Vers un environnement plus sûr et plus sain

20 octobre 2017

La Commission sur la pollution et la santé de la revue The Lancet lancée par Philip Landrigan et ses collègues1 est un travail immensément important qui met en lumière l’impact de la pollution environnementale sur la mortalité et la morbidité, ainsi que la nécessité d’une volonté politique beaucoup plus affirmée pour s’attaquer efficacement à ce problème.

Depuis longtemps, l’OMS reconnaît l’importance de la préservation intégrale de l’environnement pour la santé et le développement humains. Nous savons grâce à la dernière évaluation de l’OMS sur la charge de morbidité environnementale qu’au moins 12,6 millions de personnes meurent chaque année en raison de facteurs environnementaux évitables 2.

Cela représente près d’un quart des décès dans le monde. Principalement du fait de l’influence de la pollution de l’air sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque environnementaux font exploser le coût des soins de santé, qui absorbent chaque année environ 10% du PIB mondial 3,4 De plus, comme le montre cette commission, ce sont les populations vulnérables des pays à revenu faible ou intermédiaire qui sont le plus touchées. C’est là une perte inacceptable de vies et de potentiel de développement humain.

Aujourd’hui plus que jamais, les données et le savoir accumulés nous permettent de comprendre comment et par quelles voies le changement climatique et environnemental affecte la santé.
- Dr Maria Neira, Directeur du Département Santé publique, déterminants sociaux et environnementaux de la santé de l’OMS

 Nous savons quelles politiques sectorielles et quelles mesures sont efficaces pour limiter les facteurs nocifs (p.ex. énergie, transport, logement et agriculture) et dans quels contextes (p.ex. ville, lieu de travail, domicile) ces mesures auront le plus d’impact.

Ainsi, des politiques énergétiques qui facilitent ou élargissent l’accès des foyers à des énergies propres pour la cuisine, le chauffage et l’éclairage dans les pays à revenu faible ou intermédiaire contribueraient à éviter les 3,5 millions de morts chaque année dues à la pollution intradomiciliaire 5. Nous savons également qu’une approche mieux intégrée de la planification et de la politique de développement s’accompagnerait de nombreux effets positifs pour la santé, l’environnement et l’économie. 

Ceci s’applique tout particulièrement aux villes, qui accueillent près de 4 milliards d’habitants – soit près de la moitié de la population mondiale 6. Les personnes qui vivent en milieu urbain sont exposées à une palette de menaces environnementales, notamment dues au manque de logements adaptés et de transports publics ainsi qu’à la mauvaise gestion de l’adduction d’eau ainsi que du traitement des eaux usées et des déchets. Près de 90% de la population urbaine dans le monde respire un air qui ne répond pas aux limites établies par les directives OMS 7.

Si les villes sont appelées à absorber l’essentiel de la croissance démographique future, l’expansion urbaine doit être programmée et conçue pour que celles-ci soient des pôles de santé et de bien-être. Certaines politiques sectorielles, telles que celles de l’énergie, de l’urbanisme, du transport et de l’infrastructure doivent être conçues et mises en œuvre avec des objectifs sanitaires et environnementaux nets et tangibles. 

Cependant, la gestion des menaces environnementales pesant sur la santé est aussi devenue plus difficile aujourd’hui que jamais. Comme la Commission du The Lancet le démontre de manière frappante, la nature, l’origine et la portée des facteurs de risques environnementaux sont en mutation. Pour certains pays les difficultés environnementales et sanitaires nouvelles se surajoutent à des difficultés non résolues; tel est le cas par exemple, lorsque les populations les plus pauvres n’ont pas accès à une eau potable, à une énergie domestique propre ou à des réseaux de traitement des eaux, tandis que d’autres populations sont de plus en plus exposées aux produits chimiques, aux radiations, à la pollution de l’air et à des risques professionnels nouveaux et plus complexes. Les conflits et les catastrophes naturelles ajoutent un degré supplémentaire de complexité à ces défis de gestion.

Pour le dire simplement: la gestion des menaces environnementales à la santé n’est plus adaptée au contexte actuel de développement. Il faut changer de méthode. De nouvelles stratégies de contrôle de la pollution sont certes nécessaires pour établir et réguler les plafonds d’émissions et pour encourager l’adoption des meilleures pratiques environnementales et des meilleures techniques disponibles, mais la pollution n’est pas le facteur principal dont découle la morbidité. Elle n’est que le symptôme et la conséquence fortuite d’un développement non durable et malsain.

Pour réduire de manière significative la charge de morbidité environnementale, nous devons agir plus en amont et nous attaquer aux véritables facteurs-clés ainsi qu’aux causes de la pollution, afin que les politiques et investissements de développement soient intrinsèquement plus sains et plus durables et afin que les arbitrages qui sont faits – dans le secteur public, le secteur privé et au niveau individuel – contribuent à un environnement plus sain et plus sûr. En d’autres termes, nous devons dépasser l’approche visant à « ne pas nuire » et faire en sorte que le développement améliore activement et explicitement les conditions environnementales et sociales qui engendrent les maladies et exposent les populations.


Références

(1) Landrigan PJ, Fuller R, Acosta NJR, et al. The Lancet Commission on pollution and health. Lancet 2017, published online Oct 19.

(2) Prüss-Ustün A, Wolf J, Corvalán C, Bos R, Neira M. Preventing disease through healthy environments: a global assessment of the burden of disease from environmental risks. Geneva: World Health Organization, 2016. (accessed Sept 18, 2017).

(3) WHO. World Health Organization Global Health Expenditure Database. (accessed Sept 18, 2017).

(4) The World Bank. World Bank Open Data. DataBank. Health expenditure, total (% of GDP). (accessed Sept 18, 2017).

(5) WHO. Burning opportunity: clean household energy for health, sustainable development, and wellbeing of women and children. Geneva: World Health Organization, 2016. (accessed Sept 18, 2017).

(6) The World Bank. Urban population World Bank staff estimates based on United Nations, world urbanization prospects. (accessed Sept 18, 2017).

(7) WHO. Ambient air pollution: a global assessment of exposure and burden of disease. Geneva: World Health Organization, 2016. (accessed Sept 18, 2017).

(8) UN. The New Urban Agenda adopted at Habitat III: the United Nations Conference on Housing and Sustainable Urban Development on 20 October 2016. 2016. (accessed Sept 18, 2017).

(9) WHO. Conséquences sanitaires des changements climatiques et environnementaux. 2017. (accessed Sept 18, 2017).


Ce commentaire a été originellement publiée dans la revue The Lancet.

 

Auteurs

Dre. Maria Neira

Directrice
Département Santé publique, déterminants sociaux et environnementaux de la santé
OMS

Michaela Pfeiffer

Responsable technique
Département Santé publique, déterminants sociaux et environnementaux de la santé
OMS

Dr. Diarmid Campbell-Lendrum

Chef d'unité, Changement climatique et santé
OMS

Dre. Annette Prüss-Ustün

Cheffe d'unité, Politiques et interventions pour la santé et l'environnement
Environnement, changements climatiques et santé
OMS

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