Principaux faits
- D’après les estimations, plus de 7 millions de personnes dans le monde sont infectées par Trypanosoma cruzi (T. cruzi), le parasite responsable de la maladie de Chagas. La plupart de ces personnes vivent en Amérique latine.
- La maladie peut se transmettre par un insecte appelé triatome (transmission vectorielle), ainsi que par voie orale (transmission alimentaire), pendant la grossesse ou l’accouchement (transmission congénitale), par le sang/les produits sanguins, au cours de la transplantation d’organes et lors d’accidents de laboratoire.
- La maladie de Chagas est curable si un traitement antiparasitaire est instauré rapidement, durant la phase aiguë. Chez les personnes infectées de façon chronique, le traitement et le suivi peuvent éventuellement prévenir ou enrayer la progression de la maladie et éviter sa transmission, notamment pendant la grossesse et l’accouchement.
- En l’absence de diagnostic et de traitement précoces, jusqu’à un tiers des personnes infectées de façon chronique présentent des troubles cardiaques et une personne sur dix souffre de troubles digestifs et/ou neurologiques, ce qui peut imposer un traitement spécifique.
- Les principales stratégies de prévention de la maladie de Chagas sont notamment la lutte antivectorielle (en Amérique latine) ; le dépistage de la maladie dans le sang avant la transfusion et la transplantation ; le dépistage et le traitement de la maladie chez les filles, les femmes en âge de procréer et les nouveau-nés et autres enfants de mères infectées ; un diagnostic, un suivi et des soins complets le plus rapidement possible ; et l’information, la sensibilisation et la communication à l’intention des communautés et des professionnels de santé.
Vue d’ensemble
La maladie de Chagas est causée par l’infection d’un parasite protozoaire (Trypanosoma cruzi). Elle constitue un problème de santé complexe, caractéristique des maladies tropicales négligées et des maladies socialement déterminées. À cause d’un mauvais diagnostic ou d’un diagnostic tardif, et en l’absence d’un traitement et d’un suivi complets, l’infection peut rapidement se transformer en maladie potentiellement mortelle.
D’après les estimations, plus de 7 millions de personnes dans le monde sont infectées par T. cruzi, et on dénombre plus de 10 000 décès chaque année. Bien qu’elle soit de plus en plus répandue partout dans le monde, la maladie de Chagas se rencontre principalement dans les zones endémiques de 21 pays continentaux d’Amérique latine (1), où la transmission est largement liée à la présence de l’insecte vecteur. Aujourd’hui, on estime que plus de 100 millions de personnes sont exposées à un risque d’infection.
La maladie de Chagas doit son nom à Carlos Chagas, médecin et chercheur brésilien qui, le 14 avril 1909, a diagnostiqué pour la première fois la maladie chez l’humain. Le 14 avril est désormais la Journée mondiale de la maladie de Chagas.
Distribution
La maladie de Chagas ne touchait autrefois que des zones rurales continentales des Amériques, mais, en raison de changements socio-environnementaux et d’une mobilité accrue de la population, la plupart des personnes infectées vivent aujourd’hui en milieu urbain et l’infection a été détectée dans 44 pays (dont le Canada, les États-Unis d’Amérique, de nombreux pays d’Europe et certains pays du Pacifique occidental, d’Afrique et de la Méditerranée orientale).
Transmission
En Amérique latine, T. cruzi se transmet principalement lors de contacts avec des selles ou de l’urine de triatomes hématophages infectés. Ces insectes vivent habituellement dans les fissures des murs ou des toitures d’habitations ou de structures avoisinantes, comme des poulaillers, des enclos et des entrepôts, en milieu rural ou suburbain. Généralement, ils se cachent pendant la journée et sortent la nuit pour se nourrir de sang animal et humain. Ils piquent souvent une zone cutanée exposée comme le visage et défèquent ou urinent à proximité de la piqûre. Si, instinctivement, la personne piquée se frotte, les selles ou l’urine pénètrent dans l’organisme en passant par la lésion cutanée créée par la piqûre, une autre lésion cutanée, les yeux ou la bouche. T. cruzi peut également infecter les animaux ; les opossums communs sont considérés comme l’un des plus importants réservoirs sauvages d’infection.
T. cruzi peut aussi se transmettre :
- par la consommation d’aliments ou de boissons contaminés par T. cruzi, par exemple du fait de contacts avec des selles ou de l’urine de triatomes ou d’opossums communs infectés. Ce type de transmission tend à provoquer des flambées épidémiques ;
- pendant la grossesse ou l’accouchement ;
- par la transfusion de sang ou de produits sanguins ;
- par la transplantation de certains organes (comme le cœur ou les reins) ; et
- lors d’accidents de laboratoire.
Signes et symptômes
La maladie de Chagas comporte deux phases. La première phase, aiguë, dure environ deux mois à compter de l’infection. Bien que de très nombreux parasites puissent circuler dans le sang, la personne infectée, dans la plupart des cas, est asymptomatique ou présente seulement des symptômes bénins et aspécifiques (fièvre, céphalées, adénopathies, pâleur, myalgies, difficultés respiratoires, œdèmes et douleurs abdominales ou thoraciques). Il arrive plus rarement que les personnes piquées par un triatome présentent les premiers signes caractéristiques visibles de la maladie, à savoir une lésion cutanée (chagome) ou un œdème violacé au niveau d’une paupière (signe de Romaña).
Pendant la phase chronique de la maladie, les parasites sont présents principalement dans le myocarde et les muscles du système digestif. Dix à trente ans après l’infection, jusqu’à un tiers des patients présentent des troubles cardiaques et une personne sur dix souffre de troubles digestifs (généralement un mégaœsophage ou mégacôlon) et/ou neurologiques. Plus tard, l’infection peut provoquer chez ces patients des lésions du système nerveux et des muscles du cœur et de l’appareil digestif, entraînant des arythmies, une insuffisance cardiaque progressive et la mort subite, entre autres manifestations et complications cliniques.
Traitement
La maladie de Chagas peut être traitée avec du benznidazole ou du nifurtimox. Ces deux médicaments tuent le parasite et, s’ils sont administrés rapidement durant la phase aiguë, sont totalement efficaces dans le traitement de la maladie, y compris en cas de transmission congénitale. Toutefois, plus l’infection est ancienne, plus leur efficacité diminue. Des effets indésirables plus fréquents et potentiellement graves peuvent survenir chez les personnes âgées. Le traitement est aussi indiqué pour les personnes chez qui l’infection a été réactivée (par exemple en raison d’une immunodépression) et pour les personnes qui entament la phase chronique de la maladie, et il peut notamment être prescrit aux femmes et aux filles en âge de procréer (avant ou après la grossesse) afin de prévenir toute transmission congénitale.
Il convient de proposer un traitement aux adultes infectés, en particulier à ceux qui ne présentent pas de symptômes, car un traitement antiparasitaire peut prévenir ou enrayer la progression de la maladie. Dans d’autres cas, il convient de peser, d’une part, les avantages que peut offrir un traitement dans la prévention ou le retardement du développement de la maladie de Chagas et, d’autre part, la durée du traitement (jusqu’à deux mois) ainsi que les effets indésirables possibles (observés chez un pourcentage de patients adultes s’élevant jusqu’à 40 %). Le benznidazole et le nifurtimox ne doivent pas être administrés aux femmes enceintes ni aux personnes souffrant d’insuffisance rénale ou hépatique. Le nifurtimox est également contre-indiqué chez les personnes qui présentent des antécédents en matière de troubles neurologiques ou psychiatriques. Enfin, un suivi et un traitement particulier à vie sont généralement nécessaires en cas d’apparition de troubles cardiaques, digestifs ou neurologiques.
Prévention et lutte
En raison du grand nombre d’espèces de triatomes et d’animaux sauvages (réservoirs) infectés par T. cruzi dans les Amériques, l’infection ne peut pas être éradiquée. Les priorités en matière de santé publique consistent plutôt à éliminer la transmission à l’humain, à permettre l’accès rapide aux soins et à assurer le suivi à vie des personnes infectées.
Il n’existe pas de vaccin permettant de prévenir la maladie de Chagas. La lutte antivectorielle, qui réduit les interactions entre les humains et les insectes vecteurs, est la méthode la plus efficace pour prévenir la maladie de Chagas en Amérique latine. Dans le monde entier, le dépistage sanguin est nécessaire pour prévenir l’infection par transfusion, transplantation d’organes et transmission congénitale, ainsi que pour accroître la détection de la maladie et l’accès aux soins chez les personnes touchées.
En fonction de la zone géographique, l’OMS recommande les stratégies de prévention et de lutte suivantes :
- la mise au point de supports et d’activités d’information, de sensibilisation et de communication adaptés à divers acteurs et différents scénarios, reposant sur l’approche « Une seule santé » ;
- l’accès rapide au diagnostic, au traitement et au suivi ;
- le dépistage de la maladie chez les nouveau-nés et autres enfants de mères infectées ;
- le dépistage de la maladie chez les donneurs de sang ;
- le dépistage de la maladie chez les donneurs et receveurs d’organes, de tissus et de cellules ;
- la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent dans les habitations et leurs environs ;
- l’amélioration des logements et le maintien de la propreté, afin de prévenir les infestations par les vecteurs ; et
- des mesures de prévention individuelle, comme l’utilisation de moustiquaires de lit et l’application de bonnes pratiques d’hygiène lors de la préparation, du transport, du stockage et de la consommation d’aliments.
Le coût des soins médicaux prodigués aux patients atteints de troubles cardiaques, digestifs et/ou neurologiques dus à la maladie est supérieur de plus de 80 % au coût de la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent visant à lutter contre les vecteurs et à prévenir les infections.
Tous les professionnels et professionnelles de santé, depuis le premier niveau de soins (soins de santé primaires), ayant reçu une formation de base et continue ont un rôle clé à jouer dans le renforcement de la détection, du traitement, du suivi et du signalement des cas.
Pour mieux détecter les cas, il est primordial d’évaluer les diagnostics disponibles (y compris les tests sérologiques ou par chimiluminescence rapides et les tests de biologie moléculaire) et les algorithmes les plus rentables.
L’innovation, la recherche-développement et l’évaluation de nouveaux produits de diagnostic et médicaments peuvent accélérer le processus d’élimination de la maladie en tant que problème de santé publique.
Si l’on veut trouver de nouvelles approches pour prévenir et combattre la maladie de Chagas, il est essentiel de promouvoir des études biomédicales, psychosociales et environnementales qui soient axées sur les déterminants et les facteurs de risque.
Il est essentiel que les pays aient un système d’information national permettant de surveiller le nombre de cas aigus et chroniques et les voies de transmission actives. Mais il n’en existe que dans 6 des 44 pays qui ont signalé des cas jusqu’à présent.
Action de l’OMS
Depuis les années 1990, des initiatives intergouvernementales sont menées avec succès dans les Amériques, ce qui a permis de réduire considérablement la transmission et d’élargir l’accès au diagnostic et au traitement antiparasitaire de la maladie de Chagas. Le risque de transmission de T. cruzi par transfusion a fortement diminué grâce au dépistage universel qui a été assuré dans toutes les banques de sang d’Amérique latine continentale et qui est mis en place progressivement dans d’autres pays et continents.
En 2005, l’OMS a classé la maladie de Chagas parmi les maladies tropicales négligées. Ce statut a permis de mieux faire reconnaître la maladie comme problème de santé publique mondial et a contribué à renforcer la prévention, le diagnostic rapide, le traitement antiparasitaire, les soins complets, le suivi psychosocial, ainsi que les activités d’information, de sensibilisation et de communication. Il a aussi favorisé la lutte contre la mésinformation tout en renforçant les attentes de la société et en stimulant un engagement politique jusqu’alors faible pour faire face à la charge de morbidité de la maladie. En mai 2019, la Soixante-Douzième Assemblée mondiale de la Santé a institué la Journée mondiale de la maladie de Chagas, qui est célébrée le 14 avril.
La feuille de route pour les MTN 2021-2030 énumère la maladie de Chagas parmi les maladies à éliminer en tant que problème de santé publique, avec cinq cibles proposées :
- vérification de l’interruption de la transmission vectorielle à domicile ;
- vérification de l’interruption de la transmission par transfusion ;
- vérification de l’interruption de la transmission par transplantation d’organes ;
- vérification de l’interruption de la transmission congénitale ;
- couverture à 75 % de la population éligible par un traitement antiparasitaire.
Pour parvenir à éliminer la transmission de la maladie de Chagas à l’humain et dispenser les soins de santé nécessaires aux personnes touchées par la maladie partout dans le monde, l’OMS entend renforcer les réseaux au niveau mondial et consolider les capacités régionales et nationales.
- Argentine, Belize, Bolivie (État plurinational de), Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, El Salvador, Équateur, Guatemala, Guyana, Guyane française, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Suriname, Uruguay et Venezuela (République bolivarienne du).