Principaux faits
- L’arsenic est naturellement présent à des concentrations élevées dans les eaux souterraines de nombreux pays.
- L’arsenic est très toxique sous sa forme inorganique.
- La plus grande menace que fait peser l’arsenic sur la santé publique est liée à la contamination de l’eau de boisson et des eaux utilisées pour la préparation des aliments et l’irrigation des cultures vivrières.
- L’exposition prolongée à l’arsenic dans l’eau de boisson et les aliments peut provoquer des cancers et des lésions cutanées. Un lien a également été établi avec les maladies cardiovasculaires et le diabète. L’exposition à l’arsenic in utero et au cours de la petite enfance a aussi été associée à des effets négatifs sur le développement cognitif et à une plus grande mortalité chez les jeunes adultes.
- Dans les communautés touchées, la mesure la plus importante consiste à prévenir l’exposition à l’arsenic en assurant un approvisionnement en eau salubre.
Vue d’ensemble
L’arsenic est un composant naturel de la croûte terrestre et est largement présent dans l’environnement, que ce soit dans l’air, dans l’eau ou dans la terre. Il est très toxique sous forme inorganique.
Les personnes sont exposées à des niveaux élevés d’arsenic inorganique lorsqu’elles boivent de l’eau contaminée, lorsqu’une eau contaminée est utilisée dans la préparation des aliments et l’irrigation des cultures, lorsque l’arsenic est employé dans les procédés industriels, ou lorsqu’elles mangent des aliments contaminés ou fument du tabac.
L’exposition prolongée à l’arsenic inorganique, principalement dans l’eau de boisson et les aliments, peut entraîner une intoxication chronique. Les lésions et les cancers de la peau en sont les effets les plus caractéristiques.
Sources d’exposition
Eau de boisson et alimentation
La plus grande menace que présente l’arsenic pour la santé publique vient de la contamination des eaux souterraines. L’arsenic inorganique est naturellement présent à des concentrations élevées dans les eaux souterraines d’un certain nombre de pays, dont l’Argentine, le Bangladesh, le Cambodge, le Chili, la Chine, les États-Unis d’Amérique, l’Inde, le Mexique, le Pakistan et le Viet Nam. Les sources d’exposition sont l’eau de boisson, les cultures irriguées par de l’eau contaminée et les aliments préparés avec de l’eau contaminée.
Dans l’alimentation, l’arsenic peut provenir des poissons, crustacés et coquillages, de la viande, de la volaille, des produits laitiers et des céréales, bien que l’exposition associée à ces aliments soit généralement plus faible que celle résultant des eaux souterraines contaminées. Dans les produits de la mer, l’arsenic se trouve principalement sous forme organique, moins toxique.
Procédés industriels
Dans l’industrie, l’arsenic est utilisé en tant qu’agent d’alliage, ainsi que dans le traitement du verre, des pigments, des textiles, du papier, des adhésifs métalliques, des agents de conservation du bois et des munitions. On s’en sert également pour le tannage et, dans une moindre mesure, dans les pesticides, les additifs pour l’alimentation animale et les produits pharmaceutiques.
Tabac
Les personnes qui fument sont également susceptibles d’être exposées à l’arsenic inorganique naturel contenu dans le tabac, car les plants de tabac peuvent absorber l’arsenic naturellement présent dans le sol. Le risque de forte exposition à l’arsenic était beaucoup plus élevé dans le passé lorsque les plants étaient traités par des insecticides à base d’arséniate de plomb.
Effets sur la santé
L’arsenic inorganique est un cancérogène avéré et est le plus important contaminant chimique de l’eau de boisson à l’échelle mondiale. L’arsenic peut également se présenter sous forme organique. Les composés inorganiques de l’arsenic (comme ceux qui sont présents dans l’eau) sont très toxiques, tandis que les composés organiques (comme ceux que l’on trouve dans les produits de la mer) sont moins nocifs pour la santé.
Effets aigus
Les symptômes immédiats d’une intoxication aiguë à l’arsenic se manifestent par des vomissements, des douleurs abdominales et une diarrhée. Par la suite surviennent des engourdissements et des picotements dans les extrémités, des crampes musculaires et, dans les cas extrêmes, le décès.
Effets à long terme
Les premiers symptômes d’une exposition prolongée à des concentrations élevées d’arsenic inorganique (par exemple dans l’eau de boisson et les aliments) s’observent en général sur la peau, avec des modifications de la pigmentation, des lésions cutanées et des plaques rugueuses sur la paume des mains et la plante des pieds (hyperkératose). Ces symptômes apparaissent après une durée d’exposition minimale de cinq ans et peuvent être annonciateurs d’un cancer de la peau.
Outre le cancer de la peau, l’exposition prolongée peut également provoquer des cancers de la vessie et des poumons. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé l’arsenic et ses composés parmi les produits cancérogènes pour l’être humain et a également déclaré que l’arsenic dans l’eau de boisson est cancérogène pour l’être humain.
L’ingestion prolongée d’arsenic inorganique pourrait également être associée à d’autres problèmes de santé tels que : effets sur le développement, diabète, maladies pulmonaires et maladies cardiovasculaires. En particulier, l’infarctus du myocarde induit par l’arsenic peut être une cause importante de surmortalité.
L’arsenic est également associé à des issues défavorables de la grossesse et à la mortalité du nourrisson, avec des répercussions sur la santé de l’enfant (1). Un lien a en outre été établi entre l’exposition in utero et au cours de la petite enfance et une augmentation de la mortalité chez les jeunes adultes due à différents cancers, à des pneumopathies, à des infarctus et à des insuffisances rénales (2). De nombreuses études ont démontré que l’exposition à l’arsenic avait des effets néfastes sur le développement cognitif, l’intelligence et la mémoire (3).
Ampleur du problème
La contamination des eaux souterraines par l’arsenic est un problème courant et, dans plusieurs régions, il existe une contamination importante de l’eau de boisson. On estime que 140 millions de personnes dans au moins 70 pays boivent de l’eau dont la teneur en arsenic est supérieure au seuil provisoire de 10 μg/l recommandé dans les lignes directrices de l’OMS (4, 5). Ces estimations concordent avec les résultats d’une modélisation statistique récente, qui indique qu’entre 94 et 220 millions de personnes risquent d’être exposées à des concentrations élevées d’arsenic contenu dans les eaux souterraines (6).
Les signes et les symptômes provoqués par une exposition prolongée à des concentrations élevées d’arsenic inorganique varient selon les individus, les groupes de population et les zones géographiques. Il n’existe donc pas de définition universelle de la maladie causée par l’arsenic, ce qui complique l’évaluation de la charge que fait peser l’arsenic sur la santé.
De même, il n’existe pas de méthode permettant de faire la distinction entre les cas de cancer dus à l’arsenic et ceux induits par d’autres facteurs. Par conséquent, on ne dispose pas d’estimations fiables de l’ampleur du problème dans le monde.
En 2010, le Comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) a réévalué les effets de l’arsenic sur la santé humaine, en tenant compte de nouvelles données. Il a conclu que, dans certaines régions du monde où les concentrations d’arsenic inorganique dans l’eau de boisson dépassent les 50-100 μg/l, certaines données démontrent la présence d’effets nocifs. Dans d’autres régions où les concentrations d’arsenic dans l’eau sont moins excessives mais restent élevées (10-50 μg/l), le JECFA a conclu que des effets nocifs sont possibles, mais avec une incidence suffisamment faible pour rendre leur détection difficile dans les études épidémiologiques.
Prévention et lutte
Dans les communautés touchées, la mesure la plus importante est de prévenir toute exposition supplémentaire à l’arsenic en assurant un approvisionnement en eau salubre pour la boisson, la préparation des aliments et l’irrigation des cultures vivrières. Il existe un certain nombre d’options pour réduire la teneur en arsenic de l’eau de boisson.
- Remplacer les sources riches en arsenic, comme les eaux souterraines, par des sources pauvres en arsenic et sûres sur le plan microbiologique, comme l’eau de pluie et les eaux de surface traitées. Les eaux pauvres en arsenic peuvent être utilisées pour la boisson, la préparation des repas et l’irrigation, tandis que les eaux plus riches en arsenic peuvent servir à d’autres usages, comme la toilette ou le lavage des vêtements.
- Établir une distinction claire entre les sources riches et pauvres en arsenic. Par exemple, mesurer la concentration d’arsenic dans l’eau et peindre les puits tubulaires ou les pompes manuelles avec des couleurs différentes. Cela peut être un moyen efficace et peu coûteux de réduire rapidement l’exposition à l’arsenic lorsqu’il s’accompagne de campagnes d’information efficaces.
- Diluer les eaux riches avec des eaux pauvres en arsenic pour parvenir à une concentration acceptable.
- Installer des systèmes d’élimination de l’arsenic, soit centralisés soit à usage domestique, et veiller à l’élimination convenable de l’arsenic qui a été retiré. L’arsenic peut être éliminé par des techniques d’oxydation, de coagulation-précipitation, d’absorption, d’échange d’ions et des procédés membranaires. Il existe un nombre croissant de solutions efficaces et peu coûteuses pour éliminer l’arsenic dans une alimentation en eau à usage ménager, bien qu’on manque de données factuelles pour déterminer dans quelle mesure ces systèmes sont utilisés efficacement sur des périodes prolongées.
Des mesures à long terme sont également nécessaires pour réduire l’exposition professionnelle inhérente aux procédés industriels.
L’éducation et la participation des communautés sont des facteurs déterminants pour garantir le succès des interventions. Il faut que les membres des communautés comprennent les risques associés à l’exposition à de fortes concentrations d’arsenic et connaissent les sources de cette exposition, y compris l’absorption dans les cultures (par exemple le riz) à partir des eaux d’irrigation et l’absorption dans les aliments à partir de l’eau de cuisson.
Les populations à haut risque doivent également être surveillées pour détecter les signes précoces d’intoxication par l’arsenic, se manifestant généralement par des problèmes cutanés.
Action de l’OMS
L’arsenic est l’une des 10 substances chimiques qui, selon l’OMS, constituent une préoccupation majeure pour la santé publique. Les actions entreprises par l’OMS pour réduire l’exposition à l’arsenic consistent notamment à fixer des valeurs recommandées, à examiner les données probantes et à formuler des recommandations en matière de gestion des risques. L’OMS publie une valeur recommandée pour l’arsenic dans ses Directives de qualité pour l’eau de boisson (en anglais) lesquelles sont destinées à servir de base à la réglementation et à l’établissement de normes dans le monde entier.
La limite actuellement recommandée pour l’arsenic dans l’eau de boisson est de 10 μg/l, bien que cette valeur ait été désignée comme provisoire en raison des difficultés pratiques que pose l’élimination de l’arsenic de l’eau de boisson. Tout doit donc être fait pour maintenir les concentrations au niveau le plus faible possible et en dessous de la valeur recommandée lorsque les ressources le permettent.
Toutefois, des millions de personnes dans le monde sont exposées à l’arsenic à des concentrations beaucoup plus élevées que la valeur recommandée (100 μg/l ou plus), et la réduction de l’exposition de ces personnes doit donc être une priorité de santé publique. Lorsqu’il est difficile d’atteindre la valeur recommandée, les États Membres peuvent fixer des limites plus élevées ou des valeurs provisoires dans le cadre d’une stratégie globale de réduction progressive des risques, tout en tenant compte des circonstances locales, des ressources disponibles et des risques provenant de sources pauvres en arsenic mais soumises à une contamination microbiologique.
Le Programme commun OMS/UNICEF de suivi de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène suit les progrès accomplis vers la réalisation des cibles mondiales relatives à l’eau potable. Dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’indicateur portant sur les « services d’alimentation en eau potable gérés en toute sécurité » demande de suivre l’accès de la population à une eau potable non contaminée par des matières fécales et par certains contaminants chimiques prioritaires, dont l’arsenic.
(1) Association of arsenic with adverse pregnancy outcomes/infant mortality: a systematic review and meta-analysis. Quansah R, Armah FA, Essumang DK, Luginaah I, Clarke E, Marfoh K, et al. Environ Health Perspect. 2015;123(5):412-21.
(2) In utero and early life arsenic exposure in relation to long-term health and disease. Toxicol Appl Pharmacol. Farzan SF, Karagas MR, Chen Y. 2013;272(2):384-90.
(3) The developmental neurotoxicity of arsenic: cognitive and behavioral consequences of early life exposure. Tolins M, Ruchirawat M, Landrigan P. Ann Glob Health. 2014;80(4):303-14.
(4) Arsenic Pollution: A Global Synthesis. Ravenscroft P, Brammer H, Richards K. Wiley-Blackwell; 2009.
(5) Arsenic primer: Guidance on the investigation and mitigation of arsenic contamination. New York: United Nations Children’s Fund and the World Health Organization; 2018.
(6) Global threat of arsenic in groundwater. Podgorski J, Berg M. Science. 2020;368(6493):845-850.