Forum juridique international de la Fédération de Russie : « Vivre au temps du ‎coronavirus »‎

10 avril 2020

Son Excellence M. Dmitry Medvedev, Vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie,

Son Excellence M. Konstantin Chuychenko, Ministre de la justice de la Fédération de Russie,

Mme Marija Pejcinovic Buric, Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe,

M. K Shanmugam, Ministre de l’intérieur et de la justice de la République de Singapour,

M. Zhenghua Fu, Ministre de la justice de la République populaire de Chine,

Excellences, chers collègues et amis,

Je vous remercie pour cette occasion de me joindre à vous aujourd’hui. Je remercie également la Fédération de Russie pour l’organisation de cet événement essentiel, dans des circonstances compliquées.

J’exprime également mes condoléances aux habitants de la Fédération de Russie qui ont perdu un proche à cause de la COVID-19 et j’adresse mes pensées à ceux qui luttent en ce moment contre la maladie.

Il y a tout juste 100 jours, la maladie virale que l’on connaît désormais sous le nom de COVID-19 et qui s’est propagée dans le monde entier nous a été signalée pour la première fois.

Nous sommes non seulement confrontés à des conséquences sanitaires graves, mais également à des bouleversements socio-économiques majeurs.

La pandémie fait peser sur les États, les communautés et les individus des responsabilités et des difficultés nouvelles.

L’état de droit garantit le fonctionnement et la stabilité de nos pays qui, ensemble, forment la communauté internationale.

Nous avons besoin de l’état de droit non seulement en temps de paix, mais encore plus durant les périodes de grande incertitude.

À l’échelle mondiale, le Règlement sanitaire international (RSI) fournit un cadre légal essentiel pour réunir les États Membres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et faire face aux situations d’urgence sanitaire de portée internationale.

Nous devons travailler ensemble, avec un même objectif et en partageant les responsabilités.

Le RSI a pour objectif principal d’assurer la riposte face aux maladies et de prévenir leur propagation internationale, tout en réduisant les entraves au trafic international, qui en l’espèce permet la mise à disposition de matériel médical, de nourriture et d’autres éléments et personnels essentiels.

Un principe clé du RSI est sa mise en œuvre dans le respect absolu de la dignité humaine, des droits humains et des libertés fondamentales des individus. C’est un enjeu essentiel.

L’état de droit a

un rôle considérable à jouer dans la lutte contre cette pandémie. Les pays s’attachent à endiguer le virus et à en atténuer l’impact, ce qui fait surgir de nombreuses difficultés sociales et nécessite par conséquent des réponses juridiques, réglementaires et éthiques.

Certains pays ont dû dépoussiérer de vieilles lois relatives à la mise en quarantaine, d’autres ont dû appliquer pour la première fois de nouvelles lois qui n’avaient jamais été testées en situation réelle.

Les gouvernements ont réquisitionné des hôpitaux et du matériel médical, mis en quarantaine des dizaines de milliers de contacts et imposé le confinement à des millions de personnes.

Le RSI fournit un cadre légal international. Les lois et réglementations nationales doivent également encadrer la riposte à la maladie pour plus d’efficacité et d’efficience. Elles doivent être claires, adoptées et mises en œuvre rapidement, être adaptées aux circonstances et être limitées dans la durée.

Face à l’urgence, il est essentiel que nous protégions les populations les plus vulnérables.

Les populations en situation de crise humanitaire sont particulièrement à risque. Elles manquent de ressources et ont un accès limité aux soins de santé et aux infrastructures essentielles. Dans certains cas, l’impossibilité de respecter le principe de distanciation physique et de se laver les mains met en danger des communautés dans leur ensemble.

Les pays qui ont la lourde responsabilité d’accueillir ces populations vulnérables doivent disposer des outils et ressources nécessaires pour les protéger et leur fournir l’aide dont elles ont besoin.

De nombreux pays ont adopté des mesures de distanciation physique très strictes. Ces mesures comprennent la fermeture des frontières, la déclaration d’un état d’urgence, le confinement de villes voire du pays dans son ensemble et la fermeture des écoles et des entreprises.

En cette période de crise, il s’agit de mesures inédites qui visent à protéger les populations et à réduire la propagation du virus, afin « d’aplatir la courbe ».

Toutefois, la mise en œuvre de ces mesures doit se faire dans le respect de la dignité des personnes et des droits humains, comme le prévoient le RSI et d’autres cadres, tels que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les gouvernements doivent se montrer transparents envers leur population, les informer régulièrement de la mise en œuvre et de la durée des mesures adoptées.

Ils doivent rassurer la population et leur garantir qu’une fois la crise terminée, ces mesures seront abandonnées et que le pays retrouvera son fonctionnement normal.

Durant cette période, les gouvernements doivent avant tout veiller à protéger et à aider les groupes vulnérables tels que les personnes âgées et les réfugiés, notamment. Nous sommes particulièrement préoccupés par les signalements, provenant de plusieurs pays, d’une augmentation des violences domestiques en lien avec les mesures de confinement. Tous les pays doivent mettre l’accent sur cette question.

Les restrictions adoptées par les pays ont déjà un impact considérable sur les moyens de subsistance des individus. Il nous faut élaborer des plans et prendre des mesures adaptées pour atténuer les effets de la pandémie sur l’économie. Les vies des individus et leurs moyens de subsistance doivent être pris en compte ensemble.

L’OMS collabore avec des experts et d’autres organisations internationales pour examiner l’application des lois de santé publique durant cette pandémie, et pour fournir des orientations.

La COVID-19 bouleverse nos sociétés mais elle ne peut pas, et elle ne doit pas, saper les fondations sur lesquelles nous nous appuyons. L’histoire nous jugera non seulement sur notre capacité à maîtriser cette pandémie, mais également sur la manière dont nous y parviendrons.

Un jour – pas trop lointain, espérons-le – cette crise sera derrière nous. Mais des milliards de personnes continueront d’être confrontées à leur propre crise sanitaire, chaque jour, car elles n’ont pas accès aux services de santé essentiels dont elles ont besoin, ou qu’elles ne peuvent pas les payer.

Pour l’OMS, la couverture sanitaire universelle est la priorité absolue, pour que chaque personne ait accès à des services sanitaires essentiels, sans s’exposer à des difficultés financières.

La couverture sanitaire universelle a des bénéfices évidents sur la santé et la productivité des individus, de leur famille et de leur communauté. Mais c’est également la meilleure des défenses contre les flambées de maladies comme la COVID-19.

Les pays qui disposent de systèmes de santé solides sont les mieux placés pour protéger leur population et leur économie des conséquences d’une situation d’urgence sanitaire.

Là aussi, le rôle de l’état de droit est essentiel.

Partout dans le monde, de plus en plus de pays – parmi lesquels la Fédération de Russie – ont intégré le droit à la santé dans leur constitution. Et ils sont de plus en plus nombreux à adopter des lois pour que ce droit devienne une réalité.

L’année dernière, les législateurs d’un grand nombre de pays représentés à l’Assemblée de l’Union interparlementaire, à Belgrade, se sont engagés à utiliser le pouvoir de leur parlement pour faire progresser la couverture sanitaire universelle. Comme vous le savez, le rôle des parlementaires à cet égard est fondamental.

Je vous remercie pour votre engagement et votre soutien en vue d’utiliser le cadre juridique pour atténuer les effets de la crise que nous vivons et pour aller vers un monde en meilleure santé, plus sûr et plus juste.

L’OMS a pour objectif d’aider tous les individus, dans tous les pays, afin de promouvoir la santé, la paix dans le monde, et de servir les populations vulnérables.

Merci. Spasiba.