduire les restes à charge du dispositif d’assurance maladie en exonérant les personnes à faible revenu et les personnes souffrant de maladies chroniques de tout reste à charge, en fixant un plafond annuel basé sur les revenus sur tous les paiements à charge du patient pour l’ensemble de la population, en limitant les dépassements d’honoraires et en supprimant progressivement les remboursements rétrospectifs ;
- remplacer le ticket modérateur par une participation financière fixe d’un faible montant ;
- réduire la régressivité du financement de la complémentaire santé en supprimant les obstacles financiers et administratifs à l’accès à une complémentaire santé gratuite ou subventionnée pour les personnes à faible revenu et en subordonnant au revenu les subventions de la complémentaire santé des employés ;
- améliorer la couverture par l’assurance maladie des soins dentaires ;
- améliorer l’accès des migrants sans titre de séjour à l’AME en simplifiant et en automatisant les procédures administratives.
À propos du rapport
Produit en collaboration avec un chercheur de l’IRDES, ce rapport évalue dans quelle mesure la population française éprouve des difficultés financières lorsqu’elle recourt à des services de soins de santé et a des besoins non satisfaits en raison des obstacles financiers à l’accès. Il couvre la période 2011-2024, en utilisant des microdonnées issues des enquêtes sur le budget des ménages de 2011 et 2017 (dernière année disponible), des données sur les besoins non satisfaits en matière de soins de santé jusqu’en 2022 (dernière année disponible) et des informations sur la politique de couverture (couverture de la population, couverture des services, frais à la charge du patient et assurance maladie volontaire) jusqu’en mars 2024.
Des informations plus détaillées sur ce rapport sont disponibles sur UHC watch (UHC pour Universal Health Coverage, ou couverture sanitaire universelle), une nouvelle plateforme conçue pour suivre les progrès en matière d’accès abordable aux soins de santé en Europe et en Asie centrale.
Le rapport et UHC watch ont bénéficié d’une aide financière de l’UE dans le cadre du programme « L’UE pour la santé » (EU4Health).
À propos des activités de l’OMS/Europe dans le domaine de la protection financière
L’OMS/Europe assure le suivi de la protection financière par l’intermédiaire du Bureau de l’OMS à Barcelone pour le financement des systèmes de santé à l’aide d’indicateurs régionaux tenant compte de l’équité. La protection financière est un élément central de la couverture sanitaire universelle et une dimension essentielle de l’évaluation de la performance des systèmes de santé. Elle est un indicateur des objectifs de développement durable, s’inscrit dans le pilier européen des droits sociaux, et est au centre du Programme de travail européen, le cadre stratégique de l’OMS/Europe.