Allocution liminaire du Directeur général de l’OMS à l’occasion de la trente-cinquième réunion du Comité du programme, du budget et de l’administration du Conseil exécutif – 19 janvier 2022

19 janvier 2022

M. Nickolas Steele, Ministre de la santé, de la sécurité sociale et des affaires internationales de la Grenade et Président du Comité du programme, du budget et de l’administration du Conseil exécutif,

Excellences, distingués collègues et amis,

Bonjour, bonne année à tous, et je vous souhaite de nouveau la bienvenue à Genève.

Je suis heureux d’accueillir beaucoup d’entre vous ici en personne, et je salue ceux qui se joignent à nous en ligne.

Nous entrons maintenant dans la troisième année de la pandémie de COVID-19. Nous avons accompli des progrès extraordinaires contre ce nouveau virus, mais nous avons encore un long chemin à parcourir.

Les mesures que nous prendrons cette année détermineront à quelle vitesse nous pouvons mettre fin à la phase aiguë de cette pandémie, dans quelle mesure nous serons préparés aux futures urgences sanitaires et comment nous concrétiserons une nouvelle vision pour la santé et le bien-être à l’échelle mondiale.

La maladie a coûté la vie à plus de cinq millions de personnes. L’impact plus important sur la santé physique et mentale, sur la vie et les moyens de subsistance, est quant à lui beaucoup plus grand.

Tels sont les défis auxquels les États Membres sont confrontés ;

Tels sont les défis que l’ensemble du personnel de l’OMS s’efforce de relever chaque jour ;

Et tels sont les défis qui ont guidé l’élaboration du budget programme que vous examinerez.

Comme vous le savez, notre budget programme pour l’exercice 2020-2021 s’élevait à l’origine à 5,8 milliards de dollars des États-Unis (USD). Toutefois, compte tenu du nombre supplémentaire d’opérations et d’appels d’urgence nécessaires à la riposte en cours à la pandémie, nous avons élaboré un budget beaucoup plus important.

Parallèlement, dans le contexte de cette situation d’urgence mondiale sans précédent, nous avons continué à apporter un soutien aux pays pour relever les nombreux défis sanitaires auxquels ils sont confrontés.

Il s’agit notamment de la riposte à d’autres situations d’urgence, de l’élaboration d’orientations normatives sur les maladies transmissibles et non transmissibles, du renforcement des systèmes de santé, de la vaccination, de la prise en compte des déterminants de la santé, et bien plus encore.

En résumé, nous avons réalisé la plupart des objectifs que nous nous étions fixés, malgré l’impact d’une opération d’urgence d’une ampleur sans précédent.

Cela a été possible grâce aux ressources que vous, nos États Membres et d’autres donateurs, avez fournies, et aux efforts incroyables déployés par notre personnel dans le monde entier.

Au cours du prochain cycle budgétaire, nous cherchons à obtenir une augmentation de 480 millions USD.

Ce chiffre comprend environ 430 millions USD pour le renforcement du Programme de situations d’urgence de l’OMS et 50 millions USD pour nos activités en cours en matière de prévention de l’exploitation, des abus et du harcèlement sexuels et des mesures destinées à y remédier.  

Notre priorité dans les années à venir consiste à veiller à ce que davantage de ressources soient consacrées à l’impact dans les pays, qui est au centre de toutes nos activités.

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Bien entendu, la réalisation des priorités de ce budget programme et du programme général de travail nécessite un financement d’une quantité et d’une qualité adéquates.

Le Groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie, le Comité d’examen du Règlement sanitaire international et le Comité consultatif de surveillance indépendant du Programme OMS de gestion des situations d’urgence sanitaire ont reconnu dans leurs rapports que le mode de financement de cette Organisation n’est pas viable et doit changer.

Par ailleurs, il est manifeste que les États Membres prennent également très au sérieux la question du financement flexible, prévisible et durable.

Ils sont conscients que le modèle de financement actuel compromet la qualité du travail technique et scientifique que nous sommes en mesure de fournir, entrave notre capacité à planifier à long terme et déstabilise notre personnel.

Nos experts préféreraient de loin apporter un soutien aux pays, élaborer des orientations et remettre le monde sur la bonne voie afin de réaliser les ODD ; au lieu de cela, ils passent une partie importante de leur temps à collecter des fonds et à gérer les contributions.

Comme vous le savez, le Groupe de travail des États Membres sur le financement durable a élaboré son rapport à l’intention du Conseil exécutif de l’OMS.

Je remercie le Groupe de travail et son président, M. Björn Kümmel, pour leur travail acharné et leur rapport.

De nombreux États Membres ont fortement soutenu la principale recommandation figurant dans le projet de rapport du Bureau consistant à augmenter les contributions fixées d’au moins 50 % du budget de base de l’OMS d’ici 2028-2029, par rapport aux moins de 20 % actuellement.

Bien que le Groupe de travail ne soit pas parvenu à un consensus sur son rapport, nous sommes heureux qu’il ait inclus la cible de 50 % comme option à examiner.

Nous espérons que le Comité et le Conseil exécutif appuieront cette idée. Comme je l’ai déjà mentionné, si ce n’est pas maintenant, alors quand ?

Les États Membres ont également préconisé une plus grande transparence et un meilleur contrôle concernant le budget et le processus d’établissement des priorités, et ont demandé que les processus budgétaires soient mieux liés à la gouvernance, ce dont nous convenons.

Le Secrétariat en est conscient, et il est important de disposer d’un financement plus durable pour y parvenir. Il nous permettra en effet d’investir à long terme dans la responsabilité et la surveillance.

Une augmentation progressive à hauteur de 50 % du budget de base d’ici l’exercice biennal 2028-2029 permettra d’augmenter les contributions fixées de l’OMS à raison de 600 millions USD entre 2024 et 2028.

Cela représente un énorme retour sur investissement pour l’ensemble des États Membres. Grâce à la qualité du financement et à l’effet multiplicateur, les bénéfices seront bien supérieurs au montant dépensé.

La réforme et le renforcement de notre processus de financement donneront à l’OMS la stabilité dont nous avons besoin pour mettre en œuvre de manière fiable la programmation et la responsabilité efficaces et de haute qualité que les États Membres exigent de nous.

Une OMS forte contribue à préserver la sécurité mondiale.

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Excellences, Mesdames, Messieurs,

Comme vous le savez, l’une des autres grandes questions figurant à l’ordre du jour cette semaine est celle de la prévention de l’exploitation, des abus et du harcèlement sexuels.

Les directeurs régionaux et moi-même avons été clairs : nous appliquons une politique de tolérance zéro vis-à-vis de l’exploitation, des abus et du harcèlement sexuels, et de l’inaction.

L’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels portent atteinte à la dignité humaine. Ils compromettent la mission de l’OMS et trahissent les communautés que nous nous sommes engagés à servir.

Tout doit être mis en œuvre pour prévenir toutes les formes d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels.

Lorsqu’un tel comportement se produit, nous nous engageons à y répondre par des protocoles et des mesures rapides, équitables et clairement définis.

Il n’y a aucune excuse à l’inaction.

L’année dernière, à la suite d’allégations d’exploitation et d’abus sexuels dans le cadre de la riposte à la maladie à virus Ebola en République démocratique du Congo, nous avons créé une commission indépendante, laquelle a engagé un enquêteur extérieur. C’est la première fois que cette approche est adoptée au sein des Nations Unies, et nous espérons qu’elle deviendra un modèle pour l’avenir.

Nous avons pris ces mesures par souci de transparence, par ailleurs, nous voulions nous préparer à un examen critique extérieur, et aussi pour agir différemment.

Après tout, il est insensé de répéter sans cesse la même chose et de s’attendre à des résultats différents.

Nous avons donc pris plusieurs autres mesures, notamment :

l’adoption d’une nouvelle politique visant à prévenir et à combattre les comportements abusifs ; la mise en place d’une équipe de travail à l’échelle de l’Organisation dirigée par un directeur à temps plein qui sera placé sous ma responsabilité directe ; et une réponse aux conclusions de la commission indépendante.

Dans les deux semaines qui ont suivi la publication du rapport de la commission, nous avons mené une consultation avec les intervenants internes et externes et élaboré un plan unifié de réponse de la direction intégrant les recommandations de la commission et du Conseil exécutif.

Nous avons communiqué le projet aux directeurs régionaux, aux sous-directeurs généraux et à l’ensemble des directeurs, y compris nos bureaux de pays, afin de solliciter leurs commentaires et de renforcer leur adhésion au plan.

Le plan de réponse de la direction présente les priorités à court et à moyen terme dans trois domaines qui doivent être mises en œuvre d’ici la fin 2022 :

Premièrement, réorienter l’action de l’OMS en passant à une approche centrée sur les victimes et les survivants.

Deuxièmement, garantir la capacité et la responsabilité du personnel de l’OMS, avec une responsabilité particulière incombant aux gestionnaires et aux dirigeants.

Et troisièmement, réformer notre culture, nos structures et nos systèmes.

Nous mettons actuellement en œuvre les 120 activités énoncées dans le plan.

Mais il reste encore beaucoup à faire. Les changements prendront du temps, exigeront des ressources ainsi que l’action conjuguée de l’ensemble de l’Organisation.

Permettez-moi de souligner nos réalisations jusqu’à présent :

Premièrement, nous avons remis tous les dossiers qui avaient été mis à notre disposition par la commission indépendante aux services d’enquête des Nations Unies afin de finaliser les enquêtes sur l’exploitation et les abus sexuels ainsi que les allégations de faute professionnelle commises par des gestionnaires.

Deuxièmement, nous avons lancé, sous la supervision du Comité consultatif indépendant d’experts de la surveillance, une vérification et un examen de nos fonctions de responsabilisation afin d’étudier la façon dont les cas d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels ont été gérés dans le passé.

Troisièmement, nous élaborons un cadre directeur global qui aligne la politique de l’OMS sur les systèmes des Nations Unies et de l’action humanitaire, ainsi que sur les exigences des donateurs et des États Membres.

Dans l’intervalle, nous avons publié une nouvelle directive sur la protection contre l’exploitation et les abus sexuels, et clarifié les zones d’ombre dans l’interprétation de notre directive.

Quatrièmement, j’ai établi les principales capacités de base pour les activités relatives à la prévention de l’exploitation, des abus et du harcèlement sexuels et des mesures destinées à y remédier dans l’ensemble de l’Organisation.

Il s’agit notamment de la création d’un département dédié à ces questions au sein de mon bureau ; la création de 12 postes à temps plein dans les pays prioritaires où des situations d’urgence sont en cours, ainsi que le recrutement de six coordonnateurs régionaux.

J’ai également nommé un chef chargé des enquêtes par intérim, dont le travail est porte essentiellement sur le nombre de cas d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels et sur l’amélioration de la façon dont nous traitons les nouveaux incidents.

Nous avons rationalisé notre service de signalement des problèmes d’intégrité et augmenté la capacité des experts pour les enquêtes.

Nous utilisons maintenant la base de données de sélection ClearCheck pour examiner tous les candidats à des postes, et nous avons entamé le processus consistant à effectuer des vérifications sur les membres actuels du personnel de l’OMS.

Nous intégrons également nos efforts à notre initiative de transformation, à nos politiques relatives au respect au travail et à nos activités visant à accroître la diversité, l’équité et l’inclusion au sein de notre personnel.   

Comme vous pouvez le constater, nos efforts sont à la fois vastes et de grande envergure. Nous prenons cela très au sérieux, et c’est pourquoi nous demandons un montant supplémentaire de 50 millions USD dans le budget programme.

La majeure partie de ce financement sera consacrée à nos efforts dans les pays et au renforcement des capacités régionales et mondiales afin de veiller à ce que tous nos programmes communautaires et nos activités de riposte aux urgences respectent les protocoles en matière d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels.

Même si nous renforçons les activités de prévention telles que les vérifications sur tous les membres du personnel, la formation obligatoire et la formation continue, ainsi que l’évaluation des risques d’exploitation et d’abus sexuels et les activités d’atténuation, nous devons reconnaître que les comportements répréhensibles à caractère sexuel peuvent se produire en tout lieu.

Il est donc impératif que nous mettions en place un système auquel les victimes et les survivants peuvent accéder en toute sécurité.

Nous avons souhaité apporter aux survivants un soutien plus important que celui offert par le système des Nations Unies, car nous avons constaté qu’il n’était pas solide, et nous avons donc ajouté une aide à la subsistance qui sera proposée à chaque victime identifiée.

L’OMS a également fourni des fonds à l’UNFPA pour veiller à ce que toutes les victimes et survivants identifiés par la commission indépendante reçoivent des soins complets, quelle que soit l’affiliation des auteurs présumés.

Ce soutien comprend notamment la fourniture de services médicaux, psychosociaux, juridiques et socioéconomiques, qui ont été financés par le fonds d’aide aux survivants de l’OMS que j’ai créé l’année dernière à cette fin.

Des outils d’évaluation des risques ont été mis au point pour l’exploitation et les abus sexuels, lesquels seront intégrés à notre cadre de conformité interne. Ils seront mis à l’essai au cours du prochain trimestre.

Cette année, nous accorderons la priorité à la mobilisation, à la capacité et à la responsabilisation de tous les membres de notre personnel, indépendamment de leur type de contrat, et de nos partenaires d’exécution.

Nous lancerons également notre campagne « Aucune excuse » et demanderons à l’ensemble du personnel de contresigner une lettre de la direction de ma part et de celle des directeurs régionaux qui précisera les responsabilités et l’obligation de rendre des comptes, y compris pour moi-même, les directeurs régionaux, les directeurs, les instances dirigeantes et tous les chefs des bureaux de pays.

Mon rapport au Conseil exécutif fournit davantage d’informations sur nos efforts et sur ce à quoi nous serons confrontés à l’avenir.

Merci, une nouvelle fois, pour votre participation et votre soutien.

Nous attendons vos questions, vos commentaires et vos conseils tandis que nous traçons la voie à suivre.

Et je tiens à vous assurer que je suis plus déterminé que jamais à collaborer avec vous pour promouvoir la santé, préserver la sécurité mondiale et servir les populations vulnérables.

Je vous remercie. Monsieur le président, vous avez la parole.