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Pian

10 janvier 2022

Principaux faits

  • Le pian est une maladie infectieuse chronique de l’enfance, défigurante et débilitante.
  • Le pian affecte la peau, les os et les cartilages. Les êtres humains sont actuellement le seul réservoir connu de cette infection. La transmission se fait de personne à personne.
  • Une dose unique par voie orale d’azithromycine, un antibiotique peu onéreux, permet de guérir le pian.
  • La maladie est actuellement endémique dans 15 pays.

 


Aperçu général

Le pian fait partie d’un groupe d’infections bactériennes chroniques que l’on désigne couramment par le terme « tréponématoses endémiques ». Ces maladies sont dues à des bactéries spiralées appartenant au genre Treponema, qui comprend aussi la syphilis endémique (béjel) et la pinta. Le pian est la plus courante de ces trois infections.

Le micro-organisme qui cause le pian, Treponema pallidum sous-espèce pertenue, est proche génétiquement de Treponema pallidum sous-espèce pallidum, responsable de la syphilis, du béjel et de la pinta.

La maladie est présente principalement dans les communautés défavorisées des régions forestières tropicales chaudes et humides d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Pacifique. Les populations les plus touchées vivent dans des zones rurales éloignées des services de santé. La pauvreté, la précarité socioéconomique et le manque d’hygiène personnelle facilitent la propagation du pian.

Ampleur du problème

Environ 75 à 80 % des personnes touchées par le pian sont des enfants de moins de 15 ans. L’incidence de la maladie est maximale chez les enfants de 6 à 10 ans, et il n’y a pas de différence d’incidence selon le genre. Le pian se transmet de personne à personne, par contact avec une blessure sans gravité. La lésion qui résulte de ce contact initial est remplie de bactéries. La plupart des lésions touchent les bras et les jambes. La période d’incubation dure de 9 à 90 jours, et 21 jours en moyenne. En l’absence de traitement, l’infection peut conduire à des déformations ou à des mutilations chroniques et à une invalidité.

L’OMS classe les pays en trois groupes épidémiologiques.

Groupe A : pays dont le statut d’endémicité est actuellement connu

Groupe B : pays qui étaient auparavant des pays d’endémicité, mais dont le statut actuel est inconnu

Groupe C : pays sans antécédents de pian

En 2013, le pian était endémique dans 13 pays. Depuis lors, dans le cadre d’activités de surveillance intensive, deux autres pays ont signalé des cas confirmés de pian (le Libéria et les Philippines) (1) et trois pays ont signalé des cas suspects (la Colombie, l’Équateur et Haïti).

En 2021, un seul cas de pian a été signalé chez un enfant de 5 ans en Malaisie, répertoriée par l’OMS comme faisant partie des pays qui étaient auparavant des pays d’endémicité, mais dont le statut actuel est inconnu (2). Des recherches plus approfondies sont nécessaires.

Sur l’ensemble des pays et territoires d’endémicité connus dans les années 1950, au moins 76 appartiennent au groupe B et doivent faire l’objet d’une évaluation pour déterminer si la maladie y est toujours présente. Cela peut se faire au moyen de la surveillance intégrée du pian et d’autres maladies, en particulier les maladies tropicales négligées à manifestation cutanée.

En 2020, 87 877 cas suspects de pian ont été signalés à l’OMS dans 11 pays, mais seulement 346 cas ont été confirmés dans 7 pays, la majorité des cas se trouvant dans la Région du Pacifique occidental (Îles Salomon, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Vanuatu). En 2021, 123 866 cas ont été signalés dans 13 pays et 1102 cas ont été confirmés dans 9 pays. Plus de 80 % des cas ont été signalés dans la Région du Pacifique occidental, surtout en Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais la plupart des cas dans cette Région ne sont pas confirmés en laboratoire.

Manifestations cliniques

Au départ, le pian se manifeste par un papillome (une tumeur semblable à une verrue) rempli de bactéries, ce qui rend le diagnostic clinique simple. En l’absence de traitement, le papillome va s’ulcérer. Le diagnostic de la forme ulcéreuse est plus difficile et nécessite une confirmation sérologique. Le papillome et les ulcères sont très contagieux et ils peuvent contaminer rapidement d’autres personnes en l’absence de traitement. Il existe d’autres formes cliniques, mais elles ne sont pas aussi contagieuses.

Le pian secondaire survient des semaines ou des mois après l’infection primaire et se manifeste habituellement par de multiples lésions surélevées jaunâtres ou des douleurs et le gonflement des os longs et des doigts (dactylite).

Diagnostic

On utilise couramment les tests sérologiques en laboratoire, tels que le test d’agglutination passive de Treponema pallidum (TPPA) et le test rapide de mise en évidence de la réagine plasmatique (RPR), pour diagnostiquer les tréponématoses (par exemple la syphilis et le pian), mais ils ne permettent pas de faire la distinction entre le pian et la syphilis. En outre, leur interprétation chez l’adulte vivant en zone d’endémicité du pian nécessite une évaluation clinique minutieuse. Environ 40 % des ulcères diagnostiqués à tort comme étant causés par le pian sont dus à Haemophilus ducreyi, une bactérie sans rapport avec la maladie.

Les tests rapides de diagnostic des tréponématoses sont largement disponibles et bon marché ; en revanche, ils ne permettent pas pour la plupart de faire la distinction entre une infection actuelle et passée, et sont donc d’une utilité limitée pour le suivi de l’interruption de la transmission. Les tests Dual Path Platform Syphilis Screen and Confirm (DPP, Chembio Diagnostics, États-Unis) permettent de diagnostiquer les infections passées et présentes. En raison du coût élevé des tests DPP, le dépistage initial des cas suspects de pian peut être effectué par des tests de diagnostic des tréponématoses en confirmant les cas positifs par DPP. Cependant, les pays peuvent choisir d’utiliser uniquement les tests DPP s’ils ont les moyens financiers de ce faire.

La technique de la PCR (amplification en chaîne par polymérase) est utilisée pour confirmer sans ambiguïté le pian en détectant l’ADN dans les lésions cutanées. Elle peut également être utilisée pour surveiller la résistance à l’azithromycine. Elle sera utile après les traitements de masse et dans le cadre de la surveillance post-éradication.

Traitement et soins

Deux antibiotiques, l’azithromycine ou la benzathine pénicilline, peuvent être utilisés pour traiter le pian :

  • L’azithromycine (en dose unique par voie orale), selon une posologie de 30 mg/kg (2 g au maximum), constitue le traitement privilégié.
  • La benzathine pénicilline (en dose unique par voie intramusculaire), selon une posologie de 0,6 million d’unités (chez l’enfant de moins de 10 ans) et de 1,2 million d’unités (chez les sujets de plus de 10 ans) dans les cas où l’on suppose un échec clinique du traitement à l’azithromycine ou chez les patients ne pouvant bénéficier de ce traitement.

Les patients doivent être réexaminés quatre semaines après avoir reçu le traitement antibiotique. Dans plus de 95 % des cas, une guérison complète est observée. Tout patient chez lequel on suppose un échec thérapeutique doit être soumis à un test de résistance aux macrolides et recevoir un traitement de benzathine pénicilline.

Prévention et lutte

Il n’existe pas de vaccin contre le pian. L’éducation sanitaire et l’amélioration de l’hygiène personnelle sont des mesures essentielles pour réduire la transmission. Les personnes ayant été en contact avec des patients atteints de pian doivent recevoir un traitement empirique.

La stratégie d’éradication de la maladie repose sur le traitement de masse (ou traitement de toute la communauté) consistant à administrer une dose orale d’azithromycine (30 mg/kg, 2 g au maximum) à l’ensemble de la population (couverture de 90 % au minimum) dans les régions touchées par le pian.

Trois critères ont été définis pour l’éradication du pian :

  • l’absence de nouveaux cas autochtones confirmés par sérologie pendant trois années consécutives ;
  • l’absence de cas confirmés par PCR ; et
  • l’absence de signe de transmission pendant trois années consécutives, mesurée par enquête sérologique chez les enfants âgés de 1 à 5 ans.

Progrès sur la voie de l’éradication

En 2020, dans le cadre de l’accord conclu entre l’OMS et le groupe pharmaceutique EMS (Brésil), 1,4 million de comprimés d’azithromycine ont été envoyés au Cameroun en vue d’un traitement à grande échelle (administration massive de médicaments ou AMM). 

Entre 2021 et 2023, le groupe EMS a fourni 9 millions de comprimés afin de faciliter l’AMM dans plusieurs pays, notamment le Cameroun, le Congo, les Îles Salomon, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la République centrafricaine et Vanuatu. D’autres pays d’endémicité ont reçu de l’azithromycine pour la surveillance active.

Une étude effectuée récemment en Papouasie-Nouvelle-Guinée (3) confirme que l’administration de trois cycles d’azithromycine dans le cadre de l’AMM à six mois d’intervalle réduit de façon significative la prévalence des formes active et latente du pian par rapport à l’administration d’un seul cycle du médicament. Ces résultats suscitent l’espoir que ce mode d’administration, combiné à une surveillance active visant à détecter et à traiter les cas entre les cycles de traitement de masse, pourra entraîner une interruption précoce de la transmission.

L’émergence de souches résistantes à l’azithromycine est très rare, mais constitue une menace potentielle. Une surveillance clinique étroite des cas ainsi qu’une surveillance biologique sont nécessaires. Le linézolide, une oxazolidinone peu coûteuse, possède une activité in vitro et in vivo contre T. pallidum. Des recherches cliniques visant à évaluer l’efficacité du linézolide comme traitement alternatif du pian en cas de résistance aux macrolides sont en cours.

Le Partenariat des pays européens et en développement sur les essais cliniques (programme EDCTP) soutient l’évaluation d’une nouvelle méthode d’amplification isotherme induite par boucle (LAMP) au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Ghana permettant de détecter le tréponème et la résistance à l’azithromycine. Les résultats de cette étude aideront à intensifier les efforts déployés en vue d’éradiquer le pian.

Action de l’OMS

En vue d’éradiquer le pian, l’OMS :

  • élabore des stratégies visant à guider les pays dans la planification et la mise en œuvre d’activités d’éradication du pian ;
  • crée des matériels pédagogiques pour aider les agents de santé et les bénévoles communautaires à reconnaître la maladie ;
  • apporte son soutien aux pays moyennant le don garanti par l’Organisation de 153 millions de comprimés d’azithromycine ;
  • met au point des outils normalisés pour la collecte et la communication des données ;
  • renforce la collaboration et la coordination entre les partenaires et les autres parties prenantes ; et
  • mène des activités de sensibilisation et établit des partenariats.

L’OMS recommande d’intégrer les activités d’éradication du pian aux programmes de lutte contre les maladies tropicales négligées (pour ce qui est de l’administration de masse de médicaments) et concernant les maladies tropicales négligées à manifestation cutanée (pour la surveillance active). À cet égard, afin de guider les pays, l’OMS a publié en juin 2022 un cadre stratégique pour la lutte intégrée contre les maladies tropicales négligées à manifestation cutanée (en anglais).

 



(1) Yaws in the Philippines: first reported cases since the 1970s (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6990502/, en anglais)

(2) Yaws: The forgotten tropical skin disease (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8680937/, en anglais)

(3) Trial of Three Rounds of Mass Azithromycin Administration for Yaws Eradication (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34986286/, en anglais)