Ministry of Health, Cameroon
A community health worker is providing malaria care to a child in Cameroon
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Mobilisation des communautés pour aider à la prévention et à la maîtrise du paludisme au Cameroun

Questions-réponses avec la Dre Dorothy Achu, Secrétaire permanente du Programme national de lutte contre le paludisme, Ministère de la santé publique du Cameroun

6 avril 2022

Q : Mme Achu, pouvez-vous nous donner un bref aperçu de l’épidémie de paludisme au Cameroun et nous dire quelques mots sur les tendances de la prévalence et de la mortalité ces dernières années ? 

Le paludisme est fortement endémique au Cameroun, ce qui signifie que les 27 millions de Camerounais que compte le pays sont tous régulièrement exposés à la maladie. Chaque année, nous enregistrons six millions de cas de paludisme et nos établissements de santé déplorent 4000 décès environ, dont la plupart touchent les enfants de moins de cinq ans. Cependant, tous les cas ne sont pas enregistrés et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime qu’environ 11 000 personnes meurent du paludisme au Cameroun chaque année. Trente pour cent environ des visites ambulatoires dans les établissements de santé sont liées au paludisme, ce qui en fait une maladie importante dans notre pays. Sur une note positive, les rapports de surveillance nationale font état d’une baisse de la part des décès imputables au paludisme, passée de 18 % en 2019 à 13,5 % aujourd’hui. 

Q : Cette réduction de la mortalité est encourageante, en particulier pour les Camerounais les plus jeunes. Comment l’expliquer ? 

Je pense ici à trois facteurs principalement. Premièrement, nous avons intensifié nos efforts de prévention du paludisme, notamment par deux campagnes de distribution à grande échelle de moustiquaires imprégnées d’insecticide de longue durée (MIILD) au cours des six dernières années, afin de fournir une moustiquaire à chaque foyer. Nous avons également utilisé la chimioprévention saisonnière du paludisme dans les deux régions septentrionales du pays où la prévalence de la maladie est saisonnière. 

Distribution de moustiquaires en scooter au Cameroun

Distribution de moustiquaires porte à porte au Cameroun. © Ministère de la santé publique du Cameroun

Deuxièmement, nous améliorons la prise en charge des cas au moyen d’un réseau d’agents de santé communautaires qui aident à la détection précoce des cas et fournissent un traitement aux patients ou les orientent vers des centres de santé. Nous observons que cette méthode nous aide à détecter les cas et à les prendre en charge suffisamment tôt pour empêcher les décès. 

Enfin, nous améliorons la qualité des diagnostics et ce faisant, nous avons remarqué que de nombreux décès qui étaient imputés au paludisme n’étaient en fait pas dus à cette maladie. 

Q : Sur le volet de la prévention, votre Ministère a-t-il adopté de nouvelles démarches ces dernières années ? 

Au pic de la pandémie de COVID-19, nous avons dû repenser la manière dont nous déployons certaines interventions, en particulier la distribution des moustiquaires et la chimioprévention du paludisme saisonnier. Par le passé, les distributions se faisaient sur des sites fixes, c’est-à-dire que les moustiquaires étaient distribuées depuis un point central et que les personnes se rassemblaient en masse pour venir les récupérer. 

Avec la COVID-19 et la nécessité de garantir la sécurité de nos agents de santé et des populations, nous avons adopté un mode de distribution de porte en porte. Même si cette solution est plus onéreuse, elle nous a permis de livrer des outils de prévention aux populations difficiles d’accès qui n’auraient peut-être pas pu se rendre aux points de distribution fixes. 

Lors de notre dernière campagne de distribution de moustiquaires en 2020, nous avons enregistré un taux de couverture très élevé qui s’est traduit par une utilisation accrue des moustiquaires. Pour les agents de santé communautaires, la distribution de porte en porte fut également une opportunité d’échanger plus directement avec les familles et de s’assurer qu’elles comprenaient pourquoi et comment les moustiquaires doivent être utilisées. La pandémie de COVID-19 nous a contraints à nous adapter et cette adaptation a généré des résultats positifs, alors nous entendons maintenir ce nouveau mode opératoire. 

Q : Concernant la chimioprévention du paludisme saisonnier, quelles difficultés avez-vous rencontrées et comment les avez-vous surmontées ? 

Ces dernières années, nous avons testé plusieurs méthodes visant à améliorer l’observance du traitement. L’une des plus grandes difficultés liées à la chimioprévention tient au fait que contrairement à la première dose administrée en présence des agents de santé communautaires, les deuxième et troisième doses sont données par le soignant sans aucune supervision. Comme nous ne pouvons pas envoyer les agents de santé communautaires dans les foyers à une fréquence suffisante pour vérifier l’administration des trois doses, nous avons fait en sorte de trouver des « chefs » de foyer qui font office de mentors dans chaque village, dont le rôle est de rappeler aux parents ou aux soignants de donner les deuxième et troisième doses aux enfants. 

Nous avons également fait appel à des réseaux d’associations de femmes. Nous les avons formées et leur avons transmis des messages qu’elles rapportent dans leurs communautés afin d’encourager les mères à respecter le calendrier de traitement de leurs enfants. Nous sommes toujours en cours d’évaluation de l’impact de ces méthodes innovantes, mais nous observons généralement que les femmes sont elles-mêmes très enthousiastes et qu’elles sont prêtes à aider et à soutenir leurs pairs.  

Q : Quelle importance revêt la surveillance de la maladie pour les efforts de prévention, de traitement et de maîtrise du paludisme ? 

Même si nous n’avons pas encore terminé, nous avons commencé une collaboration fructueuse avec les établissements de santé du pays, afin qu’ils puissent saisir leurs données plus régulièrement dans notre système national d’information sanitaire, contribuant ainsi à améliorer notre visibilité sur les tendances des taux de morbidité et de mortalité. À présent, nous nous attachons à la qualité des données. Nous voulons nous assurer que les données ne sont pas seulement collectées, mais également corrigées. À ces fins, nous organisons des réunions trimestrielles de validation des données au niveau des districts, des régions et du pays. 

Nous travaillons également sur un autre facteur fondamental : l’amélioration de la qualité des diagnostics. Ce point est depuis longtemps un maillon faible au Cameroun et nous craignons que les taux d’incidence et de mortalité déclarés ne reflètent pas la réalité. La microscopie (un outil clé de diagnostic du paludisme) est problématique, car de nombreux techniciens ne sont pas dûment formés, ce qui entraîne des erreurs de préparation et de lecture des lames. Nous avons également observé des problèmes de qualité des microscopes et des réactifs utilisés pour colorer les échantillons de sang afin de faciliter la visualisation des parasites du paludisme. 

Faute de supervision, de nombreuses erreurs passent sous les radars et se retrouvent dans les rapports de surveillance. Pour cette raison, nous travaillons à la mise en place d’un système d’assurance qualité qui aidera à valider les résultats des microscopies communiqués par les établissements de santé. Des formations et des cours de remise à niveau sont ainsi organisés et nous désignons également des mentors dans les laboratoires, qui aident à la validation des résultats. 

Enfin, nous mettons actuellement en place une surveillance sentinelle afin de déterminer les districts et les établissements de santé qui pourront systématiquement fournir des services de diagnostic, de soins et de communication de l’information de qualité élevée. Nous pourrons ainsi enregistrer fidèlement à la réalité les tendances des charges de morbidité et de mortalité du paludisme. Nous avons déjà sélectionné les sites et élaboré un module de formation des personnels. Nous planifions désormais de déployer ces formations et nous commençons la collecte des données. 

Q : Quelles réalisations du programme sont attendues sur les douze prochains mois ?

Nous sommes résolus à trouver des solutions pour que chacun dans le pays ait un meilleur accès aux services de prévention et de soin du paludisme. Concernant la prise en charge des cas, nous intensifions le mentorat des agents de santé afin d’améliorer le diagnostic et la prise en charge des cas de paludisme, en particulier des cas graves, dans l’optique de réduire encore la mortalité. 

Plus globalement, nous œuvrons également à inclure les services de lutte contre le paludisme dans l’ensemble de prestations proposées pour être visées par la couverture sanitaire universelle au Cameroun. À l’heure actuelle, nombre de ces services, dont le diagnostic et le traitement, sont à la charge des patients, ce qui les rend hors de portée d’une grande partie de la population. 

Pour parvenir à tous ces résultats, le Dr Manaouda Malachie, Ministre de la santé publique, a lancé une campagne de sensibilisation nationale de douze mois parrainée par la Première Dame, Madame Chantal Biya, invitant les chefs communautaires et d’autres secteurs à renforcer leur engagement en faveur des mesures de lutte et à contribuer à la mobilisation de ressources domestiques supplémentaires afin de combler les lacunes connues.

Membres du gouvernement camerounais et leurs partenaires lors du lancement de la campagne  de sensibilisation au paludisme

Membres du gouvernement camerounais avec leurs partenaires lors du lancement de la campagne de sensibilisation au paludisme au Cameroun.© Ministère de la santé publique du Cameroun