Mettre un terme à l’épidémie de tuberculose d’ici à 2030 figure au rang des priorités établies dans les objectifs de développement durable. Nous vivons donc une étape cruciale dans la mise en œuvre des efforts visant à combattre et à éliminer la tuberculose. Grâce aux efforts actuellement déployés, 56 millions de décès ont pu être évités depuis 2000 (1). Nous disposons également de meilleurs outils de diagnostic et une poignée de nouvelles substances efficaces devraient être dévoilées (2).
Toutefois, la tuberculose reste la maladie infectieuse qui cause le plus de décès à l’échelle mondiale, avec 1,7 million de morts en 2016 (1). La réunion de haut niveau des Nations Unies sur la tuberculose qui doit avoir lieu à New-York (États-Unis) ultérieurement en 2018 constitue une occasion unique d’obtenir l’engagement des chefs d’État et de gouvernement en faveur d’une action mondiale coordonnée afin de mettre un terme à l’épidémie.
La Commission sur la tuberculose de la revue The Lancet a pour but d’identifier les mesures décisives qui doivent être prises à l’échelle des pays ou de la planète en vue de garantir le succès de cette action. Ces recommandations porteront sur les priorités suivantes.
Tout d’abord, la communauté mondiale doit adopter de nouvelles stratégies audacieuses afin de faire face à la très lourde charge de morbidité. Nous ne partons pas de rien pour ce qui est de la prévention et du traitement de la tuberculose (3). Bien qu’il existe un besoin urgent de nouveaux outils et d’innovations, nous ne devons pas perdre de vue ce que nous savons efficace. Améliorer l’accès de tous les patients au diagnostic moléculaire et au traitement antituberculeux préventif pour les personnes qui présentent un risque plus élevé de contracter la maladie doit être une priorité.
Néanmoins, nous ne pouvons plus compter sur une approche unique pour mettre fin à la tuberculose, car les efforts déployés actuellement ne profitent pas à des millions de personnes atteintes de tuberculose chaque année.
La Commission étudiera comment les pays peuvent obtenir de meilleurs résultats et optimiser l’utilisation des ressources disponibles en les réajustant afin de faire en sorte que tous les soins antituberculeux soient centrés sur la personne, et en privilégiant les interventions qui améliorent l’efficacité de la prestation des services de lutte contre la tuberculose. Si nous n’agissons pas immédiatement, la tuberculose pharmacorésistante deviendra la première cause de décès dus à la résistance aux antimicrobiens d’ici à 2050, et elle sera responsable d’un quart des 10 millions de décès liés à la résistance antimicrobienne projetés chaque année (4).Par conséquent, cette commission soulignera que l’application à plus grande échelle de stratégies permettant de lutter contre la tuberculose pharmacorésistante en s’appuyant sur des bases factuelles sera hautement prioritaire pour pouvoir réellement parer à la menace que cette forme de la maladie représente pour la sécurité sanitaire mondiale.
Deuxièmement, la création d’un environnement favorable est essentielle pour mettre fin avec succès à la tuberculose. Dans la plupart des pays à forte charge de morbidité, les efforts fournis en matière de lutte contre la tuberculose sont entravés par les obstacles sociaux, financiers et cliniques qui limitent l’accès aux soins.
La tuberculose est une maladie de la pauvreté et elle fait souvent les plus grands ravages chez les populations les plus vulnérables comme les enfants, les sans‑abris, les prisonniers, les personnes vivant avec le VIH et d’autres groupes marginalisés. La lutte contre la tuberculose doit aller de pair avec un engagement en faveur de la protection contre les risques financiers, de l’accès à des services de santé essentiels de qualité et du recours à des diagnostics et à des médicaments essentiels, sûrs, efficaces et d’un coût abordable.
En outre, les porte-parole de l’action sanitaire ne peuvent pas créer un environnement favorable à la réduction de la charge de la tuberculose au sein des pays sans la participation de la société civile et des groupes de patients, sachant qu’il s’agit d’acteurs déterminants qui devraient être impliqués dans tous les aspects relatifs aux programmes de lutte contre la tuberculose. De plus, de nouveaux mécanismes de responsabilisation multisectoriels doivent être mis en place pour veiller à ce que des progrès soient accomplis aux niveaux mondial, national et local. La Commission offrira des solutions pour faire face aux obstacles sociaux, financiers et cliniques existants dans l’accès aux soins.
Troisièmement, l’investissement dans la recherche-développement doit être une priorité à l’échelle mondiale. À ce jour, les efforts entrepris pour lutter contre la tuberculose sur le plan mondial ont été entravés par le manque d’outils de diagnostic, de traitement et de prévention efficaces et acceptables. En outre, la fragilité des systèmes de santé constitue un frein à l’utilisation rationnelle et à la distribution des outils existants, en particulier dans les zones qui en ont le plus besoin.
Pour faire face à ces défis, il est urgent d’intensifier la recherche sur la tuberculose tout au long de la chaîne, en étendant les travaux du champ de la recherche fondamentale à la recherche opérationnelle et en s’attaquant aux redoutables questions liées à la tuberculose pharmacorésistante. La Commission exposera les priorités de la recherche aux niveaux mondial et national pour tenter de remédier aux lacunes en matière de connaissances et de mise en œuvre.
Enfin, les pays doivent consacrer des ressources importantes à la mise en œuvre de stratégies visant à mettre fin à la tuberculose. Les données sur le rapport coût/efficacité et les avantages à un renforcement des fonds consacrés à la lutte contre la tuberculose laissent penser que de tels investissements seront très rentables (5). Toutefois, le financement des programmes de lutte contre la tuberculose et des travaux de recherche à ce sujet n’a pas augmenté ces dernières années (6). La Commission, qui regroupe des commissaires de divers horizons, notamment de l’administration publique, de la société civile, des organisations non gouvernementales, des institutions des Nations Unies et des établissements universitaires (voir l’appendice) examinera et élargira les bases factuelles en vue de fournir des orientations actualisées à l’intention des ministères de la santé et des finances.
Il y a des raisons d’être optimiste. Grâce aux progrès de la science, à l’amélioration des systèmes de santé, à l’apport de financements renforcés et durables et au renouvellement de la volonté politique, il est possible de mettre fin à la tuberculose. La Commission Lancet, qui doit présenter son rapport plus tard en 2018, proposera des solutions concrètes en vue d’indiquer la manière dont les gouvernements et la communauté mondiale devraient agir pour mettre un terme à l’épidémie de tuberculose une fois pour toutes.
Références
1) OMS. Global tuberculosis report 2017. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2017.
(2) Frick M, Gaudino A, Harrington M, et al. Pipeline report: HIV, TB, and HCV; drugs, diagnostics, vaccines, preventive technologies, research toward a cure, and immune-based and gene therapies in development. New York: Treatment Action Group, 2017.
(3) OMS. DOTS. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 1999.
(4) O’Neill J. Review on antimicrobial resistance: tackling drug-resistant infections globally: final report and recommendations. London: Wellcome Trust and UK Government, 2016.
(5) The Economist. The economics of optimism. The Economist, 22 janvier 2015.
(6) Frick M. 2016 report on tuberculosis research funding trends, 2005–2015: no time to lose. New York: Treatment Action Group, 2016.