Principaux faits
- La résistance aux antimicrobiens de la bactérie responsable de la gonorrhée a augmenté rapidement ces dernières années et a réduit les options thérapeutiques.
- 82 millions de nouveaux cas de gonorrhée se sont produits en 2020.
- En 2020, la plupart des cas se trouvaient dans la Région africaine et la Région du Pacifique occidental de l’OMS.
- La plupart des personnes touchées sont âgées de 15 à 49 ans.
Aperçu
La gonorrhée est une infection sexuellement transmissible (IST) qui demeure un problème majeur de santé publique. L’OMS estime qu’en 2020, 82,4 millions [47,7 millions -130,4 millions] de nouveaux cas d’infection se sont produits chez les adolescents et les adultes âgés de 15 à 49 ans dans le monde, avec un taux d’incidence mondial de 19 (11-29) pour 1000 femmes et de 23 (10-43) pour 1000 hommes. La plupart des cas se trouvaient dans la Région africaine et la Région du Pacifique occidental de l’OMS.
La résistance aux antimicrobiens chez Neisseria gonorrhoeae (N. gonorrhoeae) est apparue peu après le début de l’utilisation des médicaments antimicrobiens. Ce phénomène a continué de s’étendre au cours des 80 dernières années, intéressant des médicaments tels que les tétracyclines, les macrolides (notamment l’azithromycine), les associations sulfamides-triméthoprime et, plus récemment, les quinolones. Dans de nombreux pays, la résistance à la ciprofloxacine est extrêmement élevée, la résistance à l’azithromycine est en augmentation et une résistance ou une sensibilité réduite au céfixime et à la ceftriaxone continue de se faire jour.
Les gonorrhées ultrarésistantes présentant un haut niveau de résistance au traitement actuellement recommandé pour la gonorrhée (ceftriaxone), mais aussi une résistance à la pénicilline, aux sulfamides, à la tétracycline, aux fluoroquinolones et aux macrolides (notamment l’azithromycine) sont appelées gonorrhées superbactériennes ou super gonorrhées.
Historique
Le premier échec thérapeutique avec le céfixime a été rapporté au Japon. Au cours de la dernière décennie, la ceftriaxone seule ou en association avec l’azithromycine ou la doxycycline utilisée dans le traitement de la gonorrhée s’est révélée inefficace en Australie, en France, au Japon, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, en Slovénie et en Suède. En 2016, le premier échec au monde du traitement de la gonorrhée pharyngée par la bithérapie (ceftriaxone 500 mg plus azithromycine 1 gramme) a été confirmé au Royaume-Uni. Une souche gonococcique résistante à la ceftriaxone s’est propagée à l’échelle internationale, touchant le Danemark, la France, le Japon et le Royaume-Uni. En 2018, la première souche mondiale de gonocoque responsable de la gonorrhée pharyngée résistante au ceftriaxone et hautement résistante à l’azithromycine a été signalée au Royaume-Uni. De plus en plus de cas d’échecs thérapeutiques sont signalés en Autriche, au Royaume-Uni et dans d’autres pays.
Tous les échecs thérapeutiques confirmés, excepté un cas récent au Royaume-Uni, concernaient des infections pharyngées au niveau de la gorge. La plupart des infections intéressant le pharynx sont asymptomatiques. Les antimicrobiens ne pénètrent pas bien les tissus dans cette région, et le pharynx abrite également des bactéries apparentées à l’espèce Neisseria naturellement présentes qui peuvent contribuer à la résistance aux médicaments. La plupart des données sur cette problématique proviennent de pays à revenu élevé, alors que la majorité des cas de gonorrhée se trouvent dans des pays et des zones dont les ressources sont moindres.
Cela suggère que les échecs thérapeutiques et la résistance aux médicaments rapportés dans les zones les plus riches ne reflètent qu’une infime partie de la charge que cela représente au niveau mondial. Les données de surveillance sur l’antibiorésistance et les échecs thérapeutiques provenant des pays pauvres sont extrêmement rares et doivent être améliorées. La résistance des gonocoques à la ceftriaxone, la dernière option restante pour le traitement empirique de première intention de la gonorrhée, est un problème majeur de santé publique. Des souches issues de la phylogénie des espèces de gonocoques ont montré leur capacité à développer une résistance à la ceftriaxone. Le Programme élargi de surveillance de la résistance des gonocoques aux antimicrobiens (EGASP) de l’OMS a constaté des niveaux élevés de résistance à la ceftriaxone, principalement dus à la propagation de souches particulièrement résistantes. Cela souligne l’importance de la surveillance des gonocoques.
Causes
La résistance à tant d’options thérapeutiques – pénicillines, sulfamides, tétracyclines, quinolones et macrolides (notamment l’azithromycine) – ainsi qu’aux traitements dits de dernière intention comme les céphalosporines, font de N. gonorrhoeae un organisme multirésistant.
Cette résistance est due à un certain nombre de facteurs, notamment l’accès illimité aux antimicrobiens, le choix inapproprié et la surutilisation des antibiotiques, et la mauvaise qualité des antibiotiques. En outre, des mutations génétiques affectant N. gonorrhoeae ont contribué à accroître sa pharmacorésistance. Les infections en dehors de la région génitale – à savoir dans la gorge et le rectum – touchent particulièrement des populations clés telles que les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes. Cela peut également jouer un rôle important dans le développement de souches résistantes, car N. gonorrhoeae interagit et échange du matériel génétique avec d’autres organismes dans ces parties du corps.
Implications
Les infections gonococciques ont des répercussions critiques sur la santé reproductive, maternelle et néonatale, notamment :
- une multiplication par cinq de la transmission du VIH ;
- l’infertilité, avec ses implications culturelles et sociales ;
- l’inflammation, conduisant à des douleurs abdominales basses aiguës et chroniques chez les femmes ;
- la grossesse extra-utérine et le décès maternel ;
- l’avortement au premier trimestre de grossesse ;
- des infections oculaires graves chez les nouveau-nés pouvant entraîner la cécité.
Les coûts financiers de ces complications sont très élevés tant pour les individus que pour les systèmes de santé. La résistance aux antimicrobiens augmente cette charge en prolongeant l’infection chez un plus grand nombre de personnes et en augmentant le nombre de personnes qui présentent des complications à long terme dues aux infections gonococciques.
L’émergence de différentes formes de résistance chez N. gonorrhoea est souvent suivie d’une propagation rapide de la maladie. Ce n’est pas seulement un problème pour les pays à revenu intermédiaire ; récemment, on a aussi constaté des échecs thérapeutiques dans les pays à revenu élevé. Étant donné qu’il peut être difficile de trouver des informations complètes dans des zones où les ressources pour la surveillance sont limitées, on s’attend à ce que la résistance aux antimicrobiens soit beaucoup plus élevée que ce que l’on observe actuellement en raison d’une propagation silencieuse.
Action de l’OMS
La lutte contre les souches de N. gonorrhoeae multirésistantes nécessite deux approches : la lutte à grande échelle contre la pharmacorésistance et la lutte contre la gonorrhée. Ces deux approches doivent être envisagées dans le cadre plus large de la lutte mondiale contre la résistance aux antimicrobiens.
L’OMS met en œuvre un plan d’action mondial pour lutter contre la propagation et l’impact de la résistance aux antimicrobiens chez N. gonorrhoeae (Global Action Plan to Control the Spread and Impact of Antimicrobial Resistance in N. gonorrhoeae) afin de faciliter la mise en place de mesures efficaces contre la propagation des souches de N. gonorrhoeae multirésistantes. Ce plan s’inscrit dans le cadre d’un plan plus vaste de surveillance des IST visant à faciliter la détection précoce des souches résistantes émergentes, combiné à une réponse de santé publique pour prévenir et traiter les infections gonococciques et réduire l’impact de la gonorrhée sur la santé sexuelle et reproductive.
Les Stratégies mondiales du secteur de la santé contre le VIH, l’hépatite virale et les infections sexuellement transmissibles (2022-2030) ont fixé des objectifs visant à ramener le nombre de nouveaux cas de gonorrhée chez les personnes âgées de 15 à 49 ans de 82,3 millions par an en 2020 à 8,23 millions par an en 2030, réduisant ainsi l’incidence annuelle de 90 % d’ici à 2030. Sachant que cette réduction risque d’être difficile à réaliser au moyen des interventions disponibles, et compte tenu de la résistance antimicrobienne croissante, la stratégie insiste sur la nécessité de mettre au point des vaccins efficaces contre le gonocoque. Il n’existe actuellement aucun vaccin homologué contre le gonocoque. Cependant, l’augmentation marquée de la résistance des gonocoques aux antimicrobiens et l’accumulation de données scientifiques suggérant que les vaccins contre le gonocoque sont réalisables du point de vue biologique ont suscité un regain d’intérêt pour la mise au point d’un tel vaccin.
Les principales actions de l’OMS sont les suivantes :
- prévention et lutte efficaces contre les infections gonococciques, en utilisant des messages et des interventions de prévention et des schémas thérapeutiques appropriés ;
- établissement d’une réglementation efficace en matière de médicaments ;
- renforcement des systèmes de surveillance de la résistance aux antimicrobiens, en particulier dans les pays où la charge des infections à gonocoque est élevée et accroissement du nombre de pays (>70 % d’ici 2030 contre 36 % en 2020) qui signalent la résistance aux antimicrobiens chez N. gonorrhoeae au Programme de surveillance de la résistance des gonocoques aux antimicrobiens de l’OMS ;
- renforcement du Programme de surveillance de la résistance des gonocoques aux antimicrobiens en constituant un réseau de laboratoires chargés de coordonner cette surveillance et liés au Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens ;
- établissement de réseaux régionaux de laboratoires pouvant effectuer des cultures de gonocoques, avec des mécanismes de contrôle de la qualité performants ;
- garantie d’une prise en charge appropriée et de qualité des IST et, si possible, d’un dépistage et d’un traitement le même jour ;
- surveillance des échecs thérapeutiques en élaborant un ensemble standard de protocoles pour la surveillance ;
- appui à la recherche pour trouver des tests à faible coût pour identifier N. gonorrhoeae, ce qui permettrait un dépistage efficace au sein des populations prioritaires définies par chaque pays, notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, les travailleurs du sexe et les personnes vivant avec le VIH ;
- appui à la recherche pour mettre au point des méthodes de détection de la résistance aux antimicrobiens ; et
- recherche d’alternatives thérapeutiques pour soigner les infections gonococciques.
L’OMS continuera de travailler avec les États Membres et ses partenaires pour comprendre et réduire la résistance aux antimicrobiens grâce à un meilleur contrôle des médicaments antibiotiques et à des mesures visant à prévenir la propagation de la gonorrhée.