Tous les chemins mènent à la couverture sanitaire universelle, et c’est la première de nos priorités à l’OMS. Pour moi, la principale question à ce sujet est d’ordre éthique. Acceptons-nous que notre prochain puisse mourir parce qu’il est pauvre? Ou que des millions de familles soient acculées à la pauvreté du fait de dépenses de santé catastrophiques et du manque de protection contre le risque financier? La couverture sanitaire universelle est un droit fondamental de la personne.
Au moins 400 millions de personnes n’ont pas accès aux services de santé essentiels 1 et 40% de la population mondiale n’a pas de protection sociale 2. Pensez aux réalités humaines derrière ces chiffres: la jeune mère qui meurt à l’accouchement dans un État fragile parce qu’elle n’a pas accès aux soins; un jeune enfant qui abandonne l’école à cause de l’appauvrissement de sa famille du fait des dépenses de santé; ou encore un adulte qui vit dans une ville d’un pays à revenu intermédiaire et qui souffre d’une maladie non transmissible et n’a pas de traitement.
Je sais, de par mon expérience personnelle, que tous les pays ont la possibilité d’instaurer la couverture sanitaire universelle, avec des interventions essentielles de santé publique. L’article de Karin Stenberg et de ses collègues dans ce numéro de The Lancet Global Health3 montre que même à des niveaux faibles de revenu national les pays peuvent progresser. De nombreux pays à différents stades du développement économique ont instauré la couverture sanitaire universelle, montrant ainsi que le défi à relever est plus de nature politique qu’économique.
Le monde a décidé d’instaurer la couverture sanitaire universelle. Dans les objectifs de développement durable, la cible 3.8 à atteindre d’ici 2030 est la suivante: faire en sorte que chacun bénéficie d’une couverture sanitaire universelle, comprenant une protection contre les risques financiers et donnant accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et vaccins essentiels sûrs, efficaces, de qualité et d’un coût abordable. Comment l’OMS devrait-elle aider les pays à atteindre cette cible?
En dernier ressort, la couverture sanitaire universelle est un choix politique. Il incombe à chaque pays et à chaque gouvernement national de la mettre en place. Les pays ont des besoins particuliers et des négociations politiques spécialement adaptées détermineront la mobilisation des ressources nationales. L’OMS catalysera l’engagement proactif et le plaidoyer auprès des structures politiques mondiales, régionales et nationales, ainsi que des dirigeants, chefs d’États ou parlements nationaux.
En dernier ressort, la couverture sanitaire universelle est un choix politique. Il incombe à chaque pays et à chaque gouvernement national de la mettre en place.
Les pays devront savoir où ils en sont concernant la couverture sanitaire universelle les uns par rapport aux autres. L’OMS élaborera un système de mesure fondé sur les indicateurs de la cible 3.8 des objectifs de développement durable pour comparer leur réalisation.
Au-delà des comparaisons, les pays tirent des enseignements les uns des autres, notamment de ceux qui ont à leurs yeux des situations politiques ou économiques similaires. L’OMS documentera les meilleures pratiques en matière de couverture sanitaire universelle au niveau des pays. Certains pays peuvent être plus avancés au niveau de la couverture des services de qualité, tandis que d’autres seront en meilleure position pour la protection financière.
Dans le domaine de la couverture des services, des pays pourront donner la priorité à une catégorie (par exemple santé reproductive, santé de la mère et de l’enfant), tandis que d’autres auront davantage progressé sur les maladies non transmissibles ou la santé mentale. Les pays prennent des voies différentes, en recourant aux prestataires publics ou privés, bien qu’il revienne toujours aux finances publiques d’assurer la protection sociale des pauvres afin d’améliorer l’équité et de ne laisser personne à l’écart.
Une fois ces enseignements obtenus, les pays pourront demander une assistance technique. L’OMS doit se préparer à la fournir aux pays, sur la base de leurs besoins spécifiques et dans l’ensemble des objectifs de développement durable relatifs à la santé. Elle doit travailler pour préserver les récents succès, poliomyélite, VIH/sida, maladies tropicales négligées, santé de la mère et de l’enfant, et s’appuyer dessus.
Comme l’accès à des médicaments, vaccins et produits diagnostiques appropriés est un élément important de la couverture sanitaire universelle, les activités de l’OMS en matière de préqualification accélérée des vaccins et de listes des médicaments essentiels et des produits diagnostiques sont importantes. De plus, la couverture sanitaire universelle n’a pas trait qu’aux soins de santé, mais aussi à la promotion de la santé, à la prévention et à une approche plus large de la santé publique. L’ossature de la couverture sanitaire universelle repose sur une puissante plateforme de soins de santé primaires avec l’intégration de l’engagement des communautés dans le système de santé.
La couverture sanitaire universelle et les situations d’urgence sanitaire sont les deux faces d’une même médaille. Le renforcement des systèmes de santé est le meilleur moyen de se protéger des crises sanitaires. Les flambées sont inévitables pas les épidémies. De puissants systèmes de santé sont notre meilleure défense pour éviter que les flambées ne se transforment en épidémies. L’OMS continuera à mettre en œuvre le Règlement sanitaire international et à mener des exercices conjoints d’évaluation, dont 70 seront terminés à la fin de l’année 2017.
Il faudra de l’innovation pour atteindre la couverture sanitaire universelle. De même, on ne peut gérer que ce qui est mesuré et donc les données ont de l’importance. Sur la base des faits et des données, l’OMS suivra les progrès du monde pour les indicateurs liés aux objectifs de développement durable relatifs à la santé. La couverture sanitaire universelle n’est pas une fin en soi: son but est d’améliorer les autres objectifs de développement durable relatifs à la santé.
Nous avons l’occasion historique d’améliorer et de transformer la santé mondiale. Saisissons-là à la prochaine Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2017 pour faire de la couverture sanitaire universelle une réalité pour bien davantage de personnes.
Commentaire publié à l’origine dans The Lancet.
(1) OMS/Banque mondiale. Un nouveau rapport montre que 400 millions de personnes n’ont pas accès aux services de santé essentiels. http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/uhc-report/fr/
(2) Organisation internationale du travail. Protection sociale: près de 40% de la population mondiale privée de toute couverture santé. http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_326227/lang--fr/index.htm
(3) Stenberg K, Hanssen O, Tan-Torres Edejer T, et al. Financing transformative health systems towards achievement of the health Sustainable Development Goals: a model for projected resource needs in 67 lowincome and middle-income countries. Lancet Glob Health 2017; 7. http://dx.doi.org/10.1016/S2214-109X(17)30263-2.