Inediz/C. Jeantet and F. Caterini
When Yaashe, a 6-year-old noma patient from Borno state. She received surgery six months after arriving at the hospital. It’s the first of several operations she needs because of the severity of her injuries. Sokoto, Nigeria, October 2017.
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Noma

15 décembre 2023

Principaux faits

  • Le noma est une maladie gangreneuse sévère de la bouche et du visage. Elle est due à plusieurs microbes non spécifiques, ainsi qu’à un ensemble de facteurs de risque modifiables et de déterminants sociaux sous-jacents communs à d’autres maladies tropicales négligées (MTN).
  • Le noma touche principalement les enfants de 2 à 6 ans et les populations défavorisées. Il est prédominant en Afrique, bien que des cas aient été signalés en Asie, dans les pays d’Amérique et dans d’autres régions du monde.
  • Les dernières estimations de l’OMS sur la charge de morbidité, publiées en 1998, rapportent une incidence de 140 000 cas par an et une prévalence de 770 000 cas. Son taux de létalité est estimé à 90 %, mais les données montrent qu’une prise en charge précoce permet de réduire ce pourcentage de manière significative.
  • Il est difficile d’estimer la charge de morbidité du noma avec précision, car de nombreux cas ne sont ni diagnostiqués, ni traités, ni même signalés, en raison de la progression rapide de la maladie, de son taux de létalité élevé et de la précarité des systèmes de santé, fragilisés par la stigmatisation des malades, le manque de systèmes de surveillance et la méconnaissance du noma par la population et par les professionnels de santé.
  • Les enfants qui survivent à la maladie souffrent souvent de graves séquelles esthétiques et fonctionnelles. Ils peuvent être défigurés et avoir des difficultés à respirer, à déglutir et à parler, ainsi que des troubles visuels. Ces séquelles contribuent à leur mise à l’écart, à leur stigmatisation et à leur discrimination, qui constituent une violation de leurs droits humains.

 

Vue d’ensemble

Le noma est une maladie gangreneuse sévère de la bouche et du visage qui évolue rapidement. Il touche principalement les enfants âgés de deux à six ans souffrant de malnutrition, d’une mauvaise hygiène bucco-dentaire, d’un affaiblissement du système immunitaire ou d’une maladie infectieuse, et vivant dans des conditions d’extrême pauvreté (1). Il peut également se déclarer chez les adultes immunodéprimés souffrant d’une infection à VIH, d’une leucémie ou d’une autre maladie (2).

Cette maladie, également appelée cancrum oris ou stomatite gangreneuse, est principalement présente en Afrique subsaharienne, bien que des cas aient été signalés en Amérique latine, en Asie et dans d’autres régions du monde. Le noma commence par une lésion des tissus mous, une plaie, au niveau des gencives. Cette lésion initiale évolue vers une gingivite nécrosante, se propage rapidement pour détruire les tissus mous, et progresse jusqu’à atteindre les tissus durs et la peau du visage. On considère généralement le noma comme une maladie opportuniste non contagieuse.

Les personnes qui survivent au noma sont gravement défigurées, souffrent de difficultés à parler et à s’alimenter, et se heurtent à la stigmatisation sociale. Une intervention chirurgicale complexe et une rééducation sont alors nécessaires. Le diagnostic précoce du noma permet d’empêcher sa progression grâce à des gestes d’hygiène simples, une meilleure alimentation et la prise d’antibiotiques.

Ampleur du problème

Il est difficile d’estimer le nombre de cas de noma avec précision, en raison de la progression rapide de la maladie, de son taux de létalité élevé, de la faiblesse des systèmes de santé et de surveillance épidémiologique, de l’hétérogénéité et de l’évolution des critères diagnostiques, de la forte stigmatisation associée à la maladie, et de la méconnaissance du noma par la population et par les professionnels de santé. Les données publiées en 1998 par l’OMS sur l’incidence (140 000 cas par an), la prévalence (770 000 cas) et le taux de létalité (90 %) du noma dans le monde sont les chiffres les plus fréquemment cités. Cependant, en raison de limitations méthodologiques, l’ampleur réelle de la charge de morbidité du noma et le nombre de survivants demeurent largement inconnus. Des données récentes semblent indiquer que le taux de létalité serait désormais inférieur à 90 %, et qu’une prise en charge précoce permettrait de diminuer ce pourcentage de manière significative (2).

Depuis le début des années 2000, la littérature scientifique a rendu compte de plus de 13 000 cas de noma. Leur répartition n’est pas restreinte à la zone appelée la « ceinture du noma » qui s’étend sur le continent africain, de la Mauritanie à l’Éthiopie. En effet, des cas ont été détectés dans d’autres régions d’Afrique et ailleurs dans le monde, notamment en Asie, en Asie-Pacifique, dans les Amériques, au Moyen-Orient et en Europe (3).

Le noma est un marqueur d’extrême pauvreté. En 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a reconnu que l’on pouvait voir dans l’abandon des régions touchées par le noma une violation des droits fondamentaux des enfants. Le Conseil a établi un ensemble de recommandations en accord avec les stratégies du Programme régional de lutte contre le noma de l’OMS (4).

Facteurs de risque et pathogénie

En ce qui concerne l’étiologie et la pathogénie du noma, les connaissances actuelles sont limitées. Les données disponibles semblent indiquer que la maladie est due à plusieurs microbes non spécifiques. Des travaux de recherche mettent également en évidence un large éventail de facteurs de risque, tels que la malnutrition, d’autres causes d’immunosuppression, une infection sous-jacente, une mauvaise hygiène bucco-dentaire et l’extrême pauvreté. La transmission interhumaine directe n’ayant jamais été signalée, le noma est considéré comme une maladie opportuniste et non contagieuse.

Diagnostic

Le diagnostic du noma repose sur des critères cliniques spécifiques aux différents stades de la maladie. Il est actuellement impossible de réaliser des tests de diagnostic sur le lieu des soins. L’OMS distingue cinq stades cliniques du noma : le stade de la gingivite simple (inflammation des gencives) (0), le stade de la gingivite nécrosante aiguë (1), le stade de l’œdème (2), le stade de la gangrène (3), le stade de la cicatrisation (4) et le stade des séquelles (5).

Traitement

Une détection précoce est essentielle, car le traitement est plus efficace au cours des premiers stades de la maladie, lorsqu’apparaît un gonflement important des gencives (gingivite nécrosante aiguë). Habituellement, le traitement comprend la prescription d’antibiotiques largement disponibles, de bains de bouche désinfectants, notamment à l’eau salée ou à la chlorhexidine, et de compléments alimentaires, ainsi qu’une assistance et des conseils pour améliorer l’hygiène bucco-dentaire. Si la maladie est décelée à un stade précoce, le traitement peut permettre la bonne cicatrisation des plaies, sans séquelles à long terme. Des pansements ou une intervention chirurgicale sont parfois indiqués dans les cas plus avancés. Si le noma atteint le stade gangreneux et perfore le visage, les malades sont susceptibles de présenter des déformations faciales graves et d’avoir des difficultés à manger et à parler. Ils peuvent aussi être victimes de stigmatisation et mis à l’écart. La chirurgie réparatrice peut alors s’avérer nécessaire.

Action de l’OMS

Dans les pas du programme de lutte contre le noma lancé par l’OMS en 1994, le Programme mondial de l’OMS pour la santé bucco-dentaire a permis de mener une action mondiale et régionale de lutte contre le noma, en s’appuyant notamment sur la mise en place du Programme régional de lutte contre le noma dans onze pays prioritaires de la Région africaine de l’OMS. Ce programme vise à renforcer et à développer les capacités du personnel de santé, des acteurs sociaux et des populations pour prévenir, détecter rapidement et prendre en charge les cas de noma. Une meilleure connaissance de la maladie par les populations et une prise en charge psychologique (en anglais) contribuent à mettre fin à la stigmatisation du noma et participent à la réinsertion sociale des malades ayant survécu, ainsi qu’à celle de leur famille. La prise en compte du noma dans les systèmes de surveillance sanitaire existants peut améliorer la disponibilité et l’accessibilité des données, et renforcer le rôle directeur des ministères de la santé en mettant en place une collaboration inter- et plurisectorielle.

En outre, l’OMS a encouragé ses États Membres à adopter une approche plus intégrée de la prévention et de la lutte contre le noma, qui est causé par un ensemble de facteurs de risque modifiables et de déterminants sociaux sous-jacents communs à d’autres MTN.

Sur la recommandation du Groupe consultatif stratégique et technique sur les maladies tropicales négligées (STAG-NTD), le noma a été ajouté à la liste des MTN de l’OMS en décembre 2023, en vue de l’intégrer à la feuille de route pour les maladies tropicales négligées 2021-2030 (en anglais). Ainsi, l’OMS est déterminée à soutenir les efforts de sensibilisation, la mobilisation de ressources pour la recherche-développement, et la mise en œuvre d’interventions contre le noma, en coordination avec les programmes de lutte contre les MTN déployés au niveau national.

Avant que cette décision ne soit prise, le noma était déjà pris en compte dans le travail de terrain réalisé contre les MTN cutanées (et d’autres maladies de la peau) et intégré à des produits et des ressources techniques telles que les cours OpenWHO sur la dermatologie tropicale et l’application mobile SkinNTD (en anglais). Un cours en ligne consacré au noma est actuellement disponible en anglais, en français, en haoussa, en hindi et en portugais.

 


(1) Srour, M. L., Marck, K., & Baratti-Mayer, D. Noma : Overview of a Neglected Disease and Human Rights Violation. The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, 2017, 96(2), 268–274.

(2) Maguire B et al. An updated systematic review of the evidence-based knowledge on the distribution, associated risk factors, the prevention and treatment modalities for Noma. Oxford: Infectious Diseases Data Observatory (University of Oxford); 2023.

(3) Galli A, Brugger C, Fürst T, Monnier N, Winkler MS, Steinmann P. Prevalence, incidence, and reported global distribution of noma: a systematic literature review. Lancet Infectious Diseases, 2022, 15:S1473-3099(21)00698-8.

(4) Nations Unies. Conseil des droits de l’homme. Comité consultatif. Étude du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme sur la malnutrition sévère et les maladies infantiles chez l’enfant atteint par exemple de noma, A/HRC/19/73, Genève : ONU, 24 février 2012 (traduction française en bas de page).