La volonté de l’OMS de garantir la santé et les soins pour tous implique le besoin pressant d’intensifier l’action aux niveaux mondial et national contre les maladies non transmissibles (MNT) et les facteurs qui exposent tant de personnes au risque de morbidité et de mortalité dues à ces affections dans le monde entier. Par le terme d’action, nous entendons une action coordonnée, dirigée par les plus hautes instances des gouvernements et insérant les préoccupations sanitaires dans l’ensemble des processus politiques, du commerce et de la finance à l’éducation, en passant par l’environnement et la planification urbaine. L’action doit dépasser celle des gouvernements et mobiliser la société civile, les milieux universitaires, le monde des affaires et d’autres parties prenantes encore pour promouvoir la santé.
Mais il revient aux gouvernements de prendre l’initiative. Ce sont eux qui occupent le poste de pilotage pour ce qui est de motiver, voire d’obliger, le secteur privé à donner la priorité plutôt à l’option saine qu’au profit, en particulier pour les industries (par exemple les fabricants, les revendeurs, les spécialistes du marketing pour le tabac, l’alcool, les boissons sucrées, les aliments contenant des acides gras trans et riches en sodium) faisant les produits qui mettent la santé en danger.
Pourtant, comment peut-on parvenir à agir avec une épidémie de maladies non transmissibles d’une telle ampleur – elle est responsable des décès prématurés de 15 millions de personnes entre 30 et 69 ans chaque année, dont 7 millions dans les pays à revenu faible ou intermédiaire de la tranche inférieure – et les intérêts commerciaux aussi forts de puissants opérateurs économiques multinationaux?
La réponse est la prévention de l’exposition aux risques des maladies non transmissibles, comme la fumée du tabac, l’usage nocif de l’alcool, la sédentarité, la mauvaise alimentation et la pollution de l’air, et l’instauration de la couverture sanitaire universelle en garantissant ainsi que tout un chacun puisse avoir accès aux services indispensables de prévention et de traitement sans être acculé à la pauvreté.
L’OMS a élaboré une liste de mesures éprouvées, testées et abordables pour améliorer la prévention, la détection précoce, le traitement et les soins des maladies non transmissibles: donner la priorité aux médicaments essentiels, aux conseils et aux soins pour les personnes atteintes de MNT, d’où qu’elles viennent et quels que soient leurs moyens économiques. L’OMS a également fait des recommandations pour se servir de la législation afin d’éviter en premier lieu l’apparition de ces maladies. Cela veut dire de réglementer les quantités de sel et de sucre dans les aliments transformés et les boissons qui accentuent les épidémies de maladies cardiovasculaires et de diabète et qui sont souvent moins chers que des options meilleures pour la santé.
Ces réglementations impliquent d’interdire les techniques de commercialisation du tabac, la publicité, la promotion, d’interdire de fumer dans tous les espaces publics fermés et les lieux de travail. En plus de brider la consommation des produits mauvais pour la santé, la taxation du tabac, de l’alcool et des boissons sucrées peut également générer des recettes pour la prévention et le traitement des maladies.
Lors de la Soixante Dixième Assemblée mondiale de la Santé en mai 2017, les gouvernements ont approuvé l’ensemble actualisé de «meilleurs choix» et d’autres interventions recommandées pour la prévention des maladies non transmissibles et la lutte qui, quand elles sont mises en œuvre, peuvent aider les pays à atteindre la cible 3.4 des objectifs de développement durable, consistant à réduire d’un tiers, d’ici à 2030, le taux de mortalité prématurée due à des maladies non transmissibles.
En appliquant ces mesures, les gouvernements protègeront la santé, rendront les populations plus fortes et plus productives, feront des économies au niveau des dépenses de santé et, en appliquant des taxes sur le tabac, les boissons sucrées et l’alcool, génèreront des recettes pouvant être réinvesties dans la couverture sanitaire universelle.
On ne peut plus considérer que, pour les maladies non transmissibles, il suffit de remplir les hôpitaux de médicaments et de former des agents de santé.
Dr Tabaré Ramón Vázquez, Président de l’Uruguay
Ces mesures et d’autres, de même que l’action nécessaire pour inscrire les politiques dans la réalité, sont au cœur de la Conférence mondiale de l’OMS sur les maladies non transmissibles, organisée conjointement par l’OMS et la Présidence de l’Uruguay à Montevideo du 18 au 20 octobre 2017. Cette conférence est importante pour de nombreuses raisons. Elle portera sur le renforcement de la cohésion politique, clé de la prévention des maladies non transmissiblesT et de la lutte. Elle sera aussi l’occasion de faire le bilan des progrès nationaux en préparation de la prochaine réunion de haut niveau sur les MNT à l’Assemblée générale des Nations Unies en 2018.
Des progrès ont été accomplis. Au niveau mondial, la probabilité de mourir prématurément de cancer, de maladies cardiovasculaires, de diabète et d’AVC a baissé de 17% entre 2000 et 2015. Mais le monde est encore loin d’atteindre les cibles fixées, à savoir de réduire de 25% d’ici 2025 et d’un tiers d’ici 2030 le taux de mortalité prématurée due à des maladies non transmissibles.
Il est essentiel de changer de paradigme. On ne peut plus considérer que, pour les maladies non transmissibles et la santé en général, il s’agit uniquement de remplir les hôpitaux de médicaments et de former des agents de santé. La politique budgétaire est du ressort des ministères des finances. Les accords commerciaux déterminent les exportations et les importations de denrées alimentaires et de boissons mauvaises pour la santé. Il incombe aux ministères de l’environnement de purifier l’air que nous respirons et c’est dans les écoles que nos enfants acquièrent leurs connaissances sur ce qu’il faut faire pour être en bonne santé.
On ne peut plus dire que les maladies non transmissibles sont un problème de pays riches, qu’il est trop difficile de réglementer le monde des affaires et que c’est aux individus qu’il incombe de faire les bons choix. Au lieu de cela, nous devons attendre des gouvernements qu’ils fassent des bons choix la norme pour leurs citoyens, et nous devons les y aider. Nous attendons de rencontrer les dirigeants des gouvernements en Uruguay pour étudier les moyens d’y parvenir.