Principaux faits
- La résistance acquise au dolutégravir (DTG) – le médicament antirétroviral privilégié – peut être plus importante que prévu, en particulier chez les personnes ayant reçu de nombreux traitements préalables.
- Malgré l’apparition d’une résistance, le DTG est un médicament très efficace dans le traitement du VIH, et plus de 90 % des patients qui observent le traitement prescrit parviennent à supprimer leur charge virale de manière durable.
- La résistance au DTG exacerbe la nécessité de réaliser, de toute urgence, des enquêtes standardisées pour caractériser la prévalence et les schémas des mutations de résistance au DTG ainsi que les déterminants cliniques connexes.
- À mesure que se développe le recours au traitement antirétroviral à base de DTG, il faut continuer de faire preuve de vigilance dans la prévention et la surveillance de la pharmacorésistance du VIH chez les nourrissons venant d’être diagnostiqués séropositifs.
- La prévalence de la résistance associée à la prophylaxie préexposition (définie comme la résistance au ténofovir et/ou à la lamivudine) est faible chez les personnes qui contractent l’infection à VIH pendant qu’elles reçoivent une prophylaxie préexposition à base de ténofovir, mais elle est plus de 10 fois plus élevée si la prophylaxie débute pendant une infection à VIH aiguë non diagnostiquée.
- Pour mettre fin à la pharmacorésistance du VIH, il faut : assurer la disponibilité de médicaments antirétroviraux optimaux ; garantir la continuité des soins et l’observance du traitement ; élargir l’accès aux tests de mesure de la charge virale et en accroître l’utilisation ; et changer rapidement de protocole en cas d’échec thérapeutique confirmé.
Vue d’ensemble
Au cours de la dernière décennie, on a assisté dans le monde à une progression sans précédent de l’utilisation du traitement antirétroviral, qui a sauvé la vie de dizaines de millions de personnes vivant avec le VIH. Fin décembre 2022, 29,8 millions de personnes en bénéficiaient, contre 7,7 millions en 2010.
L’utilisation accrue des médicaments contre le VIH s’est accompagnée de l’apparition de la pharmacorésistance du VIH, dont les niveaux ont constamment augmenté ces dernières années.
La pharmacorésistance du VIH est causée par des modifications de la structure génétique du VIH qui ont une incidence sur la capacité des médicaments de bloquer la réplication du virus. Tous les médicaments antirétroviraux, y compris ceux appartenant aux classes de médicaments plus récentes, risquent de devenir en partie ou totalement inactifs à cause de l’apparition d’un virus pharmacorésistant. Si on ne l’empêche pas, la pharmacorésistance du VIH peut compromettre l’efficacité des médicaments utilisés pour traiter le VIH (1), entraînant une augmentation du nombre d’infections à VIH ainsi que de la morbidité et de la mortalité associées au VIH (2).
Ampleur du problème
Grâce à la surveillance de la pharmacorésistance du VIH, les pays disposent de données qui peuvent être utilisées pour optimiser les résultats des traitements au niveau des patients et de la population. L’OMS recommande que les pays réalisent systématiquement des enquêtes sur la pharmacorésistance du VIH au sein de différents groupes, y compris les adultes, les enfants et les adolescents, et les personnes recevant une prophylaxie préexposition qui ont été diagnostiquées séropositives.
Le bref rapport 2024 de l’OMS sur la pharmacorésistance du VIH résume les données récentes, en mettant l’accent sur la pharmacorésistance du VIH à l’ère des inhibiteurs de transfert de brin de l’intégrase pour la prévention et le traitement du VIH.
Pharmacorésistance du VIH acquise
La suppression de la charge virale – qui est l’objectif du traitement contre le VIH – contribue sensiblement à prévenir l’apparition de la pharmacorésistance du VIH. Quand on parvient à supprimer la charge virale de manière durable, le risque d’apparition de la pharmacorésistance du VIH est moindre.
Comme l’indique le bref rapport 2024 de l’OMS sur la pharmacorésistance du VIH, les données mondiales sur l’apparition de la pharmacorésistance du VIH au dolutégravir (DTG) restent limitées mais, dans les études de cohortes publiées, une résistance au DTG a été observée chez un pourcentage pouvant aller jusqu’à 4,8 % des participants pour lesquels la charge virale n’a pas été supprimée. Des études récemment réalisées, avec l’appui du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida, dans quatre pays à revenu faible ou intermédiaire donnent des estimations de la prévalence de la résistance au DTG chez les personnes qui reçoivent un traitement antirétroviral à base de DTG : la virémie détectable va de 3,9 % chez les personnes pour qui la charge virale n’a pas été supprimée et qui sont sous traitement antirétroviral depuis au moins 9 mois à 19,6 % chez les personnes ayant reçu de nombreux traitements préalables. Il faudrait disposer de davantage de données issues d’enquêtes standardisées sur la pharmacorésistance du VIH acquise et d’études de cohortes d’observation longitudinale, en provenance de toutes les régions, pour mieux comprendre les facteurs de risque et les schémas d’apparition de la pharmacorésistance chez les personnes exposées à des protocoles de traitement antirétroviral au DTG.
L’OMS recommande que les pays mettent en œuvre une surveillance systématique de la pharmacorésistance acquise du VIH chez les adultes, les enfants et les adolescents sous traitement antirétroviral en appliquant une méthode de laboratoire fondée sur la charge virale, une méthode clinique fondée sur le traitement antirétroviral ou une méthode fondée sur les enquêtes par sites sentinelles. Le choix de la méthode utilisée dépend de la couverture des tests de mesure de la charge virale à l’échelon national, de la disponibilité d’informations démographiques dépersonnalisées et du financement.
Pharmacorésistance prétraitement du VIH
Chez certaines personnes, on peut constater une pharmacorésistance avant le début du traitement. Cette résistance peut être transmise au moment de l’infection ou acquise au cours de traitements précédents.
L’OMS recommande de surveiller la pharmacorésistance du VIH chez les adultes qui commencent ou reprennent un traitement antirétroviral et chez les nourrissons n’ayant jamais reçu de traitement qui commencent un traitement antirétroviral, afin de sélectionner au mieux les schémas thérapeutiques de première intention.
Onze pays ont communiqué à l’OMS des données sur la prévalence de la pharmacorésistance prétraitement du VIH au DTG chez les adultes qui commencent un traitement antirétroviral. Un seul pays a détecté le DTG, à un très faible taux de 0,2 %, ce qui a été attribué à une mutation rare non polymorphe de l’intégrase. Cependant, les enquêtes ayant été réalisées avant l’introduction du DTG ou aux premiers stades de la transition dans les pays concernés, elles ne peuvent apporter la preuve d’une absence de résistance au DTG chez les personnes qui commencent ou reprennent un traitement antirétroviral alors que les soins par traitement antirétroviral au DTG se poursuivent et se développent.
Les niveaux de résistance prétraitement à la rilpivirine (RPV) chez les personnes qui commencent un traitement antirétroviral sans exposition préalable aux antirétroviraux allaient, en 2016, de 0,0 % (IC à 95 % : 0,0-9,4 %) au Tadjikistan à 16,6 % (IC à 95 % : 11,2-24,0 %) en Eswatini. Ces données indiquent que, si la RPV était utilisée en association avec le cabotégravir comme traitement antirétroviral à longue durée d’action, des tests de pharmacorésistance prétraitement du VIH seraient nécessaires dans certains contextes pour déterminer l’absence de pharmacorésistance à la RPV, car les mutations de la pharmacorésistance prétraitement à la RPV sont un facteur de risque d’échec de la suppression de la charge virale chez les personnes traitées par le cabotégravir à longue durée d’action en association avec la RPV.
À ce jour, un seul pays a communiqué les données d’une enquête sur la pharmacorésistance du VIH chez les nourrissons après la mise en place de schémas thérapeutiques à base de DTG. Un cas de résistance au DTG a été identifié chez un nourrisson, dont la mère avait reçu un traitement antirétroviral à base de DTG.
La surveillance de la pharmacorésistance du VIH chez les nourrissons n’ayant jamais reçu de traitement et venant d’être diagnostiqués séropositifs reste hautement pertinente à l’ère du traitement antirétroviral au DTG, et une mise en œuvre accélérée des enquêtes s’impose. En outre, il est essentiel d’assurer la prise en charge efficace des charges virales élevées chez les femmes enceintes et allaitantes pour prévenir la transmission du VIH aux nourrissons.
Prophylaxie préexposition visant à prévenir l’infection à VIH
De nombreuses personnes vivant dans des situations jugées à haut risque d’exposition au VIH prennent des médicaments tous les jours pour réduire la probabilité de contracter l’infection. L’OMS recommande qu’une prophylaxie préexposition soit proposée comme choix supplémentaire pour prévenir l’infection à VIH.
L’infection à VIH est peu fréquente chez les personnes qui reçoivent une prophylaxie préexposition. Toutefois, chez les personnes qui contractent l’infection à VIH malgré le recours à une prophylaxie préexposition, il est fréquent de voir apparaître une pharmacorésistance. La pharmacorésistance risque de réduire les options thérapeutiques contre le VIH en raison du chevauchement des profils de résistance aux médicaments antirétroviraux utilisés pour la prophylaxie préexposition et pour le traitement.
Il ressort d’une revue de la littérature publiée dans le rapport 2024 de l’OMS sur la pharmacorésistance du VIH que, sur 310 séroconversions signalées survenues au cours d’une prophylaxie préexposition orale à base de ténofovir entre 2020 et 2023 en milieu clinique, 20 % présentaient une résistance au ténofovir ou à la lamivudine, et que la prévalence de la pharmacorésistance était plus de 10 fois plus élevée si la prophylaxie préexposition avait commencé pendant une infection non diagnostiquée.
Bien que le risque de contracter l’infection à VIH soit considérablement réduit chez les personnes recevant une prophylaxie préexposition au cabotégravir à longue durée d’action, 10 cas de résistance aux inhibiteurs de l’intégrase ont été signalés à ce jour chez des personnes ayant reçu une telle prophylaxie, et ces 10 cas présentaient des mutations conférant une résistance croisée au dolutégravir.
Pour contrôler l’efficacité des médicaments contre le VIH utilisés aux fins du traitement et de la prévention, l’OMS recommande que les pays réalisent des enquêtes représentatives au niveau national afin de suivre les niveaux de pharmacorésistance du VIH chez les personnes commençant un traitement, chez les personnes recevant un traitement et chez les personnes ayant recours à une prophylaxie préexposition qui ont contracté l’infection à VIH.
Action de l’OMS
Réduire autant que possible l’apparition et la propagation de la pharmacorésistance du VIH est un aspect essentiel de la riposte élargie menée à l’échelle mondiale contre la résistance aux antimicrobiens et nécessite une action coordonnée entre tous les secteurs gouvernementaux et tous les niveaux de la société.
Le Plan d’action mondial contre la résistance du VIH aux médicaments (2017-2021), aligné sur le Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens et sur la stratégie de lutte contre la pharmacorésistance du VIH, mise à jour en 2021, décrit les mesures essentielles à prendre par les parties prenantes nationales et mondiales pour prévenir, suivre et combattre la pharmacorésistance du VIH, ainsi que pour pérenniser les progrès accomplis en vue d’atteindre les objectifs mondiaux en matière de lutte contre l’épidémie d’infection à VIH d’ici à 2030. Ces mesures essentielles sont les suivantes :
- prévention et lutte : mettre en œuvre des interventions ayant d’importantes retombées afin de prévenir et de combattre la pharmacorésistance du VIH, y compris en privilégiant les protocoles antirétroviraux à base de dolutégravir, le suivi de la fourniture des services de prise en charge de l’infection à VIH, et les stratégies visant à garantir un approvisionnement ininterrompu en médicaments ;
- suivi et surveillance : obtenir des données de qualité sur la pharmacorésistance du VIH et la fourniture des services concernant le VIH à partir d’enquêtes périodiques, tout en développant les tests systématiques de mesure de la charge virale et de la pharmacorésistance du VIH ;
- recherche et innovation : encourager les travaux de recherche utilisables et novateurs qui auront les plus grandes retombées sur la santé publique en réduisant autant que possible la pharmacorésistance du VIH ;
- capacités de laboratoire : soutenir et développer le recours aux tests de mesure de la charge virale et renforcer les capacités pour suivre la pharmacorésistance du VIH ; et
- gouvernance et mécanismes facilitant la mise en œuvre : veiller à une prise en main par les pays, à une action coordonnée, à un travail de sensibilisation et à un financement durable pour appuyer les mesures sur la pharmacorésistance du VIH.
- Silvia Bertagnolio, Lucas Hermans, et al. Clinical Impact of Pretreatment Human Immunodeficiency Virus Drug Resistance in People Initiating Nonnucleoside Reverse Transcriptase Inhibitor–Containing Antiretroviral Therapy: A Systematic Review and Meta-analysis, The Journal of Infectious Diseases, Volume 224, Issue 3, 1 August 2021, Pages 377–388, https://doi.org/10.1093/infdis/jiaa683
- Andrew N Phillips, John Stover, et al. Impact of HIV Drug Resistance on HIV/AIDS-Associated Mortality, New Infections, and Antiretroviral Therapy Program Costs in Sub–Saharan Africa, The Journal of Infectious Diseases, Volume 215, Issue 9, 1 May 2017, Pages 1362–1365, https://doi.org/10.1093/infdis/jix089