Madame la Présidente,
Excellences,
Je vous remercie de me donner l’occasion de vous informer sur la situation sanitaire à Gaza.
Ma présence ici pour les mêmes raisons date d’il y a presque 12 mois, alors le conflit à Gaza n’avait commencé que depuis quelques semaines. Déjà à cette époque, près de 11 000 personnes avaient été tuées et 27 000 blessées. Il était difficile d’imaginer que la situation soit pire. Mais 12 mois plus tard, c’est le cas.
Et qu’ont apporté ces 12 mois de guerre ? Rien que la mort, la maladie, la destruction et les déplacements.
Plus de 43 000 personnes ont été tuées à Gaza, et plus de 10 000 sont portées disparues, la plupart probablement enterrées sous les décombres.
De surcroit, plus de 102 000 personnes ont subi des traumatismes, notamment des traumatismes crâniens et des lésions de la moelle épinière, des brûlures graves et des blessures nécessitant une amputation.
Le nord de Gaza est assiégé depuis près d’un mois, privé de l’aide la plus élémentaire et de fournitures vitales, tandis que les bombardements et autres attaques se poursuivent.
L’accès humanitaire pour acheminer des fournitures médicales, de la nourriture et du carburant pour les groupes électrogènes des hôpitaux demeure presque impossible.
Depuis mars de cette année, le pourcentage de missions humanitaires entièrement facilitées par Israël a diminué de moitié, passant de 72 % à seulement 36 % en octobre. Les autres missions ont été refusées, annulées ou entravées.
Depuis le début du conflit, l’OMS a vérifié 516 attaques contre des établissements de santé et des services de transport médical à Gaza, faisant 765 morts et près de 1000 blessés.
Les attaques visant les services de santé privent les populations de services de santé vitaux au moment où ils en ont le plus besoin. C’est pourquoi ce type d’attaques est interdit, en vertu du droit humanitaire.
Au total, 94 % de l’ensemble des établissements de santé à Gaza sont endommagés ou détruits ;
seuls 17 des 36 hôpitaux ayant une capacité d’hospitalisation sont partiellement opérationnels ;
et 85 % des installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement sont hors service.
Vous pouvez imaginer quelles sont les conséquences pour la santé physique et mentale de la population de Gaza. La guerre et la maladie sont de vieux amis.
La quasi-totalité de la population de Gaza est confrontée à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, et on estime que 60 000 enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë.
Chaque jour, des centaines de femmes accouchent dans des conditions traumatisantes, insalubres et indignes ;
neuf enfants de moins de cinq ans sur dix sont touchés par une ou plusieurs maladies infectieuses ;
1,2 des millions d’enfants ont besoin de soins de santé mentale et d’un soutien psychosocial parce qu’ils souffrent de dépression, d’anxiété et de pensées suicidaires ;
La semaine dernière, plus de 11 000 cas d’infections respiratoires aiguës ont été signalés, ainsi que des cas croissants d’ictère aigu et de diarrhée sanglante.
La situation pourrait s’aggraver à l’approche de l’hiver. En effet, les abris de fortune et surpeuplés dans lesquels vivent la plupart des personnes les exposent à des conditions qui augmentent le risque de maladies respiratoires ou d’autres maladies.
Selon les estimations de l’OMS, jusqu’à 14 000 patients doivent être évacués hors de Gaza pour recevoir des soins urgents et spécialisés. Depuis le début du conflit, seule une demande d’évacuation médicale sur trois a été accordée.
Vous n’ignorez pas que nous avons assisté à une résurgence de la poliomyélite, situation inédite à Gaza depuis plus de 25 ans.
Pour faire face à cette flambée, l’OMS et une coalition de partenaires ont mené une campagne de vaccination visant à vacciner près de 600 000 enfants âgés de moins de dix ans.
Samedi dernier, la campagne a repris dans le nord de Gaza après avoir été reportée en raison de bombardements intenses, de déplacements massifs et d’un accès restreint.
Au total, plus de 105 000 enfants ont été vaccinés dans le nord de Gaza, bien que près de 14 000 enfants n’aient pas pu être atteints du fait de l’insécurité.
Bien que la garantie d’une pause humanitaire ait été donnée, le centre de soins de santé primaire Sheikh Radwan a été frappé alors que des parents accompagnaient leurs enfants se faire vacciner. Six personnes ont été blessées, dont quatre enfants.
L’OMS et ses 69 partenaires du Groupe sectoriel pour la santé font de leur mieux pour soutenir le système de santé et les personnels de santé de Gaza.
Onze hôpitaux de campagne ont été installés et 15 équipes médicales d’urgence, composées de professionnels de la santé internationaux, sont actuellement déployées dans toute la bande de Gaza, fournissant des services tels que la chirurgie, le traitement des maladies non transmissibles, des soins de santé mentale et un soutien psychosocial.
Le fait que le système de santé de Gaza soit opérationnel témoigne de la résilience de ses agents de santé et de la solidarité des partenaires internationaux.
Toutefois, au moment même où le système de santé a besoin d’être soutenu, l’un des piliers sur lesquels il repose est en train de lui être retiré.
La décision prise par la Knesset, en Israël, d’interdire l’UNRWA éliminera l’un des plus grands prestataires de services de santé essentiels à Gaza.
En effet, chaque jour, les services de l’UNRWA organisent des milliers de consultations médicales, vaccinent des centaines d’enfants, fournissent des soins de santé maternelle et infantile, et bien plus encore.
Un tiers des vaccinateurs contre la poliomyélite étaient des membres du personnel de l’UNRWA.
Près de 1,9 million de personnes déplacées dépendent de l’UNRWA, et 1,6 million de Palestiniens reçoivent des soins de santé par le biais de ses dispensaires et de ses points médicaux.
De nombreux partenaires humanitaires dépendent de ses réseaux logistiques pour acheminer des fournitures à Gaza et les distribuer ensuite là où elles sont les plus nécessaires.
Le personnel de l’UNRWA avec lequel l’OMS travaille est composé de professionnels de la santé et de l’aide humanitaire dévoués qui œuvrent sans relâche pour leurs communautés dans des conditions inimaginables.
Cette interdiction n’améliorera pas la sécurité du peuple israélien, elle ne fera qu’aggraver les souffrances de la population de Gaza, la priver de services de santé essentiels et augmenter le risque de flambées épidémiques.
Il n’existe tout simplement pas d’alternative à l’UNRWA. Aucune autre institution ne peut égaler ses activités. Je sais que le Commissaire général s’exprimera à l’Assemblée générale aujourd’hui, et j’espère que les États Membres, qui ont créé l’UNRWA il y a 75 ans, agiront pour préserver son mandat.
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Excellences, chers collègues,
L’OMS appelle à un accès sans entrave de l’aide humanitaire.
Nous demandons que les services de soins de santé soient protégés, et non attaqués ou militarisés, conformément au droit international humanitaire.
Nous appelons à la mise en place de multiples couloirs d’évacuation médicale, notamment par les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom.
Nous prions Israël de revenir sur sa décision d’interdire l’UNRWA, et nous appelons les alliés d’Israël à formuler la même demande.
Nous invitons instamment le Hamas à libérer les otages qu’il détient toujours à Gaza ;
Et surtout, nous appelons à un cessez-le-feu, à une solution politique et à la paix.
Même lorsque les bombes auront cessé de tomber et que les armes se seront tues, quel que soit le moment, les dommages causés à la santé physique et mentale de la population de Gaza se feront sentir pendant des années.
L’OMS et ses partenaires font tout ce qu’ils peuvent – tout ce qu’Israël nous permet de faire – pour les soutenir.
Mais ce dont ils ont besoin, au-delà de l’aide que nous leur apportons, c’est de la paix.
La paix est le meilleur remède.
Je vous remercie.