Les femmes enceintes et allaitantes ont toujours été exclues de la recherche médicale, ce qui a entraîné des lacunes majeures en matière de données probantes de qualité sur l’innocuité et l’efficacité des médicaments et des vaccins pendant ces périodes critiques. Cette exclusion a conduit à l’adoption de politiques de santé fragmentées et à l’élaboration de recommandations cliniques incohérentes sur la prévention et le traitement. Le Programme spécial de recherche, de développement et de formation à la recherche en reproduction humaine (Programme PRH) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’efforcent de réduire ces décès évitables en encourageant l’adoption des meilleures pratiques pour inclure les femmes enceintes et allaitantes dans la recherche de manière éthique.
« La grossesse entraîne des changements physiologiques importants qui peuvent avoir un impact sur l’absorption, la répartition, le métabolisme et l’élimination de certains médicaments », a expliqué Mariana Widmer, Scientifique en santé maternelle à l’OMS et au sein du Programme HRP. « Les femmes enceintes ont le droit d’avoir accès en temps opportun à des médicaments adaptés, ce qui signifie qu’elles doivent avoir fait l’objet de tests spécifiques pour répondre à leurs besoins. »
Nouvel organisme mondial essentiel pour soutenir l’inclusion dans les essais cliniques
Selon une analyse menée par l’Observatoire mondial de la recherche-développement en santé concernant l’ensemble des essais cliniques figurant dans la Plateforme internationale de registres d’essais cliniques (ICTRP), seuls 4 % des essais cliniques de la dernière décennie ont inclus des femmes enceintes. En conséquence, de nombreuses femmes enceintes et allaitantes se retrouvent sans options de traitement ou prennent des médicaments soumis à prescription, dans le cadre d’un usage hors indication, sans données adéquates pour éclairer une utilisation sûre.
En réponse, l’OMS a mis en place un groupe spécial mondial pour s’attaquer à ce problème de longue date, dans le but d’inclure rapidement et de manière éthique les femmes enceintes et allaitantes dans la recherche clinique sur les produits de santé médicaux d’ici 2030.
Le Groupe spécial s’appuie sur les efforts en cours en matière de lutte contre des maladies spécifiques telles que le paludisme, la tuberculose et le VIH, ainsi que sur la résolution WHA75.8 de l’OMS et la vision du Forum mondial de l’OMS sur les essais cliniques, qui préconise explicitement l’inclusion des groupes sous-représentés, en particulier les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées, dans la recherche clinique. Le Groupe de travail servira de plateforme collaborative pour aligner les approches de l’OMS afin de promouvoir l’inclusion sûre et éthique des femmes enceintes dans les essais cliniques, de réduire les doublons et de favoriser les partenariats avec les parties prenantes internationales pour surmonter les obstacles réglementaires, éthiques et opérationnels.
Il est urgent de changer la situation
Des études montrent que les filières d’innovations dans le domaine de la santé maternelle sont rares et lentes. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, le délai médian pour atteindre un niveau de 20 % en termes d’adoption d’un nouveau produit est de 13,5 ans, un retard qui détruit des vies. Actuellement, une femme meurt toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l’accouchement.
Pour accélérer les progrès, l’OMS continuera de réunir les parties prenantes mondiales, de parvenir à un consensus et de traduire les travaux de recherche en mesures concrètes. Un programme de travail clair assorti de produits tangibles a été conçu pour tirer parti des efforts en cours et accroître les chances à long terme de transformer les politiques et les pratiques.
« Il convient de changer de paradigme », a déclaré Martina Penazzato, du Département Recherche pour la santé de l’OMS. « Imaginez une femme atteinte d’une maladie chronique et enceinte qui ne sait pas si elle peut continuer à prendre ses médicaments en toute sécurité – c’est la réalité de nombreuses femmes aujourd’hui. L’inclusion n’est plus optionnelle ; il est temps de traduire notre engagement commun et notre vision commune en actions concrètes pour protéger la santé des femmes enceintes ainsi que les générations futures.