Cauca ETV
Vérification de la présence de T. penetrans sur les pieds d'un enfant. La Alianza, Municipio de El Tambo, Cauca, Colombie
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Tungose

28 avril 2023

Principaux faits

  • La tungose est causée par des puces de sable femelles adultes, qui pénètrent dans la peau des pieds principalement.
  • La tungose est communément appelée pulga de areia, niguá, pique, bicho do pé, bichodo porco ou jatecuba en Amérique latine ; jigger, sandflee ou chigoe dans les pays anglophones.
  • Elle provoque des douleurs intenses et des démangeaisons, des difficultés à marcher, à dormir et à se concentrer à l’école ou au travail.
  • La tungose peut être associée à des abcès causés par des infections bactériennes secondaires.
  • Elle touche les populations marginalisées, aux ressources limitées, des régions tropicales des Caraïbes, d’Amérique du Sud et d’Afrique subsaharienne.
  • Les animaux comme les humains sont sensibles à l’infection.


Vue d’ensemble

La tungose est causée par la puce de sable femelle adulte Tunga penetrans ou puce chique. Les larves et les nymphes se développent sur des sols secs et ombragés, principalement à l’intérieur des chambres à coucher des habitations ayant un sol en terre battue où ont lieu la plupart des contaminations. Une fois qu’elle a pénétré sous l’épiderme, la puce chique provoque une inflammation, des douleurs et des démangeaisons, des difficultés à marcher, à dormir et à se concentrer à l’école ou au travail. La tungose est une zoonose qui touche les humains comme les animaux.

Le seul produit de traitement à l’efficacité et l’innocuité élevées est NYDA®, une combinaison d’huiles de diméticone. La lutte contre la maladie nécessitera d’adopter l’approche « Une seule santé », comprenant le traitement des patients, la pulvérisation d’un insecticide ou la pose d’un revêtement sur les sols, le lavage quotidien des pieds avec du savon, et le traitement de tous les animaux infectés appartenant aux familles touchées.

Ampleur du problème

T. penetrans se rencontre dans les régions tropicales et subtropicales des Caraïbes, d’Amérique du Sud et d’Afrique subsaharienne. Plus d’un milliard de personnes vivent dans des zones propices à la transmission de la tungose, mais aucun pays n’effectue de surveillance systématique, si bien que l’on ne connaît pas la charge réelle de morbidité. Cependant, au sein des communautés où la maladie est endémique, les enquêtes ont rapporté une prévalence de 7 % à 63 %, donc une répartition hétérogène.

Qui est exposé ?

Les personnes âgées et les enfants âgés de 5 à 14 ans, en particulier les garçons, sont les plus à risque. Les personnes handicapées sont également très vulnérables à l’infection.

La tungose prospère là où les conditions de vie sont précaires, comme les villages situés sur des plages isolées, les communautés vivant dans l’arrière-pays rural ou les bidonvilles des grandes villes. Dans ces contextes, la plus forte charge de morbidité pèse sur les plus pauvres parmi les pauvres.

Signes et symptômes

La tungose est diagnostiquée par inspection visuelle ; les puces vivantes apparaissent sous la forme d’un disque blanchâtre de taille variable avec en son centre un point qui s’assombrit avec le temps pour devenir entièrement noir à la mort de la puce chique. Dans les régions où la maladie est endémique, les personnes touchées, même les enfants, savent généralement s’ils sont atteints de la tungose. La plupart des personnes atteintes tentent d’extraire les puces, laissant une lésion circulaire typique, comportant souvent les restes noircis de la puce morte. Cette lésion est une indication claire d’une infection récente.

La morbidité aiguë et chronique associée à la tungose résulte d’une réaction inflammatoire autour de la lésion causée par les puces de sable femelles enkystées, exacerbée par une surinfection bactérienne. Pendant la phase aiguë, érythème, œdème, desquamation, douleur et démangeaisons sont constants. Les démangeaisons induisent le grattage de la lésion, qui à son tour facilite la surinfection bactérienne. Les abcès, parfois de taille importante, sont fréquents.

Les pieds sont le point d’infection le plus courant, mais l’infestation peut se produire dans toutes les parties du corps. Des lésions de type bulleux ont également été rapportées. Parmi les complications chroniques figurent les fissures, les ulcères, la lymphangite, le lymphœdème, la névrite ascendante, la déformation et la perte des ongles, et la nécrose tissulaire. Celles-ci entraînent douleurs, incapacités, déformation et mutilation des pieds, causant des changements caractéristiques dans la façon de marcher des personnes atteintes de tungose.

Transmission

Les chambres à coucher des habitations au sol en terre battue où se développent les larves et les nymphes, une fois que les œufs y ont été déposés, sont le principal lieu de transmission du parasite. La puce de sable femelle adulte pénètre sous l’épiderme et au fur et à mesure du développement des œufs, son volume est multiplié par 2000. Elle vit généralement de 4 à 6 semaines, au cours desquelles les œufs sont expulsés et tombent au sol. Les orteils, la plante, le bord latéral du pied ou le talon sont des localisations d’infection courantes, et 99 % de toutes les lésions sont situées sur les pieds.

Dans certaines régions, plusieurs espèces de mammifères peuvent servir de réservoirs pour l’infection humaine. Dans les zones rurales, il s’agit principalement des porcs et des bovins ; Dans les communautés urbaines les plus pauvres, des chiens, des chats et des rats. Dans certaines régions, l’infection peut se transmettre sans réservoir animal lorsque la peau entre en contact avec le sol, ou un sol intérieur où des puces de sable adultes se sont développées.

Impact

La puce enkystée induit une inflammation associée à une douleur et des démangeaisons intenses, qui perturbent le sommeil et nuisent à la concentration à l’école ou au travail. Les patients atteints de nombreuses lésions dues aux puces enkystées éprouvent des difficultés à marcher, perdent souvent leurs ongles et ont des pieds défigurés et mutilés. Les personnes atteintes de tungose sont victimes de stigmatisation et d’exclusion sociale et l’impact sur leur qualité de vie est considérable. Les enfants atteints de la maladie ont des troubles cognitifs et de moins bons résultats scolaires. Invalidante pour les membres adultes du ménage, la maladie a un impact négatif sur l’économie des ménages. La surinfection bactérienne peut causer des complications potentiellement mortelles, telles que la septicémie, le tétanos ou la gangrène.

Traitement

Dans les zones d’endémie, l’extraction mécanique des puces de sable enkystées est courante, à défaut d’autre solution, ce qui est habituellement fait par les patients eux-mêmes ou un aidant. Les parasites enkystés sont éliminés dans des conditions non stériles à l’aide d’instruments tels que des bâtonnets, des épingles à cheveux, des épines, des épingles de sûreté, des aiguilles à coudre ou des ciseaux. La procédure est douloureuse et traumatisante pour les enfants. L’élimination des puces peut provoquer une inflammation locale si le parasite se brise, et conduire à l’introduction de bactéries pathogènes dans la lésion, entraînant une nouvelle surinfection de la plaie. L’instrument est souvent utilisé par la suite sur plusieurs personnes, ce qui risque de transmettre le virus d’autres maladies telles que l’hépatite B (VHB) ou l’hépatite C (VHC), ou même le VIH.

L’extraction mécanique ne doit être effectuée avec des instruments chirurgicaux que par un(e) infirmier/ère expérimenté(e) dans des conditions stériles. Après l’enlèvement des puces de sable, la plaie doit être soignée de manière appropriée et la vaccination du patient contre le tétanos vérifiée, une vaccination de rappel étant effectuée si nécessaire.

Le traitement local avec une préparation de deux huiles de diméticone à faible viscosité (NYDA®) est très efficace et sûr.

Prévention et lutte

Le principal facteur de risque de la tungose est l’extrême pauvreté, qui est associée à des comportements exposant les personnes à un risque d’infection. On peut citer notamment le fait de vivre dans une habitation avec un sol en terre battue, de ne pas se laver les pieds régulièrement et de ne pas utiliser de savon pour se laver. Dans certaines communautés, l’infection est également liée à la possession de chiens ou de porcs.

Ainsi, une réduction durable de l’incidence et de la morbidité associée à la tungose ne peut être obtenue que par une approche « Une seule santé » intégrant un changement de comportement pour une utilisation quotidienne de savon dans le lavage des pieds, la pulvérisation d’insecticide ou la pose d’un revêtement sur les sols, le traitement des réservoirs animaux là où ils sont infectés et le traitement des humains.

L’application régulière d’un répulsif à base d’huile de noix de coco empêche efficacement les puces de pénétrer dans la peau. Lorsque le répulsif est appliqué deux fois par jour sur les pieds, la morbidité associée à la tungose diminue rapidement et devient quasi nulle après 8 à 10 semaines. Même si le répulsif est appliqué par intermittence, la réduction de la morbidité est significative.

Difficultés

La principale difficulté tient au manque de financement et au peu d’attention portée à la maladie par les gouvernements et les organismes de financement. En conséquence, aucun pays ne connaît la charge de morbidité attribuable à la tungose ni sa répartition. Le traitement à la diméticone très efficace n’est pas disponible dans les pays d’endémie et aucune solution de remplacement sûre et efficace n’a fait l’objet d’études suffisantes ; on manque également d’essais d’interventions visant à définir des mesures de prévention efficaces. 

Action de l’OMS

En mai 2013, la Soixante-Sixième Assemblée mondiale de la Santé a décidé d’intensifier et d’intégrer les mesures de lutte contre les maladies tropicales négligées telles que la tungose et de planifier des investissements pour améliorer la santé et le bien-être social des populations touchées. L’OMS collabore avec les États Membres et les partenaires pour assurer la mise en œuvre de la résolution WHA66.12. En 2022, l’OMS a publié le Cadre stratégique pour lutter contre les maladies tropicales négligées (MTN) à manifestation cutanée afin de promouvoir la lutte intégrée contre différentes maladies de la peau. La tungose est l’une des maladies couvertes par ce document et la Feuille de route pour les MTN, l’objectif étant d’en accroître la surveillance et la visibilité.